Lettre ouverte à Dr Georges L’Espérance
Président de l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD)
Le droit de mourir dignement est un choix de fin de vie qui n’est pas vraiment connu dans l’Outaouais (*). Heureusement que l’AQDMD était là pour m’écouter car sans elle, j’aurais pataugé dans le désespoir et l’ignorance. Je vous le dis, que des portes closes. Comme je l’ai déjà exprimé lors de nos conversations, ma santé précaire, les souffrances au quotidien, mon handicap et le cancer assombrissaient le parcours de ma vie à chaque jour nouveau. Cette femme énergique, cette mère aimante, cette compagne affectueuse s’aigrissait davantage avec la douleur et l’inconfort. Force m’est d’avouer que je n’avais pas l’étoffe d’une sainte encore moins d’une guerrière et l’avenir que je voyais poindre me terrorisait de plus en plus jusqu’à l’anxiété chronique. Après soixante-onze ans et des poussières d’existence, les espoirs d’une nouvelle jouvence s’amenuisent et même disparaissent. Prendre davantage de médicaments au risque de chutes et autres accidents de toutes sortes, n’était pas plus une solution envisageable pour moi. Dans mon cas, à tout le moins.
Après avoir côtoyé une panoplie de spécialistes, essayé des tonnes de médicaments dans le sens de beaucoup de pilules, visité tous les hôpitaux dans une agglomération de quatre cents kilomètres (j’ai un porte-folio impressionnant de cartes d’hôpital colorées du blanc au vert foncé pour en attester) moi, je décide librement d’arrêter tous ces examens intrusifs et tous ces soins inutiles ne donnant qu’un très mince espoir de jours meilleurs. Cette décision si difficile m’a ouvert la porte sur une sérénité que je n’aurais jamais imaginée possible dans ma maladie. Malgré le flot de peine et de tristesse qui déferle sur les miens, nous nous regardons les yeux larmoyants avec un sourire de consentement et d’approbation. C’est compris, c’est accepté. Entre faire la promotion du “mourir dignement” et l’ignorer, il y a tout un fossé que notre communauté dans l’Outaouais doit franchir. Ensemble. Patients, soignants, scientifiques et bien-pensants.
Choisir sa vie, se réaliser dans le travail, grandir dans sa communauté et maintenant, choisir le temps de mettre fin à toute cette souffrance est devenu réalité puisque c’est là et c’est un droit. Ce n’est pas facile de réaliser qu’il n’y aura, dans le temps, que souffrances et douleurs. Que notre corps est devenu un poids mortel. Si le choix de mourir dans la dignité est exprimé clairement et avec conviction, il doit être respecté par tous, enfants, parents, conjoints et surtout, surtout le corps médical. Avec tout le respect et la gratitude que l’on doit à nos soignants, ils ont aujourd’hui le devoir de bien informer les gens et non pas d’influencer les choix de fin de vie. Depuis le jugement de Madame la Juge Christine Baudoin de la Cour supérieure du Québec (Gladu – Truchon) le doute et l’ignorance ne sont plus permis. Tout le corps médical doit se remettre à l’heure et à la bonne heure, celle de l’évolution de la loi sur l’aide médicale à mourir dignement.
Dr L’Espérance, il y a urgent besoin que l’AQDMD vienne informer et former du personnel adéquat aux vrais besoins de fin de vie qui comprennent davantage que les seuls soins palliatifs. Au-delà de l’individualité dans la mort, il y a le libre arbitre. Le suicide ne devrait plus, désormais, être une option chez les malades et les aînés dans l’Outaouais .
Mes plus sincères remerciements à l’AQDMD.
(*) l’Outaouais est une région située à l’ouest du Québec
Mme Jocelyne Ladouceur
Gatineau