- « Nous avions aussi des moments de bonheur », confie Mathilde Marquet.
Martine Marquet, une montamatoise décédée le 3 septembre dernier, était suivie depuis 2010 au CHU de Bordeaux pour une myopathie des ceintures, son déficit moteur s’était aggravé depuis mai 2018. Début 2019, une sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou maladie de Charcot* est diagnostiquée. Elle laisse un témoignage sur cette maladie mal connue du public. Des confidences bouleversantes. Nous en publions des extraits.
« J’ai énormément d’admiration pour elle, confie Mathilde sa fille. Jusqu’à son dernier souffle, Maman est restée forte, refusant toute assistance… Elle voulait faire comprendre aux gens qu’elle n’était pas handicapée, qu’il ne fallait pas avoir peur d’elle, ni la regarder d’un air étrange, elle était toujours elle-même. Personne ne peut s’imaginer l’enfer que c’était pour elle comme pour nous. Maman était une personne très forte, positive. La maladie est arrivée chamboulant nos vies, paralysant son corps. Papa et moi étions là pour lui permettre de vivre « normalement » car elle nous gérait toujours d’une main de maître, d’où son surnom depuis des années « Commandant-chef ».
Tandis qu’Hervé, son père se tient près d’elle silencieux, la jeune étudiante raconte. « Martine travaillait encore en mai dernier. C’était une femme volontaire, investie tant auprès de sa famille, qu’à son travail ou dans la vie municipale et associative. Élue au conseil municipal de Montamat de mars 1995 à juin 2020, elle continuait à s’intéresser aux affaires du village. »
Le maire Sylvain Lauzes dont elle fut adjointe se souvient : « Assidue tant à nos réunions, qu’au comité des fêtes, elle était de bon conseil dans l’organisation de nos divers événements. »
En octobre 2019, Martine commence sa lettre restée inachevée, pour dire à tous la réalité de cette maladie affrontée avec courage et défi : « Je me souviens de l’annonce du médecin, cette impression de suffoquer, mon incapacité à trouver les mots et cet inexorable désir de m’extirper de ce cauchemar sans y parvenir. Le corps ne ment pas. Le mien a commencé à me lâcher il y a quelques mois et cela s’aggrave de jour en jour. Tout va très vite. J’ai beau être optimiste, je suis lucide. Je suis épuisée. La situation est trop lourde à gérer, difficile de vivre avec ce stress de souffrance, de dégradation physique et l’angoisse de la mort qui rôde. La marche est devenue impossible. Manger ou boire est de plus en plus difficile et le quotidien sera bientôt infernal. Cette détérioration constante, parfois très rapide, est malheureusement sans rémission possible. Dès lors, ce ne sera plus « vivre » mais « survivre » et sans avoir la possibilité de parler. La SLA est une maladie neurodégénérative incurable et mortelle. Aucune issue, aucun espoir.
Je suis condamnée. Mon cas n’est qu’un exemple parmi tous ceux qui demandent le droit de décider pour eux-mêmes, qui veulent pouvoir refuser les soins palliatifs et éteindre une lumière qui n’en est plus une. « Euthanasie », le mot fait peur, alors qu’il est si explicite. Son origine grecque dit « avoir une mort douce, qu’elle soit provoquée ou naturelle ». […] Mais ils (son mari et sa fille, NDLR) refusent de m’aider à partir. J’ai vite compris que si je ne prenais pas les devants, j’étais vouée à mourir de la pire des manières. Ce choix, je l’ai fait seule : je n’irai pas au bout de ma maladie. […] Je suis totalement abandonnée face à l’impuissance de la médecine. Ma seule issue : le suicide assisté. J’estime avoir le droit de mourir comme je l’entends. […] »
Elle s’est renseignée sur cette issue en Suisse, en Belgique. Les démarches sont insurmontables car le temps lui manque. L’évolution de la maladie a été très rapide. En quelques mois, elle perd son autonomie. Elle décrit ce calvaire dans sa lettre : « J’ai la motricité d’un enfant de 18 mois, ma masse musculaire a réduit comme peau de chagrin et j’ai perdu près de 15 kg en un an. J’attends que ça empire. Je sais que je vais baver d’ici peu. Que je ne pourrai plus parler, ni marcher, ni déglutir. Mes bras, mes jambes, puis mon corps entier seront des poids morts. Je suis en train d’être emmurée vivante… »
* La maladie de Charcot, appelée sclérose latérale amyotrophique (SLA), est une maladie neurodégénérative qui atteint progressivement les neurones et entraîne une faiblesse musculaire puis une paralysie. L’espérance de vie des patients reste très courte.
Source :
« La Dépêche.fr « – Maïa Alonso 08.11.2020