Il y a eu des avancées phénoménales que la médecine a apporté à l’humanité de façon générale et aux individus de façon spécifique, surtout au XXe siècle et plus spécifiquement depuis la deuxième guerre. Les bénéfices de l’hygiène et de la santé publique, de l’éradication de certaines grandes maladies infectieuses, du traitement des traumatismes, des maladies cardiovasculaires et du cancer pour n’en nommer que quelques-unes parmi les plus évidentes, ne sont plus à démontrer et les bienfaits sur les populations sont évidents.
Pour peu que l’on se penche sur ce sujet, il est rapidement évident qu’un rapport pour le moins ambigu est entretenu avec la mort, inéluctable, non seulement par les médecins mais aussi par les individus qui composent une société donnée tout autant que les diverses cultures constituantes de notre monde. C’est bien sûr le cas des débats sur l’aide médicale à mourir (AMM) et le suicide assisté. Et que dire de l’acharnement thérapeutique qui existe bel et bien encore, souvent cependant sous une forme plus subtile qu’il y a 20 ou 30 ans. Le triste exemple de l’affaire Vincent Lambert en France nous rappelle que rien n’est jamais acquis dans la lutte pour l’autonomie de l’individu soit en raison des dogmes religieux d’un autre âge – qui doivent rester dans la sphère privée – soit encore à l’encontre d’un paternalisme médical beaucoup plus questionnable car sociétal.
Je remercie le comité directeur de l’Association « Le Choix » de me donner l’occasion d’élaborer quelque peu sur l’aide médicale à mourir (AMM), tant de mon point de vue de médecin prestataire de l’AMM que de celui plus global du Québec. L’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD), est une association citoyenne dont la mission est de protéger les droits de chacun d’obtenir une mort digne et selon ses valeurs. (https://aqdmd.org/)
Neurochirurgien retraité de la pratique active, j’ai passé toute ma carrière à recevoir, évaluer et traiter des patients avec des conditions souvent très morbides : traumatismes crânio-cérébraux majeurs, hémorragies et tumeurs cérébrales, pathologies de la moelle épinière, etc. Tout était fait pour préserver la vie dans des conditions optimales, mais il faut aussi savoir raison garder.
À la fin de ce texte, un addendum vous indique l’état de lieux de l’aide médicale à mourir au Québec et au Canada, en date de juillet 2021.
En 2015, l’implantation de l’aide médicale à mourir s’est faite de façon relativement harmonieuse sur l’ensemble du territoire du Québec compte tenu du changement de mentalité que cela impliquait.
Selon les témoignages que nous recevons à l’AQDMD, et selon les chiffres disponibles, les personnes qui répondent aux critères mis en place reçoivent avec humanité l’AMM. Les données actuelles montrent que près de 3 % des décès totaux sont attribuables à l’AMM.i
Lorsque les conditions autres (confort du patient, intensité des soins de soutien, disponibilité du personnel soignant et des proches aidants, etc.) s’y prêtent, l’aide médicale à mourir à domicile devrait être le but visé pour une importante tranche des patients qui en sont rendus à ce point dans leur évolution. C’est ce que la majorité des patients demandent, en particulier en ce qui concerne les conditions chroniques neurologiques dégénératives (sclérose en plaques, sclérose latérale amyotrophique, Parkinson, myélopathie, etc.). Nos chiffres actuels de décès à domicile (20 %) sont moins significatifs qu’en Belgique par exemple, mais nous avons bon espoir que cette situation s’améliore : le décès à domicile entouré des siens et dans la sérénité est certainement un idéal qu’il faut chercher à atteindre lorsque les conditions médicales s’y prêtent.
L’aide médicale à mourir dans les directives médicales anticipées (DMA)
Il s’agit ici pour une personne apte à prendre des décisions pour elle-même de pouvoir accéder à l’aide médicale à mourir par des directives médicales anticipées au moment où elle le désire alors qu’elle ne sera plus apte à prendre une telle décision : c’est toute la question des maladies neurodégénératives cognitives de type Alzheimer. C’est la question qui revient le plus souvent dans les conférences que nous donnons sur le sujet ou dans les questions qui nous sont demandées. C’est aussi la demande qui revient le plus fréquemment dans le questionnement des citoyens.ii Ici, la question n’est pas tant la logique de cette demande mais plutôt son opérationnalisation tant du point de vue médical que juridique. Qui décidera que le moment est venu au jour X ? La famille, les proches devront-ils démontrer un consensus ?
De très nombreuses questions se posent, mais il faut absolument aborder ce sujet car il existe actuellement un grand paradoxe dans notre législation: toute personne apte à décider pour elle-même peut remplir ses directives médicales anticipées et refuser à l’avance tout traitement qui pourrait la maintenir en vie, tout en sachant très bien que l’abstention va conduire inévitablement à sa mort à court ou très court termeiii. De telles directives médicales anticipées font partie des droits de chaque citoyen et sont même inscrites au Québec dans le registre des directives médicales anticipées. Tel que prescrit par la loi 2 cependant, article 51, seule l’aide médicale à mourir ne peut être demandée par les directives médicales anticipées. D’un côté, la décision de n’avoir recours à aucun traitement alors même que le patient est devenu inapte fait partie d’un droit inaliénable pourvu que la personne en ait fait la demande alors qu’elle était apte, mais d’un autre côté, l’aide médicale à mourir ne l’est pas.
Cette question devrait faire l’objet d’une décision législative (positive) d’ici l’été 2022.
Le patient inapte dans l’état actuel des choses.
Par ailleurs, l’AQDMD défend avec la plus grande énergie la position incontournable que l’aide médicale à mourir ne soit jamais accessible à des patients inaptes qui n’en auraient pas fait la demande auparavant, de façon libre et éclairée par des DMA. D’un point de vue moral, là, et là seulement serait la seule véritable embûche à toute la question de l’aide médicale à mourir : donner sciemment la mort à des patients inaptes. Nous devons absolument comme société se tenir totalement à l’extérieur de cette alternative et considérer qu’il ne s’agit en aucune façon d’une option quelconque.
Les soins palliatifs
Il est nécessaire de le répéter : les soins palliatifs et l’AMM ne sont aucunement en opposition et il est évident qu’il faut poursuivre le développement des soins palliatifs. Mais il est fondamentalement faux de prétendre que les SP ont réponse à TOUS les problèmes et la preuve en est faite dans les pays qui permettent l’aide médicale à mourir ET qui ont des soins palliatifs bien développés : 2 à 4 % des patients décédés ont bénéficié de l’AMM. Ce sont deux modalités qui s’offrent aux patients en fin de vie et ils ont droit à notre écoute et notre compassion comme médecins : ce sont ces patients (et leur famille) qui sont rendus à cette extrémité, pas leurs soignants. Au Canada, 80 % des patients qui ont reçu l’AMM ont bénéficié de soins palliatifs. Les autres 20 % les avaient refusés.
L’Église et l’aide médicale à mourir
L’Église catholique s’oppose fermement à l’aide médicale à mourir. Durant des siècles, l’Église a affirmé que la terre était le centre du monde. Qui disait le contraire était passible d’excommunication et même du bûcher alors que dès le XVIe siècle, Copernic avait démontré l’héliocentrisme; et ce n’est qu’en 1992 (!) que le Vatican a « réhabilité Galilée…Combien de chrétiens affirmeraient maintenant que notre toute petite terre est le centre de l’univers?
Le même phénomène se produit aujourd’hui avec l’aide médicale à mourir. L’argumentaire traditionnel de l’Église, c’est que la loi de Dieu dit qu’on ne doit pas tuer. Quand on a Dieu de son côté, on se sent au-dessus de toute position contraire. Mais l’Église n’avait-elle pas Dieu de son côté quand elle affirmait que la terre était le centre du monde? N’a-t-elle pas Dieu de son côté quand elle condamne sans appel l’homosexualité? Mais la forteresse Église commence à montrer ses lézardes : un théologien catholique de Sherbrooke (au Québec), Jean Desclos, vient de publier L’aide médicale à bien mourir, un plaidoyer dans lequel il est favorable à l’aide médicale à mourir. Et il fait suite à de nombreux autres, dont le plus connu est probablement feu Hans Küng, prêtre et théologien suisseiv.
Et heureusement aussi, plusieurs prêtres acceptent d’accompagner des malades dans ce dernier voyage qui respecte leur dignité; j’en ai eu moi-même la preuve en donnant ce dernier soin en compagnie de prêtres qui accordaient les derniers sacrements au patient.
L’Église prône les soins palliatifs comme solution à la fin de vie. Sur ce point, il y a consensus : les soins palliatifs doivent être accessibles à tous ceux qui le veulent et partout. Mais pourquoi s’acharner contre ceux qui choisissent une autre voie? Et quelle est la différence entre la sédation palliative continue, approuvée par l’Église, et l’aide médicale à mourir? Avec la sédation palliative continue, la personne en fin de vie mourra inconsciente et seule : le moment de la mort étant incertain (généralement entre un et six jours), les proches ne peuvent se tenir constamment au chevet de la personne qui meurt en attendant son dernier souffle. Avec l’aide médicale à mourir, la personne qui s’en va choisit les proches qu’elle veut à ses côtés et leur fait ses adieux dans l’amour, la sérénité et parfois dans l’humour, comme le prouvent de nombreux témoignages. Quelle est la mort la plus humaine et la plus conforme à la nature?
Un médecin, venu donner l’aide médicale à mourir à une dame qu’il savait catholique, crut de son devoir de lui rappeler que l’Église s’opposait à cette pratique. La dame lui a répondu : « Si le bon Dieu n’est pas capable de comprendre ça, je suis pas intéressée à passer mon éternité avec lui. » Le « bon» Dieu, plus humain que son Église, l’a sûrement accueillie dans son ciel !
L’Église finira par reconnaître l’aide médicale à mourir, comme elle a reconnu les positions de Copernic et Galilée et comme elle est devra reconnaître l’homosexualité, mais entre-temps elle aura damné bien des bonnes gens.
Jacques Grand’ Maison, sociologue et théologien, écrit dans Culture et foi (déc. 2010 p.3-5) : « On ne peut à la fois reconnaître la complexité et la diversité des situations-limites et se prêter à une logique univoque, qu’elle soit médicale, juridique, morale ou religieuse. La définition de l’euthanasie comme un meurtre en toutes circonstances méconnaît la possibilité qu’il y ait là un geste humanitaire, alors que l’absolutisation du caractère sacré de la vie peut se prêter à des postures inhumaines. »
Le dogme de la sacralisation de la vie
Du côté de l’Église de France, le porte-parole de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, a commenté le texte des parlementaires français dans ce tweet :
« Plutôt que de vouloir légaliser l’euthanasie, ne vaudrait-il pas mieux renforcer les moyens pour développer les soins palliatifs et encourager une vraie solidarité au cœur de notre société ? Toute vie mérite d’être vécue jusqu’à son terme naturel. »
Prenant le contre-pied de cette position soi-disant morale, la Cour suprême du Canada, dans son jugement historique du 6 février 2015v, écrivait (paragraphe 63, Carter -c- Canada) :
[63] Cela dit, nous ne sommes pas d’avis que la formulation existentielle du droit à la vie exige une prohibition absolue de l’aide à mourir, ou que les personnes ne peuvent « renoncer » à leur droit à la vie. Il en résulterait une « obligation de vivre » plutôt qu’un « droit à la vievi », et la légalité de tout consentement au retrait d’un traitement vital ou d’un traitement de maintien de la vie, ou du refus d’un tel traitement, serait remise en question. (…) L’article 7 (de la Charte des droits et libertés du Canada) émane d’un profond respect pour la valeur de la vie humaine, mais il englobe aussi la vie, la liberté et la sécurité de la personne durant le passage à la mort. C’est pourquoi le caractère sacré de la vie « n’exige pas que toute vie humaine soit préservée à tout prix » (Rodriguez, p. 595, le juge Sopinka). Et pour cette raison, le droit en est venu à reconnaître que, dans certaines circonstances, il faut respecter le choix d’une personne quant à la fin de sa vie. (…)
Comment peut-on continuer à parler de « mort naturelle » en parlant de la poursuite de l’hydratation et de l’alimentation médicale ? La « mort naturelle » qui existait depuis la nuit des temps représentait une mort sans aucun artifice sauf parfois des incantations chamaniques accompagnées de fumée ou de l’application de divers onguents végétaux ou animaux.
Mais nulle représentation rupestre, nulle évocation littéraire, nul tableau de la renaissance, nulle photographie de la fin du XIX jusqu’à la deuxième guerre, et quelles que soient les régions du monde, ne montrent une « mort naturelle » avec des solutés ou des tubes de gavages sans parler bien évidement de toute la médication cardiosupportive ou autre.
Parler de « mort naturelle » tout en poursuivant l’hydratation et le nutrition par des moyens artificiels m’apparait un oxymore particulièrement tendancieux et déconnecté de la réalité médicale. Que chacun ait une fin de vie selon ses valeurs religieuses, soit: c’est une chose. De vouloir l’imposer aux autres alors même que vous êtes en santé ou tout au moins que vous n’en êtes pas du tout à cette ultime étape est une imposture.
Nul ne peut être à la place de la personne en fin de vie, souffrante ou non, ou de celle dont la vie n’est plus qu’une longue marche vers une agonie et une mort inéluctables.
La souffrance telle que vue par les soignants
Quelques médecins et des gens qui les soutiennent sont convaincus qu’ils peuvent juger de la qualité de vie ou de la souffrance – physique, psychologique ou existentielle – d’une personne et que leurs interventions pourront régler toutes les questions fondamentales qui se posent à une personne qui se voit diminuée par une maladie physique chronique ou débilitante ou encore par une perte progressive de ses capacités cognitives. On retrouve malheureusement cette croyance paternaliste et présomptueuse chez certains médecins de soins palliatifs souvent soutenus par des groupes de pression religieux.
On ne devient pas médecin pour soi-même mais pour les autres. Dans « Soi-même comme un autre », le philosophe Paul Ricœurvii se penche précisément sur le conflit décisionnel qui surgit entre un malade qui n’en peut plus et demande qu’on écourte sa souffrance et un médecin qui se croit obligé de respecter la vie plus que la volonté du patient. La conscience du médecin au fond, c’est la voix de l’autre dans le besoin, à qui la compassion dicte avant tout que « c’est à l’autre que je veux être fidèle ».
Cet autre, c’est un être humain qui prend une décision éclairée pour lui-même, qui exerce complètement son autonomie et qui pour ce faire demande l’aide de la médecine afin de terminer ses jours paisiblement, au moment où il le juge pertinent pour lui. C’est d’ailleurs cette même médecine qui le plus souvent l’a conduit dans une vie ou une survie souvent très intéressante et qui en a valu la peine, mais qui maintenant apporte plus d’inconvénients que de bénéfices, dans son optique personnelle. C’est au patient seul à en juger, pas à qui que ce soit d’autre, particulièrement dans le cas des pathologies neurodégénératives cognitives de type Alzheimer où cet être humain sait qu’il va doucement glisser vers une déchéance cognitive qui lui enlèvera à terme ce qui fait la spécificité de notre espèce : la cognition, la conscience de soi.
Être un humain, contrairement à tous les autres organismes vivants, c’est faire des choix toute sa vie durant, et cela doit inclure le choix des derniers instants, qu’ils soient jours, semaines ou mois. Et l’alternative à la déchéance finale, courte ou longue, mais inexorable, est la possibilité, pas l’obligation, de terminer en douceur, selon ses propres convictions, pas selon celles des soignants.
Il s’agit non pas d’imposer une logique de fin de vie aux patients qui en sont arrivés à cette étape, mais de respecter le libre arbitre de chacun dans le respect de leur autonomie. Légitimer l’absolutisation de la « vie » aux dépens de la « personne », c’est vouloir donner préséance aux valeurs des soignants sur celles des soignés. C’est prendre soin davantage du bien-être psychique des premiers ce qui peut conduire à « des choses cruelles qu’on peut faire, quand on absolutise le caractère sacré de la vie », comme l’avait affirmé le théologien Jacques Grand’Maison devant la commission Mourir dans la dignité.
Georges L’Espérance
Montréal (Qc), Juillet 2021
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Addendum
L’aide médicale à mourir : l’état des lieux au Québec après cinq (5) ans d’application.
En préalable, il faut connaître quelques éléments du régime politique du Canada.
Les provinces constituantes du Canada, dont le Québec, ont des prérogatives dans de nombreux domaines (« les champs de compétence ») dont la santé et l’éducation.
Le Québec fonctionne avec un « code civil » d’inspiration française (napoléonienne) alors que le reste du Canada est sous un régime de « commun law » d’inspiration britannique.
En conséquence, tout le domaine civil et une partie du domaine pénal relèvent des provinces.
Mais le code criminel est l’exclusivité du fédéral (Canada) et par conséquent, nulle loi qui relève des provinces ne peut être en opposition au code criminel.
A- Résumé des diverses étapes qui ont conduit à légaliser l’aide médicale à mourir.
Québec, mars 2012 : présentation du rapport de la « Commission sur les soins de fin de vie – Mourir dans la dignité »viii, commission itinérante consultative qui s’est échelonnée de février 2010 à mars 2012. Le rapport fut unanimement salué comme étant un travail remarquable de consultation, d’écoute de la population, ainsi que des divers segments de la société impliqués plus activement dans cette question : personnel soignant, institutions de soins, législateurs, groupes de pression. Cette consultation citoyenne et d’experts était une initiative transpartisane de l’Assemblée Nationale du Québec avec l’appui explicite du Collège des médecins du Québec et du Barreau du Québec.
5 juin 2014 : adoption au Québec de la Loi 2ix à la grande majorité des voix à l’Assemblée nationale, adoptée dans le cadre des soins de santé afin de ne pas porter flanc à des recours en vertu du Code criminel du Canada.
6 février 2015 : jugement très attendu de la Cour suprême du Canada (CSC) dans Carter – c – Canadax. La Cour suprême, à l’unanimité, a conclu que les articles 14 et 241 du Code criminel du Canada contrevenaient aux articles 1 et 7 de la Charte des droits et libertés du Canadaxi. Ces articles traitaient comme un homicide tout acte médical ou infirmier qui équivalait à une euthanasie. La CSC donnait 12 mois au gouvernement fédéral pour modifier le Code criminel.
Il est très utile de bien comprendre ici que tant madame Carter (sténose spinale lombaire sévère) que madame Taylor (sclérose latérale amyotrophique ), les deux demanderesses, souffraient chacune d’une pathologie qui n’était pas terminale, dont la mort n’était pas « raisonnablement prévisible » à court terme, que toutes les deux présentaient une maladie chronique progressivement invalidante.
Juin 2016 : le gouvernement fédéral (Canada) fait adopter, là encore à la majorité de la Chambre des communes, le projet de loi C-14 modifiant le Code criminel.
Après quelques modifications depuis 2015, suite à des décisions de cour dont je vous fais grâce ici, les critères pour obtenir l’AMM sont les suivants au Québec (en date de juillet 2021) :
la personne est assurée au sens de la Loi sur l’assurance maladie;
elle est majeure et apte à consentir aux soins;
elle est atteinte d’une maladie grave et incurable;
sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités;
elle éprouve des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge tolérables.
Dans le code criminel du Canada, le fédéral précisera de son côté qu’une « personne est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables lorsque, à la fois :
a) elle est atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables;
b) sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités;
c) sa maladie, son affection, son handicap ou le déclin avancé et irréversible de ses capacités lui causent des souffrances physiques ou psychologiques persistantes qui lui sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge acceptables;
Un mot de contextualisation. Au Québec, du 1e avril 2019 au 31 mars 2020xii :
1 776 personnes ont reçu l’AMM soit 2,6 % des décès globaux;
76 % étaient atteintes de cancer;
les maladies neurodégénératives représentent maintenant la deuxième catégorie de diagnostics les plus prévalents;
elles étaient en majorité âgées de 60 ans et plus (90 %), atteintes de cancer (76 %), avaient un pronostic de survie de 6 mois ou moins (86 %) et présentaient à la fois des souffrances physiques et psychiques irrémédiables (90 %);
l’AMM a été administrée en moyenne 18 jours après la demande officielle.
Suite à un jugement de la Cour supérieure du Québecxiii concernant la non-constitutionalité des restrictions émises dans la loi 2 du Québec (être en fin de vie) et le code criminel canadien (souffrir d’une condition par laquelle la « mort est raisonnablement prévisible »), les lois ont été modifiées en février 2020 (au Québec) et en mars 2021 au Canada, de sorte que ces deux critères temporels n’existent plus, car jugés non-conformes à la décision de février 2015 de la Cour suprême, donc inconstitutionnels. En conséquence, on s’attend à ce que les décès par AMM augmentent un peu pour atteindre probablement 3,5 à 4 % du total des décès.
i Notons au passage que ni le certificat de décès ni aucun document officiel ne fait état de l’aide médicale à mourir afin de préserver la confidentialité. Par ailleurs, les lois interdisent explicitement d’évoquer l’AMM pour refuser aux ayant-droits des prestations d’assurance ou autres.
ii En 2019, plus de 80 % des citoyens du Québec étaient en faveur de l’AMM par DMA et ce taux ne cesse d’augmenter.
iii Par exemple, cesser une dialyse chez un insuffisant rénal ; cesser une respiration assistée chez un patient souffrant de séquelles graves d’un Guillain-Barré.
iv Hans Küng : « La mort heureuse ». Seuil, 2015. (https://www.seuil.com/ouvrage/la-mort-heureuse-hans-k-ng/9782021236224)
v https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/14637/index.do
vi Mon souligné.
vii Ricœur P. « Soi-même comme un autre ». Paris Seuil 1990
viii https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2103522
ix http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/s-32.0001
x https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/14637/index.do
xi https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/const/page-12.html
xii Rapport d’activités du 1e avril 2019 au 31 mars 2020. Commission sur les soins de fin de vie. Québec. Rapport déposé à l’assemblé nationale le 20 octobre 2020.
xiii https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-002812/?&date=DESC&type=rapport&critere=type