Depuis plusieurs années maintenant, six ans et demi exactement, je souffre d’une maladie incurable. Je suis lourdement handicapée, sans espoir de guérison. Plusieurs autres maladies graves se sont superposées à ce handicap, ce qui rend désormais, ma vie impossible. Je ne la concevais déjà pas il y a 6 ans, sans l’usage de mes jambes, mais désormais, ma vie n’est plus qu’une survie, où il me devient de plus en plus difficile d’envisager un avenir sans grandes souffrances.
La vie est probablement un cadeau, lorsque nous sommes en bonne santé et entourés de belles personnes. J’ai eu autrefois cette chance, d’avoir la santé, et j’ai toujours aujourd’hui des personnes incroyables autour de moi, mais ce n’est plus suffisant pour me maintenir en vie. Je rêve d’un autre monde dans lequel mes souffrances mentale et physiques disparaitraient, et où je n’aurais plus besoin de faire semblant d’être reconnaissante à cette vie que je ne contrôle plus. Ma souffrance est trop forte. Mais dans quelques temps, comme je le souhaite ardemment, elle prendra fin. Pour cela, il faudra que je m’exile en Belgique, un pays qui a dépénalisé l’euthanasie et qui me permettra de décider du moment de mon départ.
J’ai, lors de ces dernières années, eu la chance de rencontrer des personnes merveilleuses, qui ont su comprendre ma souffrance. Je pense notamment à Mme Claudette Pierret pour sa gentillesse et son écoute, pour sa disponibilité et je souhaite la remercier du plus profond de mon cœur.
Prochainement donc, je vais rejoindre ce monde dépourvu de souffrances grâce à l’aide que je vais recevoir des médecins belges. C’est une démarche que je souhaitais entreprendre depuis plusieurs années. Elle vient de se concrétiser. Mes proches ont compris ma détresse et ils m’accompagneront jusqu’au bout dans le choix que j’ai fait. C’est ça l’amour, c’est laisser partir les gens qu’on aime, lorsque leur vie devient impossible Continuer à vivre en France, c’est accepter de souffrir encore et encore, sans espoir d’améliorations aucunes, et cela peut-être encore pendant des années. J’ai assez souffert, je n’en peux plus.
Je sais qu’en France, nous avons la loi Léonetti mais cette loi ne me permettra jamais de faire ce choix dans l’état où je suis actuellement. Pour pouvoir demander une sédation profonde et continue qui mettrait fin à mon calvaire, il faudrait que j’attende d’être à l’agonie, à quelques jours ou à quelques heures de ma mort. Ce n’est pas ce que je souhaite. Je ne veux pas avoir à vivre cette phase que l’on appelle « terminale. » Je veux décider moi-même de mettre un terme à ma vie parce que je juge que j’ai assez souffert comme ça. Personne n’a le droit de décider à ma place parce que c’est moi qui souffre, pas ceux qui décident des lois.
L’euthanasie ne sera pas douloureuse. Je m’endormirai, tout simplement, pour la toute dernière fois, accompagnée des personnes que j’aime et qui m’aiment.
En Belgique, cette loi est très bien encadrée, des critères très stricts ont été mis en place pour pouvoir prétendre à une aide à mourir. On ne peut pas décider de se faire euthanasier sans avoir consulté plusieurs médecins, dont des médecins spécialistes de notre maladie et/ou un médecin psychiatre. Les dossiers médicaux sont épluchés de très près et le feu vert des médecins n’est donné qu’après avoir effectué tous ces contrôles. Cette loi nous permet ainsi de partir dignement, dans notre dignité personnelle, de dire au-revoir à nos proches, et, dans mon cas, comme dans celui de bien d’autres malades, de mettre fin à la souffrance.
A quand une telle loi en France ? Quand serons-nous libres de choisir le moment de notre mort, lorsque notre vie est devenue juste impossible à vivre ? Quand serons-nous libres de partir dignement, sans avoir à agoniser dans d’horribles souffrances, à cause d’une maladie incurable, parfois dégénérative ?
La France, réputée pour son respect des droits de l’Homme, devrait modifier sa loi pour qu’il en soit réellement ainsi parce qu’un Homme malade n’est pas un Homme déchu de ses droits, et celui de choisir sa fin de vie est un droit élémentaire.
C’est inhumain de laisser des malades mourir dans la souffrance. Le véritable mal n’est donc pas de tolérer l’assistance à la mort, mais il est plutôt d’empêcher que d’autres êtres humains puissent partir dignement et sans souffrance. Personne ne peut choisir de ne jamais tomber gravement malade. C’est une situation que vous pourriez vous aussi connaitre. Je prends pour exemple la Députée Paulette Guinchard qui s’était opposée à la loi sur l’euthanasie en 2005 parce qu’elle trouvait l’actuelle « très bien » et « suffisante »*. Qu’a-t-elle fait quand elle est, à son tour, tombée gravement malade ? Elle est allée mourir en Suisse ! Elle avait les moyens financiers d’y aller. Tout le monde n’a pas cette chance là et, ne serait-ce que par équité entre tous les Français, cette possibilité doit être offerte à TOUT le monde. Pour cela, une seule solution, c’est avoir cette loi en France pour stopper l’exil vers des pays plus humains. Ce n’est pas un hasard si plus de 90 % des Français veulent un changement de la loi française.
Lorsque plus rien ne peut nous apaiser, mourir devient notre unique option et ces pays nous offrent celle de ne pas mourir violemment pendu(e) au bout d’une corde ou défenestré(e) !
Quand vous lirez mon témoignage, je serai partie dans cet autre monde que j’attends depuis longtemps maintenant. J’aurai trouvé la paix et je ne souffrirai plus. Si j’ai demandé à ma famille de le faire publier, c’est parce que je veux interpeller nos dirigeants sur une réalité qu’ils veulent ignorer délibérément. Ils se trompent ! Notre liberté doit être respectée… Jusqu’au bout de notre vie.
J’autorise ainsi Mme Claudette Pierret à rendre public ce message qui je l’espère, contribuera à faire évoluer la mentalité de ceux qui nous dirigent et qui votent les lois. Les Français, eux, sont prêts à ce changement et le réclament.
Guylaine Hottion – 2021
*Note du Choix : En 2005, dans une tribune, Paulette Guinchard-Kunstler s’opposait à la « légalisation de l’euthanasie », souhaitant avec Régis Aubry qu’il soit laissé du temps pour voirsi son application et les moyens mis en œuvre entraînent les changements attendus et font progresser cette question essentielle centrée sur le respect de l’homme. La loi Claeys-Leonetti ne permet qu’une sédation profonde en toute fin de vie.