Fin de vie : la convention citoyenne d’Emmanuel Macron, une méthode qui fait débat

Analyse

Lors de la présentation de son projet présidentiel, le 17 mars, le président candidat a annoncé que le sujet de la fin de vie ferait l’objet d’une convention citoyenne. Un outil démocratique qui ne convainc pas les connaisseurs de la question.

Le président sortant l’a encore rappelé, lors de son intervention : sur ces sujets de société, intime, il souhaite un « débat apaisé ».IAN LANGSDON/EPA

« Je soumettrais la fin de vie à une convention citoyenne, a annoncé Emmanuel Macron lors de la présentation de son programme, le jeudi 17 mars. Sur la base des conclusions de celle-ci, je soumettrai ou à la représentation nationale ou au peuple le choix d’aller au bout du chemin qui sera préconisé. »

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L’annonce n’est pas une surprise, l’idée ayant déjà été évoquée dans un entretien à La Provence, en septembre 2021. À l’époque, un observateur confirmait à La Croix : « Sur la bioéthique, il y a la volonté manifeste chez Emmanuel Macron d’associer la société civile au débat. Parce que c’est une façon de prendre la température et de construire un consensus. » Le président sortant l’a rappelé : sur ces thèmes il souhaite « avancer de manière apaisée ». « Je suis d’accord avec Emmanuel Macron lorsqu’il dit que la fin de vie est un bon sujet pour une convention citoyenne, acquiesce le député LREM et urgentiste Thomas Mesnier, qui prône avant tout pour une meilleure application de la loi actuelle. « Une convention citoyenne permettra de faire se concerter citoyens et professionnels, de confronter les sensibilités. Le tout avec l’éclairage du Comité consultatif national d’éthique. »

Un débat apaisé…

« Nous serons au rendez-vous », a prévenu la Sfap (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs) qui rappelle que l’organisation d’une telle concertation, idéale pour éviter « la simplification » des points de vue, figurait justement parmi ses 15 propositions publiées le 14 mars, à destination des candidats à la présidentielle.

Fin de vie : ce qu’en disent les candidats à la présidentielle de 2022

Jonathan Denis, président de l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) est lui plus agacé. « Bien sûr que nous ferons entendre notre voix. Je rejoins Emmanuel Macron sur un point : la fin de vie est un sujet citoyen. » Pour le reste, cette convention est pour lui « une perte de temps ». « Cela fait vingt ans que les Français sont consultés sur la fin de vie. Entre les commissions, les rapports, les sondages, l’opinion publique est connue : les Français sont favorables à une fin de vie choisie. »

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En réalité, le consensus sur le sujet n’est pas aussi net. « Les sondages mettent toujours en avant une écrasante majorité favorable à l’euthanasie ou au suicide assisté. Mais les questions sont toujours posées de façon biaisée, en laissant un choix binaire : souffrir ou mourir », rappelle Erwan Le Morhedec, auteur du livre Fin de vie en République. En 2018, toutefois, lors des états généraux organisés en amont de la révision des lois de bioéthique, un « comité citoyen » avait été constitué. Deux tiers de ses membres s’était prononcé « pour que la loi puisse ouvrir la possibilité au suicide assisté et à l’euthanasie au sein des alternatives de fin de vie ».

… ou une affaire pliée ?

L’affaire serait donc entendue ? « Le président veut une convention citoyenne, je lui dis chiche ! », provoque Jonathan Denis. Encore faudra-t-il que « les conclusions soient vraiment prises en compte ». Ce n’est pas ce que « les derniers exercices de ce type laissent présager », note Erwan Le Morhedec : « Le grand débat national lancé après la crise des gilets jaunes a été escamoté. Les conclusions des états généraux de la bioéthique ont été escamotées. Ne parlons même pas de la dernière convention citoyenne sur le climat. » À son lancement, en octobre 2019, Emmanuel Macron avait annoncé qu’il en transmettrait les conclusions « sans filtre ». Quelques mois plus tard, il ne reprenait qu’une partie des préconisations.

« Les conventions citoyennes ne sont que des habiletés politiques », s’accordent Jonathan Denis et Erwan Le Morhedec. « C’est savoir pertinemment vers quelle voie on va aller, mais sans l’assumer », regrette Jonathan Denis. « C’est une façon de diluer sa responsabilité en disant : “C’est pas moi, c’est eux”, cingle Erwan Le Morhedec. Quant à soumettre éventuellement les conclusions à référendum… « Certains sujets se prêtent peu à l’opinion populaire spontanée, alerte Erwan Le Morhedec. En 1981, si un référendum avait été proposé sur l’abolition de la peine de mort, on sait quel aurait été le résultat. »

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« La règle du jeu devra être précise »

Gilles Le Gendre(LREM), fondateur du groupe de réflexion Le Défi démocratique
Fondateur du groupe de réflexion Le Défi démocratique

« La règle du jeu devra être extrêmement précise : est-ce que l’on donne le pouvoir de décider aux citoyens ou est-ce qu’on les consulte ? À la source des frustrations exprimées par certains membres de la Convention citoyenne pour le climat, il y avait l’illusion qu’ils feraient la loi.

Si le processus se termine par un référendum, là encore, la question devra être d’autant plus précise pour n’introduire aucune confusion dans l’esprit des Français entre le suicide assisté d’une part, et l’euthanasie d’autre part. » (recueilli par Antoine Oberdorff)

Source :

« La Croix » – Alice Le Dréau – 18.03.22