Le candidat au second tour de l’élection présidentielle 2022 propose une convention citoyenne et se dit favorable, à titre personnel, au modèle belge. Marine Le Pen, elle, ne veut pas de modification de la loi.
Emmanuel Macron veut faire de la fin de vie la grande réforme de société de son quiquennat s’il est réélu.
Dans l’entourage du président candidat, la cause semble entendue, même s’il n’en a absolument pas été question lors du débat télévisé du mercredi 20 avril : la grande réforme de société d’Emmanuel Macron, s’il est réélu, sera la reconnaissance du « droit de mourir dans la dignité ». C’est ce qu’a affirmé Richard Ferrand, sur Franceinfo, le 11 avril. Une confidence du candidat au détour d’un déplacement de campagne à Fouras (Charente-Maritime), le 31 mars, va dans le sens du pronostic du président de l’Assemblée nationale.
« Je vous donne un avis personnel, je suis favorable à ce qu’on évolue vers le modèle belge », a confié M. Macron à une femme qui lui demandait de légaliser « l’euthanasie », ainsi qu’à un homme atteint de la maladie de Charcot se disant prêt à aller en Belgique afin d’y recevoir légalement un produit létal. Le candidat ne leur a pas seulement livré son opinion. Il a laissé entendre qu’« un consensus » sur « le modèle belge » lui semblait possible. En Belgique, les personnes – y compris mineures – atteintes d’une pathologie incurable peuvent demander l’euthanasie selon certaines conditions. Celle-ci est pratiquée par un médecin.
Si les micros d’Europe 1 et de France Inter n’avaient pas capté l’aparté de Fouras, seule serait connue la feuille de route qu’Emmanuel Macron a présentée le 17 mars, en même temps que son programme : « Je soumettrai la fin de vie à une convention citoyenne, et sur la base des conclusions de celle-ci, je soumettrai ou à la représentation nationale ou au peuple le choix d’aller au bout du chemin qui sera préconisé. » Le chef de l’Etat prend-il un risque électoral en s’engageant à « faire évoluer » la loi ? Marine Le Pen, elle, est « opposée à l’euthanasie et au suicide assisté. C’est la barrière qu’il ne faut pas franchir », a-t-elle résumé dans un tweet, ajoutant : « Je pense qu’il ne faut pas aller plus loin que la loi Leonetti de 2016, laquelle réaffirme le droit aux soins palliatifs. »
« La société a évolué »
Les sondages montrent cependant que les électeurs du Rassemblement national n’ont pas, sur la fin de vie, une opinion différente du reste de l’électorat, majoritairement acquis à l’idée d’une nouvelle étape. « En 2012, il y avait une part de risque politique à s’engager vers une évolution, observe Marisol Touraine, ancienne ministre de la santé (2012-2017) de François Hollande, ralliée à Emmanuel Macron. Mais la société a évolué. Il n’y a plus beaucoup de réserves sur le principe. » Mme Touraine plaide pour une « avancée nécessaire, y compris jusqu’à l’euthanasie, à condition que cela n’apparaisse pas comme un projet porté par un camp contre un autre ».
Le défi du consensus que M. Macron prétend vouloir relever n’est pas évident. « Ce que Macron a dit à Fouras est contraire à tout ce nous avions préparé avec son équipe », déplore le docteur Jean-Marie Gomas, fondateur de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), hostile à la légalisation de l’euthanasie. Au fond, s’agace le praticien, à quoi sert-il de lancer une consultation citoyenne si le chef de l’Etat a déjà tranché ? L’équipe de campagne du président candidat a bien compris le danger d’être accusé de vouloir proposer un jeu de dupes.
« Il peut avoir un avis personnel, penser qu’il peut y avoir un consensus sur le modèle belge, insiste une source proche du chef de l’Etat. Mais s’il sent qu’il se trompe, il ne passera pas en force. Le plus important pour lui est de ne pas fracturer la société sur un sujet aussi sensible. » M. Macron sait qu’il a le soutien des parlementaires de son actuelle majorité. La plupart des députés La République en marche (LRM) ont soutenu la proposition de loi d’Olivier Falorni, député (Libertés et Territoires) de Charente-Maritime, en faveur du « droit à une fin de vie libre et choisie », débattue le 8 avril 2021, mais qui a fait long feu faute de décision de l’Elysée à son adoption.
« Si Macron considère que la loi belge est une loi de consensus, tant mieux, j’y souscris à 100 %. J’aurais aimé moins d’ambiguïté pendant son premier quinquennat », grince M. Falorni. Le pari n’est pas pour autant gagné pour les partisans de l’euthanasie. Les parties prenantes du débat sont à ce jour sur des positions qui semblent irréductibles. A ce stade, trois partis pris sont en présence. Un noyau d’opposants à l’euthanasie souhaite s’en tenir à la loi Claeys-Leonetti de 2016 et milite pour qu’elle soit plus largement appliquée. C’est la position officielle de la SFAP.
Un autre groupe considère que le simple statu quo n’est plus tenable et prône une avancée qui serait à leurs yeux un moindre mal : une législation sur le modèle de celle de l’Etat de l’Oregon, aux Etats-Unis. Celle-ci permet à des personnes majeures dont le pronostic vital est engagé de demander la délivrance d’un comprimé qui leur permet de se suicider. Jean Leonetti, maire (Les Républicains) d’Antibes, ou Thomas Mesnier, député (LRM) de Charente, seraient prêts à soutenir un tel modèle. « Il évite les dérives car il exige que les malades soient totalement autonomes dans leur décision », estime le docteur Gomas.
Concilier les approches
Mais les partisans de l’euthanasie y sont hostiles. « L’euthanasie est la solution pour ceux qui ne peuvent pas accomplir seuls le geste de prendre un produit et le suicide assisté, comme en Suisse, permet d’avoir un accompagnement auprès de soi qui peut être assuré par des associations. Je pense qu’il est plus humain que le jour où une personne décide de partir, elle ne soit pas seule », argumente Jean-Luc Romero, président d’honneur de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité. A ses yeux, si blocage il y a, « il vient du lobby des églises et de celui des mandarins ».
« Les médecins connaissent les patients, rétorque le docteur Gomas. Et ils constatent qu’ils sont très nombreux à renoncer à demander la mort lorsqu’ils sont en fin de vie. Ce qui explique que la légalisation de l’euthanasie dans tous les pays se soit faite dans un combat sanglant avec le corps médical. » Si la loi doit évoluer pour répondre à une demande de la société, reconnaît de son côté le docteur Vincent Morel, chef de service de l’unité de soins palliatifs à Rennes et ancien président de la SFAP, « il faudrait épargner au soignant le fait de devoir lui-même donner la mort. Car ce geste est incompatible avec celui du soin ».
Macron doit réussir à concilier les approches tout en se donnant un autre dilemme à trancher : soumettre le projet au Parlement ou à un référendum, une solution qu’il a laissée ouverte. Pour qu’une question sur la fin de vie fasse l’objet d’un référendum, « il faudrait au préalable réviser la Constitution », affirme Hugues Portelli, professeur de droit émérite à l’université Panthéon-Assas-Paris-II. En 2019, M. Macron avait porté un projet de réforme constitutionnelle qui prévoyait la possibilité d’organiser un référendum sur les sujets de société. Le Conseil d’Etat avait donné son feu vert. Mais le projet de loi de révision n’a pas été débattu.
Même si une « convention citoyenne propose de soumettre ses conclusions à un référendum », explique le constitutionnaliste Dominique Rousseau, il faudra une révision de la Loi fondamentale. « La fin de vie est une question qui engage la liberté individuelle, un domaine qui n’entre pas dans le champ actuel de l’article 11 de la Constitution », affirme-t-il. Le 18 avril, sur France Culture, M. Macron a précisé que la convention citoyenne « sera organisée par le Conseil économique, social et environnemental [CESE] ». Le CESE a, depuis la loi de janvier 2021, vocation à « organiser des consultations publiques ».
Jean Leonetti rappelle de son côté que la loi sur la bioéthique de 2011 prévoit que les débats sur les sujets éthiques soient orchestrés par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Le CCNE s’apprête à rendre un avis sur la fin de vie dans les prochaines semaines. Au CESE, on réfléchit à la meilleure façon d’associer toutes les parties prenantes. Quant au chef de l’Etat, il se montre pressé. « Si on lance cette convention citoyenne au début du quinquennat, a-t-il glissé à Fouras, elle peut, en quelques mois, produire un travail qui permet de faire changer la loi. »
Source :
« Le Monde – Béatrice Jérôme – 21.04.22
« Les médecins connaissent les patients, rétorque le docteur Gomas. Et ils constatent qu’ils sont très nombreux à renoncer à demander la mort lorsqu’ils sont en fin de vie. »???
Forcément, lorsque vous êtes shootés à un point tel, que vous n’êtes plus vous-même, devenus limite zombies incapables de vous plaindre, je comprends que vos médecins puissent ensuite chanter que vous ne demandez plus d’aide pour en finir! Mais en voudraient-ils, eux, de cette vie-là?
Voter une loi humaine et respectueuse du choix fait par la personne, d’autres pays en ont été capables, il est temps que la France légifère