SITUATION RÉELLE DE L’AIDE MÉDICALE À MOURIR
AU CANADA ET AU QUÉBEC
EN CE QUI CONCERNE LES PERSONNES AUX PRISES
AVEC UN PROBLÈME DE SANTÉ MENTALE
COMME SEUL DIAGNOSTIC
L’évolution des lois au Canada et au Québec permettant la décriminalisation de l’euthanasie semble mal connue en France. Des interprétations erronées sont faites quant à l’accès à une demande d’aide médicale à mourir pour les personnes aux prises avec des troubles de santé mentale. Le document joint, détaillant les différentes dispositions législatives, permettra j’espère d’éviter les erreurs de compréhension à ceux et celles qui le liront.
Les lois sur l’Aide médicale à mourir s’appuient sur les principes du respect de l’autonomie, de la dignité et de la liberté de choix de la personne apte.
Quelques données factuelles :
I. En ce qui concerne la vaste majorité des critères et règles cliniques comme administratives, l’aide médicale à mourir est sous le contrôle du Code Criminel Canadien (CCC), articles 241.1 et 241.2 (voir annexe 1) dans tout le Canada, incluant le Québec qui a promulgué sa loi deux ans avant le Canada – qui s’est
d’ailleurs inspiré de la loi du Québec (Loi 2 sur les soins de fin de vie – annexe 2).
1.CCC Article 241.1 et 241.2 et les critères pour être admissible à l’AMM
2.Loi 2 du Québec sur les soins de fin de vie
Loi du Québec Section II Aide Médicale à mourrir Article 26 À 37
II. Le code criminel relève des compétences fédérales (Canada) et les lois sur les soins de santé relèvent des provinces (le Québec).
III. Les modifications du code criminel canadien adoptées le 17 mars 2021 EXCLUENT EXPLICITEMENT l’AMM chez les personnes ne souffrant QUE d’une pathologie mentale.
« Article 241.1 : Exclusion
(2.1) Pour l’application de l’alinéa (2)a), la maladie mentale n’est pas considérée comme une maladie, une affection ou un handicap. »
IV. Les personnes qui demandent l’AMM et qui répondent aux critères stricts de pathologie physique et qui, EN PLUS, souffriraient d’un trouble de santé mentale,
peuvent être admissibles en autant qu’est préservée leur aptitude à décider pour elles-mêmes de manière éclairée. La façon de le vérifier repose sur les critères de Nouvelle-Écosse, validés par les tribunaux.
Critères de la Nouvelle-Écosse
V. Il y a actuellement des travaux en cours chez les législateurs du parlement canadien afin d’explorer les pistes qui permettraient d’élaborer des critères stricts pour donner accès à l’AMM chez les patients avec troubles de santé mentale seulement mais qui gardent leur aptitude. Ces travaux sont justifiés par le fait que l’exclusion d’un soin sur la base d’un diagnostic est discriminatoire en vertu des
Chartes des droits et libertés du Canada et du Québec et donc inconstitutionnels (Canada) et illégaux (Québec).
Charte des droits du Canada
Charte des droits du Québec
Les travaux législatifs s’appuient entre autres sur plusieurs documents de réflexion produits par des experts de haut niveau :
Le conseil des Académies Canadiennes
L’association des médecins psychiatres du Québec
Canadian Psychiatric association (English report)
VI. Tout le monde s’entend pour avoir une ligne infranchissable qui est celle de l’inaptitude, ce qui inclut bien évidemment les personnes qui ont une déficience mentale importante excluant de facto leur aptitude à décider pour elles-mêmes.
De même, aucun consentement substitué pour l’AMM ne peut être utilisé dans ces cas.
Par contre, les principes éthiques de bienveillance et de non-malfaisance trouvent dans ces cas une solution déjà bien ancrée au Québec et au Canada, à savoir l’arrêt de traitements en accord avec les proches, le détenteur désigné du mandat d’inaptitude (le mandant) pour cette personne ou le curateur public.
VII. La même exclusion totale s’applique aux personnes qui ont perdu leur aptitude de façon aigue, par exemple par accident vasculaire cérébral ou par traumatisme.
Ici, les règles qui s’appliquent, plus raisonnablement que dans d’autres législatures, sont celles du bien ultime du patient et de l’arrêt de l’acharnement thérapeutique après rencontres entre les familles et le personnel soignant. Le recours aux tribunaux est devenu depuis 20 ans au moins très exceptionnel et essentiellement justifié par des raisons religieuses, qui ne trouvent d’ailleurs guère d’appui chez les juges en regard des principes de justice distributive et d’éthique de bienveillance.
VIII. Les maladies neurodégénératives cognitives (MNDC) de type Alzheimer ou autres. Les législateurs du Canada et du Québec sont au travail pour encadrer l’AMM par directives médicales anticipées afin de permettre à une personne saine d’esprit et donc apte à prendre ses décisions, et qui a reçu un diagnostic de MNDC, de pouvoir obtenir l’AMM au moment qu’elle aura désigné auparavant comme étant son seuil de dignité et ce alors qu’elle n’aura plus son aptitude.
Georges L’Espérance, MD
Président