A la demande d’élèves de seconde et de leur professeur, une réunion par Internet s’est tenue ce lundi 6 juin. Nathalie Andrews et Denis Labayle ont répondu à leurs questions parmi lesquelles :
• Quelle est l’origine de l’association Le Choix et son but ?
• Pouvez-vous nous expliquer pourquoi l’on devrait légaliser l’euthanasie ?
• Pour vous, que signifient la liberté et le droit ?
• A vos yeux, un mineur d’âge est-il suffisamment mature pour comprendre la mort et demander que sa vie prenne fin ?
• D’après vous qu’elle serait la raison pour laquelle certaines personnes sont favorables à la loi Claeys-Leonetti mais pas à l’euthanasie ?
• De nombreuses religions refusent la légalisation de l’euthanasie, serait-il juste ou égoïste d’ignorer leur propos ?
• Comment pourrions-nous donc convaincre les personnes qui s’opposent ?
L’entrevue a duré une heure. Les coprésidents du Choix ont apprécié cet échange qui confirme que de plus de jeunes s’intéressent à notre cause au cours de leurs études.
Questions et réponses
1 – Pouvez-vous nous expliquer l’origine et le but de votre association ?
Le Choix a été créé en 2018 à la suite de deux pétitions ayant réuni plus de 500 000 signatures
Son but est d’obtenir en France une loi digne de ce nom qui permette à celles et ceux qui en feraient la demande d’obtenir une aide médicale à mourir comme en Belgique, ou un suicide assisté comme en Suisse. Mais aussi obtenir un développement des soins palliatifs libérés de toute idéologie.
2 – Pouvez -vous expliquer de manière développée pourquoi l’on devrait légaliser l’euthanasie ?
Légaliser l’euthanasie en France, ne voudra pas dire tuer, mais simplement permettre à certains d’être en accord avec leur volonté, leur subjectivité, leur sens de la dignité. Et si d’autres, pour des raisons qui leur sont personnelles, philosophiques ou religieuses, ne veulent pas… personne n’est obligé … mais il faut peut-être cesser d’interdire.
3 – Pour vous que représentent la liberté et le droit ?
A titre personnel, pour moi liberté et droit signifient que dans la mesure où mes choix ne portent atteinte à personne, je dois pouvoir les exercer.
4 – Quel est votre objectif ?
Obtenir une loi respectant la liberté pour chacun de choisir sa façon de mourir
Cela implique la possibilité pour ceux qui le désirent de bénéficier de soins palliatifs, et pour les autres, ceux qui refusent les risques d’une trop grande souffrance, le droit à une aide médicale à mourir (AMM) comme en Belgique et aux Pays-Bas, ou la possibilité de bénéficier d’un suicide assisté comme en Suisse.
Dans ces deux circonstances, les objectifs de la loi devront être les mêmes :
• donner aux soignants la possibilité de disposer en ville comme à l’hôpital des médicaments capables de procurer une mort douce.
• dépénaliser ceux qui, par solidarité ou fraternité, acceptent d’assister leurs proches ou leurs compatriotes qui désirent partir.
5 – Pensez-vous qu’il y a un âge pour demander l’euthanasie ? Car nous avons constaté que beaucoup de personne disent que les mineurs ne sont pas assez matures pour comprendre ce qu’est la mort.
Vous voulez certainement parler d’un âge limite. Pour rappel, l’euthanasie est un acte pratiqué par un médecin à la demande du patient, l’on peut donc estimer que la personne en demande doit avoir une capacité de discernement pour comprendre ce que signifie sa demande d’aide à mourir. Un enfant de 10 ans, gravement malade depuis des années a certainement la maturité pour faire une telle demande, s’il le souhaite et n’en peut plus.
6 – Donc, pour vous, un mineur est-il capable de décider de mettre fin à sa vie de son plein gré ?
A mes yeux, un enfant arrivant à un stade terminal d’une lourde pathologie (cancer, mucoviscidose…) et subissant des douleurs physiques inapaisables est capable de demander une aide en parlant à ses parents et au médecin qui devront accepter ou refuser la demande.
7 – De nombreuses religions refusent la légalisation de l’euthanasie, serait-il juste ou égoïste d’ignorer leur propos ?
Je laisse libre les représentants de ces religions de s’opposer à l’aide médicale à mourir et je leur demande simplement de me laisser libre de mes choix. En Belgique, Suisse ou Allemagne, vous avez des prêtres et des pasteurs tout à fait ouverts à l’aide à mourir.
8 – Comment pourrions-nous donc convaincre ces personnes ?
Convaincre ces personnes est un travail difficile, pour ne pas dire impossible, nous le voyons en France avec ce que nous appelons les apôtres des soins palliatifs « vous ne serez pas seul, je vous tiendrai la main jusqu’au bout »
Ces gens refusent au malade le droit de faire un choix et estiment être les seuls à pouvoir décider, cela va contre la liberté et est antidémocratique.
9 – D’après vous qu’elle serait la raison pour laquelle certaines personnes sont favorables à la loi Leonetti mais pas à l’euthanasie ?
La loi Claeys-Leonetti de 2016 ne satisfait personne, ni les malades car, pour espérer bénéficier de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, il faut être quasi à l’agonie (qq heures ou jours à vivre) et que des personnes souffrant par exemple d’une maladie de Charcot, Parkinson, Huntington, entre autres, n’ont pas forcément envie d’arriver au bout du bout de la dégradation de leur état, ni les médecins parfois mal à l’aise avec cette procédure lourde et restrictive rédigée par la Haute autorité de santé (HAS), sous la houlette de la Société française des soins palliatifs (SFAP). Alors être favorable à cette loi de 2016, est-ce de l’ignorance ou de la lâcheté je ne sais. En tout cas, elle semble satisfaire les opposants à une loi donnant la liberté de choix.
Echange par visioconférence avec des élèves de seconde du Lycée français de Tokyo
6 juin 2022