Au cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé, on mentionne que l’intention est de « reprendre les travaux [sur l’aide médicale à mourir] là où on les a laissés » et qu’il n’est donc pas prévu pour l’instant d’ajouter la question de la santé mentale dans les discussions.
La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) se dit « déçue » que Québec repousse à une date indéterminée la réflexion sur l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de troubles mentaux. Pour l’organisation qui représente 10 000 médecins spécialistes dans toute la province, il est « discriminatoire » que ces patients soient exclus de cette offre de soins.
« Il faut arrêter de repousser ce débat et avoir la discussion, même si on est conscients que c’est une question sensible à aborder avec doigté », affirme le président de la FMSQ, le Dr Vincent Oliva.
Pour la FMSQ, il « n’existe pas de distinction entre santé mentale et santé physique ». Et donc exclure de l’aide médicale à mourir les personnes dont le seul diagnostic concerne un trouble mental est « discriminatoire ».
« Notre position est basée sur la souffrance des patients. Et pas sur le diagnostic. Pas sur le statut de la maladie », dit le Dr Oliva. Ce dernier précise qu’il faut évidemment qu’« il y ait des critères “et que l’aide médicale à mourir pour ces patients” soit bien balisée ». « Mais les patients atteints de maladie mentale peuvent avoir des souffrances qui sont irrémédiables et chroniques », dit-il.
Le temps presse
Québec a étudié ces derniers jours le projet de loi 38 qui veut notamment permettre aux personnes atteintes de maladies dégénératives, comme l’alzheimer, de faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir. Mais par manque de temps, les parlementaires ont dû remettre son étude à la prochaine session, après les élections.
Au cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé, on mentionne que l’intention est de « reprendre les travaux là où on les a laissés » et qu’il n’est donc pas prévu pour l’instant d’ajouter la question de la santé mentale dans les discussions « même si ce débat important devra se faire un jour ». L’attaché de presse du ministre Dubé, Marjaurie Côté-Boileau explique que le dossier de l’aide médicale à mourir est « très complexe au niveau légal, social et législatif » et que l’objectif est de « bâtir sur tout le chemin qui a été fait à date » dès cet automne.
La FMSQ appuie le projet de loi 38, mais souligne qu’une « question majeure est laissée en suspens, celle des troubles mentaux ». Et le Québec ne pourra pas éternellement remettre le débat sur ce sujet, note le Dr Oliva. Le 17 mars 2023, un amendement au Code criminel canadien entrera en vigueur et permettra aux personnes « dont la seule condition médicale est le trouble mental d’être admissibles à l’aide médicale à mourir ».
Si le Québec n’a pas adapté sa loi à ce moment, « ça créerait un vide », constate le Dr Oliva, qui craint que des citoyens ne doivent à nouveau porter le combat législatif sur leurs épaules pour faire valoir leurs droits.
Pour éviter cette situation, le gouvernement devrait selon lui dès maintenant annoncer que les discussions reprendront rapidement à l’automne autour de ce sujet.
Le Dr Oliva le reconnaît : la perception des médecins spécialistes par rapport à l’aide médicale à mourir, et aussi à l’accessibilité des personnes atteintes de troubles mentaux, a beaucoup évolué au cours des dernières années. « Aujourd’hui, la société et les médecins s’éloignent de plus en plus du concept de “vie à tout prix” pour tendre plutôt vers un objectif d’une qualité de vie acceptable pour l’individu », écrit la FMSQ dans son mémoire.
Les médecins spécialistes ne sont pas les intervenants qui administrent le plus d’aide médicale à mourir au Québec. Mais ils sont de plus en plus nombreux à y participer. « Et on est aux premières loges pour se rendre compte de l’importance des souffrances que les patients vivent », souligne le Dr Oliva.
Proportion des Québécois ayant reçu l’aide médicale à mourir qui a été administrée par un médecin spécialiste entre le 1er avril 2019 et le 21 mars 2020 SOURCE : COMMISSION SUR LES SOINS DE FIN DE VIE
Source :
« La Presse » – Ariane Lacoursière – 14.06.22