Chef du service de soins palliatifs du CHU de Rennes, le professeur Vincent Morel croit dans sa discipline pour avoir le droit à une fin de vie la plus paisible possible. Et pour lui, la question de l’euthanasie et du suicide assisté est d’abord une question sociétale qui sort du domaine de la santé.
C’est quoi les soins palliatifs ?
Les soins palliatifs, ou plutôt la démarche palliative, c’est dire à un patient, et à sa famille, qu’il a une maladie dont il ne guérira pas et dont il va mourir plus ou moins rapidement. On va s’assurer, avec lui, que tout ce temps qui lui reste soit le plus long et le plus confortable possible. En le prenant en charge ainsi que ses proches. C’est vivre avec une maladie qui est arrivée à un stade Incurable et pour laquelle on sait qu’un décès va être proche.
Est-ce que les soins palliatifs sont forcément synonymes de mort imminente ?
Non. La démarche palliative peut s’intégrer assez précocement dans une prise en charge. C’est-à-dire dans les dernières années de vie. Parce qu’on a des choses importantes à mettre en place, parce qu’il est important de soulager la personne, parce qu’il est important de l’écouter. Il n’y a pas que la phase terminale de la maladie qui est souvent la représentation que l’on a des soins palliatifs. J’ai un patient qui m’a demandé s’il allait sortir de notre unité, non pas les pieds devants mais la tête devant. Ça a été le cas comme environ 30 % de nos patients qui ont envie de le passer chez eux le reste de leur vie. Et là encore, avec nos équipes mobiles, nous les accompagnons.
Combien de personnes sont concernées par les soins palliatifs en France ?
J’ai envie de dire que ça concerne toutes les personnes qui sont susceptibles de décéder. Chaque année, ce sont 400 à 450 000 personnes qui justifieraient d’une démarche palliative. Pas forcément d’une hospitalisation qui concerne 10 à 15 % de personnes qui sont dans une situation complexe et qui font face à des douleurs importantes. Un milieu d’expertise, c’est l’unité de soins palliatifs.
Mais l’idée même d’aller en soins palliatifs fait toujours peur ?
La représentation fait peur alors que la réalité peut être plus apaisante. Il y a des progrès considérables qui ont été faits dans les 20 dernières années. On sait comment faire et quoi faire. Par contre, il faut que ça soit possible, quel que soit le territoire où l’on vit. Or 22 départements en France ne disposent toujours pas d’unités de soins palliatifs. Donc l’idée, c’est aujourd’hui de diffuser la démarche palliative partout.
Comment faire ?
Vous avez deux leviers. Le premier : développer des structures d’équipes mobiles pour qu’elles aillent à domicile. Le second : le renforcement de la formation paramédicale et médicale sachant que les soins palliatifs sont traversés, aujourd’hui comme l’ensemble du champ de la santé, mais peut-être un peu plus d’ailleurs par le problème de la démographie médicale. Il faudrait aussi travailler sur la sensibilisation des patients, des familles et de la population pour qu’ils appréhendent d’une façon différente l’intervention d’une équipe de soins palliatifs.
La question de l’euthanasie et du suicide assisté percute les professionnels de la santé ?
On est tous d’accord pour dire qu’on ne veut pas souffrir, pour refuser l’acharnement thérapeutique et pour être écoutés et il n’y a pas de souci là-dessus. Avec la sédation profonde et les arrêts de traitement on peut garantir à une personne qu’elle ne souffrira pas. Mais là nous parlons de personnes qui vont mourir. Pas de personnes qui veulent mourir. Dans ce second cas, c’est la notion d’autonomie et de liberté qui est interrogée. Et comment on va mobiliser la place de la médecine qui n’est pas tout à fait d’accord là-dessus ?
Pour vous, le débat sort donc de la sphère médicale ?
Il y a des personnes qui peuvent souffrir, qui peuvent subir de l’acharnement thérapeutique et qui ne sont pas écoutées. Ils vont le manifester en disant qu’elles veulent mourir. Puis vous avez des personnes qui ont peur de souffrir, peur de ne pas être écoutées, peur de l’acharnement thérapeutique. Elles vont faire des demandes de mort anticipée alors même qu’elles n’ont pas de traitements qui les maintiennent en vie, qu’il n’y a pas de notion d’acharnement thérapeutique ou de souffrance. Je ne vais pas m’opposer à cette démarche mais je demande qu’on n’engage pas ma responsabilité ni ma liberté.
Alors quel va être le rôle du médecin ?
Il y a une forme de paradoxe de mon point de vue à vouloir faire état de sa liberté et demander énormément aux médecins notamment sur l’euthanasie. Le suicide assisté, c’est différent. Là on va donner les moyens à une personne de se suicider avec des niveaux d’assistance qui vont être différents. Ce que l’on ne maîtrise pas, c’est la fin du temps. Mais des personnes veulent maîtriser totalement cette temporalité. Dans ce cas, je n’ai pas à me positionner là-dessus, ça échappe à la question médicale. Par contre, je pense qu’il ne faut pas avoir l’utopie de croire qu’une modification législative viendrait clore notre peur de mourir. Donc Bon courage au législateur.
Source :
« Ouest-France » – Samuel Nohra – 10.12.22
CE N’EST PAS LA PEUR DE MOURIR !!! C’EST DE NE PLUS AVOIR A SOUFFRIR DU TOUT !!!
D’autant plus que les Français savent bien maintenant qu’avec les soins palliatifs la souffrance de la soif s’ajoute à leurs souffrances !
Beaucoup de soignants compétents et humains savent très bien cela !