« La question de nos sociétés, c’est que ce sont de plus en plus des sociétés d’individus qui veulent faire leur choix, c’est ça qui est en train de se passer », explique Jean Viard.
La convention citoyenne sur la fin de vie se réunit une deuxième fois ce weekend. Question de société pose donc la même question au sociologue Jean Viard, que celle qui est posée en ce moment aux 150 citoyens tirés au sort pour cette convention.
franceinfo : Est-ce que le cadre actuel de l’accompagnement de la fin de vie est adapté aux différentes situations individuelles ?
Jean Viard : Le problème, c’est qu’on est dans des sociétés où on sort des cadres historiques, institutionnels. 63% des bébés naissent hors mariage, on se bat pour le droit à l’avortement, on a supprimé la peine de mort, on s’abstient aux élections si ça ne nous intéresse pas. Donc il y a un mélange de nouveaux rapports au cadre légal, le droit de vote, le mariage, etc, on en sort.
On a une société d’autonomie de l’individu et d’autonomie de son trajet de vie. Et au fond, c’est ça qu’il y a derrière, qu’il y ait des gens qui soient contre le fait que l’on puisse décider de mourir, des gens qui s’opposent, je le comprends. Il y a des croyances religieuses, il y a des histoires, etc. La question de nos sociétés, c’est que ce sont de plus en plus des sociétés d’individus qui veulent faire leur choix. Pour cela, je cite toujours les 63% de bébés qui naissent hors mariage parce que pour des gens de ma génération, c’était stupéfiant.
C’est pour dire toutes ces questions qui relèvent de la vie, de l’amour, de la mort, au fond, on n’a pas envie que ce soit l’Etat qui décide pour nous. C’est ça qui est en train de se passer. Donc, il y a une découverte d’un nouveau cadre qui va, je dirais, de la naissance avec le droit à l’avortement, effectivement, à la possibilité de choisir sa mort.
Moi, il me semble que c’est le mouvement d’autonomie de notre société et en même temps, il ne faut pas en faire une panacée. Il faut offrir aux gens. Vous savez, au fond, il y a une espèce d’utopie, c’est que la mort n’existerait pas. Au fond, c’était ça la vie éternelle des religions, etc, c’était une forme d’utopie. Quand on autorise les gens à décider de leur mort, au fond on arrête cette utopie, et on dit : de toute façon, vous allez mourir. Le seul choix que vous avez, c’est le jour, et donc effectivement, ça enlève un peu un imaginaire historique.
Mais la mission que se fixe l’Etat, et notamment Emmanuel Macron, c’est l’idée probable d’un nouveau projet de loi autour de la fin de vie. Petit rappel historique en 99, c’est la loi Kouchner qui garantit un accès aux soins palliatifs. Six ans après, en 2005, la loi Léonetti qui accorde aux médecins le droit de laisser mourir sans acharnement thérapeutique, et ensuite, 10 ans après, 2016, le droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès.
Aujourd’hui, on en est là. On voit donc que les choses avancent plutôt très vite à l’échelle de l’histoire de notre société sur ce sujet, même si vous dites que la France est un peu en retard par rapport à d’autres pays ?
Oui, ça c’est sûr. Après, ce n’est pas la même chose effectivement d’accompagner les gens pour diminuer la souffrance. Ce n’est pas la même chose que de laisser aux gens le choix d’organiser, j’allais dire, une réunion avec ses enfants, les amis, de boire un verre, comme je l’ai vu dans le côté belge de ma famille, et puis ensuite, effectivement, on se retire et là, la personne subit les deux piqûres successives.
Donc c’est aussi, je dirais, faire de la mort une espèce de fête d’accompagnement, et c’est ça aussi l’enjeu. C’est pas simplement de ne pas souffrir, ce qui est évidemment un enjeu important, mais c’est aussi de dire voilà, à partir du moment où je n’ai plus envie de vivre, je sais que je ne peux pas durer longtemps, ce n’est pas pour les quelques jours que je vais gagner, je préfère qu’on se réunisse, on s’embrasse, on se dit au revoir, et puis effectivement, ça sera fini. Il faut parler, j’allais dire la cérémonie de préparation, j’ai vu ça en Belgique, c’est ça qui se joue aussi.
Et c’est en effet précisément l’enjeu puisque cette convention citoyenne sur la fin de vie est enclenchée par un avis du Comité consultatif national d’éthique en septembre de cette année, qui envisage la dépénalisation d’une aide active à mourir, et donc le rôle de l’entourage, des médecins, etc. Justement, sur ce sujet là, l’intime et une question de société, une question de cadre public se télescopent. Est-ce que le format convention citoyenne vous semble donc adapté ?
Ecoutez, le premier cas était un peu compliqué parce que le gouvernement avait fait l’erreur, sur le climat, de suivre à la lettre les avis des citoyens, alors c’était une erreur parce qu’on ne peut pas déléguer la loi à 150 citoyens, mais par contre, ils peuvent aider à orienter la décision publique. Et je pense que comme lieu d’évaluation, c’est extrêmement intéressant, parce que y compris dans ce genre d’endroit, les convictions des gens changent. Il y en a qui, au fond, n’ont pas de convictions et qui écoutent les autres. Moi, je crois beaucoup à l’élaboration collective. Je pense que c’est intéressant si on considère que c’est un conseil à la décision. La démocratie doit garder la main et le droit
Source :
« France Info »- « Radio France » – Jean Viard-17.12.22
Je partage tout à fait votre avis quant à la décision personnelle qui appartient à chaque individu de choisir de cesser de vivre pour des raisons qui n’appartiennent qu’à chacune et chacun. Un adulte qui a pris la précaution de rédiger ses directives anticipées et de désigner la personne de confiance qu’il a choisit doit être en mesure d’être assisté s’il ne souhaite pas terminer sa vie dans des conditions qu’il n’a pas choisies. Je ne reproche pas aux croyants d’avoir leur philosophie en la matière mais je voudrais que mes choix différents soient entendus et respectés.
Jacqueline JALLAIS
jacqueline. jallais@wanadoo.fr
Que tous les choix soient entendus et respectés, c’est exactement ce que nous demandons.
Reconnaitre à chacun la liberté de choix et de décision sur sa propre vie.
Merci de votre retour