Analyse
Dans une double décision rendue le 29 décembre, la plus haute juridiction administrative a rejeté les requêtes visant à faire reconnaître par la France un « droit au suicide assisté » pourtant illégal. Mais l’offensive judiciaire n’est peut-être pas terminée.
Dans une double décision rendue le 29 décembre, le Conseil d’Etat a rejeté les requêtes visant à faire reconnaître par la France un « droit au suicide assisté » pourtant illégal.
Faire reconnaître par la France « le droit pour chacun de pouvoir mettre fin à ses jours consciemment, librement et dans la dignité », alors que la loi actuelle interdit formellement le suicide assisté. C’est l’objectif de l’offensive judiciaire lancée en 2021 par l’association suisse Dignitas et une cinquantaine de ses membres français, à laquelle le Conseil d’État vient, par une double décision rendue le 29 décembre, de répondre par une fin de non-recevoir.
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L’affaire illustre la stratégie tous azimuts de l’organisation – surtout connue pour son activité « d’assistance au décès » des malades en fin de vie – afin de promouvoir à l’international ce qu’elle estime être « l’ultime droit humain », à savoir la liberté de pouvoir décider du moment de sa mort.
Ainsi, en plus du lobbying de ses 11 000 membres revendiqués à travers le monde, l’association créée en 1998 multiplie, depuis quelques années, les actions en justice, dont les deux requêtes que la plus haute juridiction administrative vient de rejeter à la suite d’une procédure particulièrement longue et complexe.
Tentative de modifier la réglementation sur les substances vénéneuses…
Celle-ci démarre au début de 2021 lorsque Dignitas demande au premier ministre et au ministre de la santé de modifier, ni plus ni moins, les textes qui réglementent les substances dites vénéneuses – psychotropes et stupéfiants – afin de permettre, à titre d’exception, leur usage par les candidats au suicide. Ce que l’exécutif se refuse bien évidemment à faire, estimant que cette réglementation n’a d’autre objet que de préserver la santé publique.
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Arguant d’un « excès de pouvoir », l’association tient le motif nécessaire pour saisir, en septembre 2021, le Conseil d’État. Pour appuyer son recours, Dignitas fait valoir que ce cadre réglementaire porte atteinte aux principes de sauvegarde de la dignité de l’individu garanti par la Constitution. Elle demande que l’affaire soit transmise au Conseil constitutionnel pour être tranchée via une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Requête rejetée par le Conseil d’État en décembre 2021.
… puis de contester les textes d’application de la loi Claeys-Leonetti
Mais il en faut plus pour décourager l’organisation suisse. Début 2022, celle-ci décide, cette fois, de contester les textes d’application de la loi Claeys-Leonetti de 2016 sur la fin de vie. Comme à la première tentative, Dignitas intime au premier ministre d’édicter de nouvelles règles qui garantissent « le droit pour chacun de pouvoir mettre fin à ses jours » reconnu, selon elle, par la Constitution.
Nouveau refus de l’exécutif, nouveau dépôt de QPC déposée au Conseil d’État au motif que la loi Claeys-Leonetti ne prévoit pas de dispositions suffisantes pour « mourir dans la dignité ». Et nouveau rejet de sa demande en octobre 2022.
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La question des QPC étant réglée, il restait à répondre à l’autre partie de l’argumentaire de Dignitas pour appuyer sa demande, à savoir l’invocation du droit européen. Dans des requêtes déposées en juillet et en septembre, l’association tente de faire valoir que les dispositions réglementaires qu’elle conteste contreviennent également à la Convention européenne des droits de l’homme, ratifiée par la France en 1974.
Échec en France, mais succès en Autriche et en Allemagne
La double décision rendue le 29 décembre par le Conseil d’État apporte une réponse sans ambiguïté : le droit européen ne reconnaît pas « un droit à mourir dans la dignité » qui obligerait la France à consacrer un dispositif de suicide assisté.
« Le Conseil d’État refuse de se saisir de la question du suicide assisté. C’est une réelle occasion manquée », déplore Me Patrice Spinosi, l’avocat de Dignitas. « Le débat sur la fin de vie agite l’ensemble de notre société mais le juge français a préféré rester à l’écart, à la différence d’autres juges européens », confie-t-il à La Croix.
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De fait, les actions en justice soutenues par l’association en Autriche et en Allemagne ont connu meilleure fortune. Dans ces deux pays, les cours constitutionnelles ont reconnu, dès 2020, comme un droit la liberté de pouvoir mettre fin à ses jours, y compris avec l’aide d’un tiers et ont demandé au législateur d’en fixer le cadre.
L’échec français ne dissuade pas pour autant Dignitas de poursuivre son combat. Selon son avocat, l’association pourrait envisager de saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) afin d’obtenir la décision de principe qui s’imposerait alors aux 46 États membres du Conseil de l’Europe. Au siège de l’organisation, à Forch, canton de Zurich, on ne confirme pas. « Rappelez après les fêtes », dit le répondeur.
Source :
« La Croix » – Antoine d’Abbundo – 30.12.22
La France est en retard comme toujours, sur la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie, je pense que l’influence
de l’église n’y est pas étrangère. Quand on voit que l’Espagne et le Portugal ont adopté ou sont tout près de les adopter, C’est là qu’on voit notre retard sur tout ce qui relève de la civilisation dans une société.