Dans une tribune publiée dans Ouest-France du 14 décembre, Philippe Pozzo di Borgo se veut être le porte-parole des personnes lourdement handicapées face à celles qui militent pour une légalisation de l’aide active à mourir. Ceux-ci, écrit-il, sont « des biens portants nous décrétant malheureux sans même nous connaître (…) jugeant nos vies inutiles et coûteuses. On applaudit ceux qui vont se suicider à l’étranger en désespoir de cause, comme si nous devions faire de même ». Des arguments régulièrement repris par les réseaux opposés à toute évolution législative, comme très récemment encore par Aleteia, média catholique en ligne.
Non, les personnes qui agissent pour que soit autorisée en France l’aide active à mourir ne sont pas tous des bien portants, qui parleraient légèrement d’une réalité qu’ils ignoreraient. Cette demande c’est celle des personnes atteintes de maladies dégénératives incurables qui préparent leur départ à l’étranger pour terminer leur vie lorsqu’ils jugeront qu’elle sera devenue pour eux pire que la mort : en Belgique où ils pourront recevoir une aide médicale à mourir, ou en Suisse où le suicide assisté ou « mort volontaire assistée » est possible dans le cadre d’une procédure strictement encadrée. Alain Cocq, ou Paulette Guichard (pour prendre des cas très récents), ont fait ce choix, après avoir lutté courageusement. Sont-ils blâmables ?
Cette demande d’une nouvelle loi est aussi celle de personnes qui, pour avoir accompagné des proches en fin de vie, ont trop eu à connaitre leurs souffrances physiques et psychiques inapaisables ou à tout le moins inapaisées. Est en cause le déficit bien connu des soins palliatifs en France, déficit qui ne dépend pas uniquement d’une aide financière plus importante, mais aussi d’un manque cruel de praticiens et de lits d’hôpitaux. De plus, une certaine conception des soins les limite à la prise en charge de la douleur et pour les derniers mois, semaines ou jours ; et enfin, éventuellement, dans des conditions laissées à l’appréciation des seuls médecins, au recours à la sédation profonde et continue jusqu’à la mort.
Qui entend ceux qui, de façon réfléchie et persistante, demandent une aide à mourir ? Qui entend ceux dont la demande est jugée non recevable au motif qu’ils ne seraient pas jugés « suffisamment » en fin de vie ? Les personnes atteintes de maladies dégénératives et incurables et les personnes en fin de parcours thérapeutique, sont elles-mêmes, tout comme les personnes porteuses de handicap, 100% vivantes ; et c’est pour cela qu’il faut entendre et respecter leur choix.La possibilité de recevoir une aide active à mourir devrait faire partie, avec les soins palliatifs, de l’accompagnement global de la personne. Dans sa singularité, dans l’écoute de ses demandes et dans le respect de ses choix. Ces deux options ne sont pas opposées, bien au contraire elles sont complémentaires.
Philippe Pozzo di Borgo considère que la reconnaissance du droit à recevoir une aide active à mourir serait une forme d’injonction faite aux plus fragiles d’y recourir. En Belgique, qui reconnait ce droit depuis 20 ans, la part des décès issus d’une aide médicale à mourir est de 2,5 % par an. En Suisse, le recours au suicide assisté concerne 1,7% des décès. On est loin d’une dérive vers l’eugénisme ! Sachons raison garder.
Oui, nous appelons de nos vœux une loi pour autoriser le recours à l’aide à mourir en France. Une loi protectrice de tous, qui se substitue à la débrouille personnelle et aux décisions qui se prennent parfois dans le huis-clos des services hospitaliers. Une loi qui garantisse le droit des patients, protège les plus faibles et qui sécurise les soignants. Une loi qui permette aux personnes de vivre leurs souffrances avec plus de sérénité, sachant que le choix qu’ils auront exprimé en toute liberté et conscience, sera entendu. Une loi qui reconnaisse enfin à tous nos concitoyens le droit de faire valoir leur choix et de voir celui-ci respecté !
Anne Vourc’h, membre du bureau du Choix
Que les croyants pratiquants fassent ce qu’ils veulent de leur vie et de leur mort, mais laissez à la vaste majorité des autres le contrôle de leur destinée finale.