Réponse à Théo Boer (Le Monde, « idées » du 01/12/2022)
Théo Boer déconseille la législation de l’aide active à mourir en s’appuyant sur sa perception de l’expérience néerlandaise. Ses modes de raisonnement, pourtant contestables, peuvent faire peur.
Il cite l’augmentation du nombre d’actes d’euthanasie au fil des années. Est-il altruiste de s’y opposer pour cause d’augmentation des cas ? Ce qui compte vraiment n’est-il pas de savoir si les euthanasies ont été accordées pour de bonnes raisons ? N’est-il pas raisonnable de les permettre quand il s’agit de personnes qui ne souhaitent plus vivre parce qu’elles souffrent de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances inapaisables, et dont la mort est inéluctable ? Est-ce qu’il est acceptable d’admettre une aide à mourir pour un petit nombre de personnes qui souffrent de manière insupportable, mais de la refuser sous prétexte que leur nombre augmente ?
Théo Boer s’inquiète en disant que la pratique s’est étendue à plus de situations, aux personnes souffrant de maladies chroniques, aux personnes handicapées, à celles souffrant de problèmes psychiatriques et aux enfants. Il évoque une pente glissante où les euthanasies pourrait s’étendre à ceux qui « souffrent du manque de sens, de marginalisation, de solitude, de la vie elle-même ».
Cet argument de la pente glissante n’est à mon sens pas valable. Quand on discutait l’autorisation de l’avortement, certains prétendaient qu’à la longue des avortements en fin de grossesse et même des infanticides deviendraient permissible, mais cela n’est jamais arrivé depuis que IVG a été dépénalisée en France en 1975.
Théo Boer sous-entend que toutes les extensions sont des dérives, mais cette notion de dérive diffère d’une personne à une autre. Certains pensent qu’étendre l’assistance à mourir à des enfants ou des malades psychiatriques est toujours inacceptable ; d’autres, que certaines conditions exceptionnelles de souffrance peuvent la justifier. Ces points de vue méritent d’être débattus.
En outre, en demander l’interdiction pour cause de dérives ne tient pas debout non plus. Par exemple, le mariage est associé à des dérives ‒ en France une femme meurt tous les trois jours sous la violence de son conjoint ou ex-conjoint ‒ pourtant personne n’a jamais proposé d’interdire le mariage. La solution contre toutes dérives n’est pas d’interdire la pratique en question, mais de mettre en place une législation, qui soit appliquée de façon efficace, et qui protège contre les abus.
Théo Boer s’inquiète du nombre de rapports dans lesquels les patients demandeurs mentionnent, comme une de leurs motivations, le désir de protéger leurs proches, de leur éviter d’être témoins de leurs souffrances. Il me semble évident qu’on ne devrait pas accepter une demande pour une assistance à mourir qui serait formulé seulement pour le bénéfice de tierces personnes. Cependant, si une personne considère que sa souffrance est insupportable et qu’aucun traitement ne l’allège, il peut être tout à fait légitime que cette personne souhaite une aide à mourir pour mettre fin à sa propre souffrance, et en plus souhaiter épargner ses proches de continuer d’être témoin de sa souffrance.
Je répondrais également à M. Boer qu’il convient de débattre avec nuance, et d’arrêter de faire peur et de créer des angoisses inutiles. Environ 95% des français souhaitent pouvoir choisir une aide à mourir, et 85% la considère comme un soin de fin de vie. La question qui se pose n’est donc pas de décider si on devrait autoriser ou pas l’euthanasie et le suicide assisté, mais plutôt de définir dans quelles conditions les permettre, quels moyens employer et quels contrôles mettre en place.
Keith Lund
Marseille.
Réponse publiée dans la rubrique « le monde des lecteurs ». lemonde.fr 12/12/2022
https://www.lemonde.fr/blog-mediateur/article/2022/12/12/paroles-de-lecteurs_6154085_5334984.html
Excellente réponse je suis 100% d’accord avec ces arguments…..Mais je n’ai pas d’info sur le cas d’une personne n’ayant plus l’usage de la parole, plus capable d’exprimer ses volontés, n’ayant plus d’ouïe, assez mal voyante, ne reconnaissant plus personne, en fauteuil et en EHPAD atteinte de maladie d’Alzheimer….. Il s’agit en l’occurrence de ma mère, âgée de 92 ans. Je pense que son cas rejoint des dizaines de milliers d’autres personnes qui croupissent dans des structures à 2500/3000 euros par mois ….sans solution ?
bonjour
je suis l’épouse d’un patient décédé maintenant.
Il avait rédigé ses directives anticipées .Il indiquait le refus d ‘acharnement thérapeutique et le souhait d’interrompre l’alimentation.
NOus l’avons soutenu dans son choix et je suis restée à ses cotés jusqu’au dernier moment .
Il a été difficile dans un premier temps de faire admettre ce choix au chef de service mais à la suite d’une réunion avec l’ équipe médicale et un autre chef de service ,son choix a été respecté .
de mon coté je suis restée dormir à l’hopital.
ma présence a été bien acceptée (sauf avec le recul par le chef de service qui avait cessé de me saluer mais
l ‘equipe médicale et administrative , le soutien sans condition de l’autre responsable nous ont permis de supporter cette épreuve )
au dernier instant une infirmière lui a donné un peu d’oxygene car nous souhaitions chanter ensemble une messe .
les soignants sont passes discrètement et à l’ultime moment en nous tenant la main ,nous nous sommes quittés .
ensuite j’ai compris avec l’explication de la responsable qu e la loi permettait à la famille de porter plainte pour décès provoqué et que certaines familles et patients n’étaient pas aussi déterminés que nous .
IL m’a semblé que le principal opposant mais peut être est ce une projection me portait responsable de la décision de mon époux .
je porte encore après 4 mois le poids de cette culpabilité mais je revendique notre choix humain.
avec le soutien de votre association , nous avions demandé une aide en Belgique qui n’a pu aboutir.
l’état de mon époux s’étant dégradé brusquement.
je note cependant – à mon idée-le manque de réalisme du service d’oncologie (ET LE MANQUE DE RELATION ENTRE LES HOPITAUX) qui m’a téléphoné le jour de la crémation pour me rappeler le prochain rv pour une nouvelle chimio bien qu’ils aient téléphoné à mon époux la veille de son décès pour lui demander ses intentions . Très conscient ,bien qu’affaibli .il avait rappelé son choix….
bien à vous
je suis une thérapie de soutien qui me permet aujourd’hui hui de m’exprimer