« Alors que la Convention citoyenne sur la Fin de vie est à mi-parcours, les citoyens disposent-ils des éléments nécessaires à une délibération éclairée ? »
Un premier article faisant le point sur les 3 premières sessions de la Convention citoyenne sur la fin de vie mettait en évidence des signes encourageants : motivation des citoyens participant à la Convention (désignés par la suite comme les citoyens), lucidité de leurs interrogations, et premières tendances exprimées en faveur d’une évolution des dispositions relatives à la fin de vie.
Au terme de deux nouvelles sessions de travail, que peut-on en dire ?
Les participants ont pu prendre connaissance d’exemples étrangers. https://www.youtube.com/watch?v=L9Itws_ThpM&t=5150s
Après la situation en Suisse puis en Belgique présentées lors de la première session mi-décembre, c’était le tour du Québec et de l’Oregon où l’AAM est autorisée, puis de l’Italie où la dépénalisation de l’AAM est toute récente (2019). Présentées par des membres d’institutions soutenant ou pratiquant l’aide à mourir, ces témoignages concordants exposaient les dispositions en place, les acquis et les questions nouvelles qui se posaient pour accompagner au mieux les demandes dans une diversité des réponses possibles : soins palliatifs, aide médicale à mourir. En revanche, pour les Pays-Bas, pionnier en Europe, la présentation a été faite par Théo Boer, bien connu pour ses alertes répétées contre de prétendues dérives de l’euthanasie dans son pays et sautant sur tout micro qui lui est tendu pour déconseiller à la France d’autoriser l’AMM. Pourquoi avoir choisi cet intervenant ? L’outrance manifeste de ses propos a conduit Le Choix à publier une nouvelle réponse à Théo Boer, car il faut raison garder.
On passera sur la table ronde consacrée aux moyens mis en place dans le cadre de la loi Claeys Leonetti, qui a réuni des représentants du Ministère de la Santé et deux médecins pilotes du plan national des Soins palliatifs et de la fin de vie. Car ce fut une table ronde confuse et passablement « langue de bois ». Mais l’exercice d’autojustification auquel se sont livrés les intervenants n’a pu cacher à quel point le roi est nu : aveu de la grande méconnaissance des circonstances exactes de la fin de vie en France quant au nombre de sédations profondes et continues jusqu’au décès (SPCJD) administrées, quant à l’estimation des euthanasies, du suivi des DA, etc… Et de l’extrême faiblesse des moyens alloués aux SP.
Les souffrances réfractaires et situations de fin de vie, ont fait l’objet d’une table-ronde plus intéressante, avec des points de vue diversifiés d’une table-ronde plus intéressante, avec des points de vue diversifiés, dont celui d’un psychiatre faisant valoir que ce n’est pas parce que quelqu’un souffre d’une pathologie psy qu’il perd de son discernement et ne peut décider ce qu’il veut, c’est une question de citoyenneté. Il s’est dit également interpelé par le recours au suicide violent de la part de personnes ne trouvant pas de soulagement. Le témoignage du Collectif Solidarité Charcot a fait part du combat de l’association pour le soutien aux malades de souffrant de SLA (Sclérose Latérale Amyotrophique) et à leurs familles en concluant : « On ne prône pas la mort, mais il faut parfois pouvoir le faire. On ne peut pas se donner bonne conscience en n’osant pas agir ».
Enfin, en session 5, les citoyens ont longuement entendu le Docteur Régis Aubry (unique conférencier de cette session), médecin chef d’un service de Soins palliatifs, membre du CCNE et professeur de médecine palliative dont l’intervention a porté sur la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Le Docteur Aubry plaide pour les SP et justifie le protocole de SPCJD tel que codifié par la HAS, y compris l’arrêt de l’hydratation. Interpelé par les questions des citoyens, il reconnait néanmoins que la législation actuelle ne répond pas à toutes les situations ; mais il souhaite que, si elle doit évoluer, cela soit en faveur du suicide assisté et non de l’euthanasie aux motifs que le SA apporte l’assurance que la personne renouvelle sa demande jusqu’au bout, et que l’euthanasie heurte trop les milieux soignants… Cette position a immédiatement fait réagir notre co-président d’honneur, le Docteur Denis Labayle, sollicité par un groupe de citoyens qui lui demandent régulièrement son éclairage, leur a adressé un texte sous forme d’une réponse au Docteur Aubry.
Cette réponse, Denis Labayle aurait bien évidemment aimé l’apporter directement à tous les membres de la convention citoyenne, mais malgré trois courriers de demandes d’audition adressés à Mme Thoury, présidente du Comité de gouvernance de la Convention citoyenne, le Choix n’y a toujours pas été convié.
Que constater ? Que, parmi les intervenants invités à faire part de leur expérience devant les citoyens, ne figure aucun médecin favorable à l’aide active à mourir ! Les citoyens ont entendu tout au long des sessions le même leitmotiv : « soigner n’est pas tuer », être médecin est incompatible avec le fait d’avoir un geste actif provoquant ou accélérant le décès. Et que non seulement les soignants étaient massivement opposés à l’évolution de la loi mais que si elle intervenait, elle serait inapplicable car tous les médecins et soignants se retireraient.
Comment ignorer les voix des soignants favorables à l’aide à mourir ; alors qu’ils viennent encore de signer une tribune dans le Monde « Nous, professionnels de santé, disons haut et fort que l’aide médicale à mourir est un soin » ? Et celles des soignants émettant des réserves sur le protocole de SPCJD et particulièrement l’arrêt de l’hydratation ?
Dès lors, peut-on dire sérieusement que les citoyens disposent de toute l’information nécessaire pour une délibération éclairée ?
Le Comité de gouvernance de la Convention est, à juste titre, très à cheval sur le processus de concertation et veille à créer les conditions d’un débat éclairé et serein. Il a déjà été sérieusement critiqué par les garants de la concertation pour avoir organisé en fin de session 2 le vote « juste pour voir » destiné à sonder les points de vue à ce stade de la Convention. Cette sortie de route leur a été reprochée.
Aujourd’hui, pour l’information juste et complète des citoyens, il doit organiser l’audition de médecins favorables à l’euthanasie et prêts à l’administrer, qui considèrent qu’aider un patient qui le souhaite à mourir fait partie de leur responsabilité de soignants résolument à l’écoute de la personne dont ils prennent soin.
Il reste encore 4 sessions d’ici la remise, fin mars, des conclusions des participants à la Convention citoyenne.
La crédibilité du Comité de gouvernance et la légitimité des travaux de la Convention citoyenne en dépendent.
Anne Vourc’h, membre du Bureau du Choix, 13 février 2023.
Le site internet de la Convention propose depuis peu une rubrique « témoignages » où tout un chacun peut déposer un message https://conventioncitoyennesurlafindevie.lecese.fr/vos-temoignages
Nous vous engageons vivement à y déposer des messages faisant part de votre expérience personnelle, afin que les préoccupations de tous ceux qui souhaitent une légalisation de l’aide à mourir soient bien entendues et prises en compte.
Bonjour
Comme je vous l’ai déjà écrit, cette convention est un spectacle mis en scène par le pouvoir en place, destinée à légitimer la position du gouvernement et des milieux conservateurs et religieux, comme l’a été la convention citoyenne sur le climat. Je constate que votre article confirme ma façon de voir: la morale religieuse et l’obscurantisme gagnent chaque jour du terrain et cette convention le démontre clairement. Il existe des médecins favorables à la prise en charge par les malades de leur fin de vie et d’autres, non. Je respecte ces choix alors que les seconds nommés ne respectent que leurs idées et entendent imposer leur volonté de disposer de la souffrance de leurs patients. L ‘avortement est légal en France, malgré l’opposition de certains praticiens (les mêmes sans doute que ceux qui s’opposent au choix de la fin de vie par les individus eux-mêmes). Les opposants à l’avortement refusent de procéder à cet acte médical, qu’importe, tant que d’autres y procèdent. Pourquoi n’en serait il pas de même pour la fin de vie ?