Juin 2023
Denis Labayle, médecin et président d’honneur de l’association « le Choix – Citoyens pour une mort choisie » s’exprime sur la déshydratation telle qu’elle est prônée par la loi Claeys-Leonetti. Est-ce une justification médicale ou une indication idéologique ?
Le texte complet :
La déshydratation prônée par la loi Claeys-Leonetti :
Une indication médicale ou une justification idéologique ?
Denis Labayle
Jusqu’à la loi Leonetti de 2015, l’arrêt de l’hydratation n’a jamais été prôné en médecine. La règle absolue était d’apporter en toutes circonstances une hydratation, même minimale, dite de confort, pour éviter les symptômes douloureux qu’entraine la déshydratation. Il était même indiqué, en cas de coma, de perfuser un minimum de liquide (+/- un litre) par voie sous-cutanée si la voie intraveineuse n’était plus utilisable.
Alors pour quelle raison la déshydratation que l’on combattait hier est-elle devenue une indication légale et obligatoire aujourd’hui ? L’hydratation du corps peut-elle être considérée comme une thérapeutique qu’il faudrait arrêter dans le cadre d’un refus de « l’obstination déraisonnable » ?
Une brève explication physiologique
Pour vivre, l’homme a besoin d’oxygène, d’eau, de calories. Peut-on considérer ces trois éléments comme des traitements au même titre que les médicaments utilisés pour obtenir la guérison ?
Il est évident que si l’on supprime l’oxygène, l’eau et l’alimentation, la mort survient mais après un temps variable selon l’élément supprimé. La mort est obtenue en :
– Quelques secondes à quelques minutes avec la suppression de l’oxygène (asphyxie).
– Quelques jours à quelques semaines en cas de suppression de l’hydratation (insuffisance rénale, détérioration progressive des fonctions vitales)
– Quelques semaines à quelques mois en cas de suppression de l’apport calorique
(dénutrition, infections, escarres, détérioration progressives des fonctions vitales…).
Contrairement à ce que certains prétendent, l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation ne vont pas de pair. Les grévistes de la faim continuent de s’hydrater car la soif est un symptôme trop douloureux.
L’hydratation, une nécessité.
Le pourcentage d’eau dans le corps humain est considérable : 60 % chez l’homme, 55 % chez la femme.
L’équilibre hydrique y est très fragile : les quantités d’eau qui circulent dans le corps sont importantes et il suffit d’un bref déséquilibre pour voir apparaître les symptômes, la soif en particulier.
Résumons : les apports 2 à 2,5 litres (eau, 1 à 1,5 L ; aliments : 0,7 L ; phénomènes chimiques internes : 0,3 L). Les pertes : 2 à 2,5 litres (urines, 1 à1,5 L ; respiration : 0,4 L ; Sueur : 0,5 L ; selles, 0,1 l). Au niveau de l’intestin grêle, il existe d’importants mouvements hydriques : 6 litres de liquide d’apports et de sécrétions, 6 litres de réabsorption.
On comprend qu’il suffit d’un bref manque d’hydratation pour que les symptômes de la déshydratation apparaissent.
Les conséquences de la déshydratation.
La déshydratation entraine des symptômes très douloureux : surtout la soif, mais aussi la bouche sèche, les maux de tête, les vertiges, l’encombrement bronchique…
Sur le plan biologique, on observe une concentration du sang (hémoconcentration), l’apparition d’une insuffisance rénale dit « fonctionnelle » car elle est au début réversible, avant de devenir définitive. L’insuffisance rénale a pour conséquence d’augmenter le taux de potassium dans le sang et la concentration de tous les médicaments injectés. Autrement dite elle entraîne une augmentation indirecte des doses de sédatifs prescrits.
Peut-on prévenir les effets nocifs de la déshydratation ?
Pris dans leurs contradictions, les défenseurs de la déshydratation prétendent qu’humecter la bouche du malade toutes les deux heures supprimerait la sensation de soif. Cette affirmation ne repose sur rien. Pas facile d’étudier scientifiquement l’effet de la déshydratation en demandant au malade sous sédation profonde ce qu’il en pense. Quant à la méthode, elle est tout bonnement irréalisable : Imaginez sa réalisation pratique de jour comme de nuit, en semaine comme le week-end à l’hôpital, en ville ou en EPHAD, avec le manque de personnel. C’est illusoire !
Alors qu’il suffit d’apporter une hydratation de confort pour éviter la sensation de soif.
La déshydratation : une justification idéologique ou médicale ?
Au stade de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, l’objectif est clair : traiter l’agonie en séparant la conscience du corps, avant d’aider le corps à partir.
Ceci n’a rien de naturel comme voudraient nous le faire croire les promoteurs de défenseurs de « la vie coûte que coûte ». Et ce n’est pas la maladie sous-jacente, comme ils l’affirment, qui est responsable de la mort, mais c’est bien le protocole médical choisi qui est en cause. La sédation profonde et continue s’apparente philosophiquement à une aide médicale à mourir qui ne veut pas dire son nom.
Dans le texte d’application de la loi actuelle, cela ne se passe pas dans les meilleures conditions puisque la déshydratation entraîne des souffrances difficiles à évaluer et que l’adaptation des doses de sédatifs prolonge inutilement l’agonie. Rappelons qu’il y est écrit que, pour adapter les doses, le médecin en charge de la sédation doit passer deux fois par jour en ville et trois fois en EPHAD ! La variabilité des doses entraîne pour le malade un retour périodique à un état de conscience au cours duquel les symptômes douloureux réapparaissent obligatoirement, y compris la soif. Une situation qui peut durer une à plusieurs semaines. Alors qu’il suffit d’augmenter les doses de sédatifs pour obtenir une agonie « brève et indolore », les deux qualificatifs qui manquent dans la loi Claeys-Leonetti : Sédation profonde et continue, mais aussi indolore et Brève.
– Indolore sous-entend que l’on perfuse des antalgiques, mais aussi qu’on ne crée pas de nouveaux symptômes d’où l’importance de l’hydratation dite de confort (les prétendus risques d’œdèmes ne s’observent que si l’hydratation est importante, ce qui n’est pas le cas ici. Argument fallacieux et de mauvaise foi ! )
– Brève, impose que le traitement de l’agonie repose essentiellement sur l’augmentation rapide des doses de sédatifs perfusés. Il est absurde de les diminuer.
Dans la loi actuelle, la déshydratation n’a aucune justification médicale. Son indication repose sur le principe purement idéologique de donner une apparence naturelle à une méthodologie qui ne l’est pas. Pourquoi engendrer de nouveaux symptômes quand l’objectif est de permettre à un corps dont on a supprimé la conscience de partir le plus sereinement possible. Tout ce qui prolonge l’agonie est inhumain pour le malade, douloureux pour la famille.
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