Madame S.
À Service de soins palliatifs
…septembre 2020
Mesdames, Messieurs les Médecins, Infirmières et Aides-Soignantes,
Bientôt 1 an que mon mari, Patrick S. est décédé dans votre établissement.
Je dois dire que je n’ai toujours pas « digéré » sa fin de vie. Je pensais, nous pensions, que vous n’iriez pas si loin dans sa prise en charge. Vous êtes allés jusqu’au bout du bout.
Mon mari avait rédigé ses directives anticipées qui devaient lui permettre de partir rapidement sans douleurs physiques et sans désarroi psychologique. Ce qui n’a pas été du tout son cas.
Patrick s’est acharné, quand il le pouvait encore, à vous demander de le laisser partir, rappelez-vous les conversations très sensées qu’il vous tenait. Il a répété à plusieurs d’entre vous sa volonté de partir et de tout arrêter. J’ai assisté plusieurs fois à ces conversations. Ne prenez surtout pas sa détermination d’en finir comme une faiblesse. Presque 5 ans à se battre dans le noir, ce qui a été pire que tout pour lui, peu de personnes auraient pu avoir la force de le faire. Et croyez-moi, au début surtout, il ne l’a pas fait pour lui mais pour nous, sa fille et moi. Mais grâce à sa force de caractère et à une volonté hors norme qui ont fait l’admiration de toutes les personnes qui le connaissaient ou qui l’ont rencontré, l’envie était toujours là. Lorsque vous n’êtes plus que l’ombre de vous-même, non !
Vous n’avez pas voulu… ou pas pu accéder à sa propre volonté. Mais pourquoi être allé si loin ?
Quant à moi, j’ai entendu des : « s’il voulait vraiment partir, il lâcherait prise », « que son heure n’était pas arrivée » … « que son corps n’était pas si abimé », on se fiche de qui lorsque l’on entend ça ?
Pour être juste, je dois dire que la première semaine passée dans votre service s’est plutôt bien passée et arrivait à un moment où je n’arrivais plus à gérer à la maison. Son état de santé s’était beaucoup dégradé. D’avoir ce relais m’a soulagée, pour lui, je ne sais pas ?
Ensuite il est devenu très bavard, pas toujours sensé et très confus mais avec des éclairs de lucidité et vous n’avez pas voulu l‘écouter. J’ai essayé avec toute mon énergie, mon désarroi, de faire respecter ses choix, ça n’a servi à rien.
Je ne vous parle pas de son état physique… quel être humain peut supporter l’humiliation d’un corps qu’on ne contrôle plus, d’une souffrance de tous les instants calmée ou atténuée par la morphine et je ne sais quelle autre substance. Souffrir, être humilié lorsque l’on sait qu’on va s’en sortir, « oui », mais pas dans son cas.
Si vous aviez connu mon mari, vous auriez su qu’il n’aurait jamais pu supporter tout ça. Hélas, on aurait dû y réfléchir plus tôt et sa perte de vision ne lui a pas facilité les choses.
Mon mari et moi-même avons demandé à ce que le Dr …… soit informé de la situation, l’a-t-il été, à priori oui, d’après un médecin de votre service ???
[Note perso : En rencontrant le Dr …., j’ai su qu’on ne l’avait pas tenu informé]
Je pense à postériori que les soins palliatifs sont destinés aux personnes qui ne veulent pas mourir, qui n’ont pas conscience qu’elles vont mourir, qui veulent avoir une mort paisible… bien qu’elles n’aient pas forcément conscience de ce qu’on leur fait vivre. Mourir en 3 jours, mourir en 3 semaines ou plus, on finit toujours par mourir, alors pourquoi attendre. Quand c’est fini, c’est fini. Qu’on respecte le choix des malades, des mourants.
Je sais, vous vous réfugiez derrière la Loi Léonetti qui est une belle hypocrisie selon moi, mais vous n’avez pas le choix, vous travaillez de façon collégiale ce qui n’arrange probablement pas les choses.
Et surtout ne me dites pas que les règles sont les mêmes pour tout le monde, je n’y crois absolument pas.
Voilà, j’ai « vidé un peu mon sac ». Cela fait longtemps que je voulais le faire. Faire le deuil de quelqu’un en ayant des rancœurs n’est pas facile, peut-être cela va-t-il m’y aider ?
Je ne parle que de mon cas personnel, je ne remets pas en cause votre travail, vous apportez certainement beaucoup à d’autres personnes mais chacun est différent et ça, il faudrait aussi l’entendre.
Bien cordialement,
Martine S. son épouse
On se « demande » si l’appât du gain et ou l’excuse d’une quelconque religion servent à infliger un tel horrible séjour malgré des directives anticipées ?