La lecture de cette interview suscite des inquiétudes au moins sur cinq points :
1° Pronostic vital à court ou moyen terme :
L’aide à mourir reste subordonnée à une temporalité qui risque d’en restreindre fortement les indications. En effet Emmanuel Macron la rend dépendante d’un pronostic vital engagé à court ou moyen terme sans indiquer clairement ce que recouvrent ces mots en termes de durée. Les médecins en majorité sont d’accord pour indiquer qu’il est difficile d’estimer avec précision la durée de vie d’un patient atteint d’une maladie incurable. Pour cette raison les médecins belges distinguent les malades dont la durée de vie semble inférieure à un an et ceux dont la durée de vie est supérieure à un an, comme c’est souvent le cas des malades atteints d’affections neurodégénératives. La notion de moyen terme correspond-elle à un pronostic vital supérieur à un an ? Si ce n’est pas le cas, nous continuerons à avoir beaucoup de demandes de malades qui chercheront une solution à l’étranger.
2° La notion de douleurs réfractaires :
Qui doit évaluer les douleurs réfractaires ? Le malade ou l’équipe soignante ?
La souffrance est une donnée éminemment subjective, seul le malade peut juger quand ses souffrances, tant physiques que morales, sont devenues intolérables et justifient sa demande d’une aide à mourir. C’est d’ailleurs ce que nous avons souligné dans notre proposition de loi.
3° L’importance de la collégialité :
Il semble l’étendre à une équipe soignante sans indiquer qui au final prendra la décision et selon quelle modalité ?
« Je veux préciser que l’équipe médicale qui examine la demande va non seulement s’assurer que les critères d’accès sont réunis, mais peut aussi demander l’avis de spécialistes et consulter les médecins, psychologues infirmiers ou aides-soignants qui ont l’habitude d’accompagner la personne. C’est également aux professionnels de santé, si l’aide à mourir est décidée, de définir, dans un dialogue avec le patient, les modalités de sa mise en œuvre. Par exemple, de recommander la présence ou non d’un personnel médical ou le lieu plus approprié, étant entendu qu’aucun n’est exclu : domicile, Ehpad ou établissement de soins. »
Il risque d’y avoir une dilution des responsabilités. La recherche d’un consensus risque de faire « trainer les dossiers » au détriment des malades. En Belgique, le malade voit deux médecins qui examinent son dossier, avec, dans les cas les plus complexes ou celui d’un malade dont l’espérance de vie est considérée supérieure à un an, l’avis supplémentaire d’un spécialiste.
4° La capacité de discernement dans le cas de maladies neurodégénératives :
Les malades atteints de la maladie d’Alzheimer en sont exclus. Or, la perte de la capacité de discernement n’est pas immédiate et brutale. C’est pourquoi en Belgique, les malades atteints de cette affection peuvent demander l’aide médicale à mourir tant que leur capacité de discernement n’est pas altérée.
5° Absence de dispositif de contrôle des décrets d’application :
C’est cette absence de contrôle qui a permis à la HAS de traduire de manière très restrictive la notion de pronostic vital engagé à court terme dans l’actuelle loi Clayes-Léonetti et d’imposer une méthodologie inacceptable pour beaucoup de médecins. Il est donc indispensable que la rédaction des décrets d’application de la future loi soit soumise au contrôle d’une commission large qui implique des représentants de toutes les parties concernées : parlementaires, représentants d’associations défendant la Mort Choisie, représentants de la Convention Citoyenne, membres de sociétés médicales….
Le Conseil d’administration du Choix. Citoyens pour une mort choisie.