Participaient à cette réunion
Olivier Falorni, député et président du groupe d’étude sur la fin de vie
Dr Yves de Locht, médecin et auteur de ‘Docteur, rendez-moi ma liberté’
Pr. Jean Reignier, médecin au CHU de Nantes
Wulfran Collignon, membre de la convention citoyenne sur la fin de vie re de l’association ‘les 184’
Compte-rendu par Jacqueline LAURENT, coordonnatrice du Choix en Pays de la Loire
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Prévenue de la préparation par Nathalie Andrews qui l’avait su par Yves de Locht, je me suis présentée à Mme Laernoes et j’ai pu prévenir les adhérents et sympathisants de la région nantaise. Présente ½ heure avant le début, j’ai pu distribuer de la documentation et notamment faire signer le manifeste à des personnes qui n’en avait pas eu connaissance et que nous pouvons ajouter à nos contacts. Je ne sais si Mme Laernoes avait communiqué vers la presse mais Ouest-France n’a rien publié ni en amont ni en aval.
Julie Laernoes introduit la réunion en précisant que, du fait de sa double nationalité franco-néerlandaise, elle a conscience que ce jour est la date anniversaire de la promulgation de la loi aux Pays-Bas en 2001. La temporalité est également idéale pour la France. Elle est membre du groupe d’étude sur la fin de vie et de la «commission spéciale pour l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie». Elle propose que chacun des intervenants fasse une présentation de son regard ce thème.
Yves de Locht explique quelles sont les 3 conditions en Belgique : demande en état de conscience, affection grave et incurable, souffrances insupportables. Les demandes persistent même quand il y a passage en soins palliatifs qui ne sont pas considérés comme antagonistes à une demande d’euthanasie. Commission de contrôle qui publie régulièrement un rapport qualitatif et quantitatif. Il fait état d’une modification récente : une euthanasie est désormais acceptable pour un patient devenu inconscient mais qui a indiqué dans ses directives anticipées (DA) les limites qu’il ne voulait pas franchir.
Le Professeur Jean Reignier est chef du service de réanimation au CHU de Nantes, le service dans lequel, bien sûr, on enregistre la plus forte mortalité. Il insiste sur le type de questions qu’ils affrontent régulièrement : celle de l’arrêt ou de la poursuite des traitements au regard de l’état du patient et des éventuelles atteintes irréversibles mais également celle de l’accompagnement des familles et d’obtenir une information sur ce que voudrait le malade qui, de fait, n’est pas en état de s’exprimer. Il considère que les DA sont trop souvent trop vagues.
Au départ, il avait pensé qu’il y avait des avancées dans la loi Claeys-Leonetti de 2016 notamment avec la sédation profonde et continue jusqu’au décès (SPCD) mais il constate que, dans la pratique, elle est difficile à appliquer et que trop de décès surviennent dans des conditions non satisfaisantes. Il y a des faiblesses telles dans la loi qu’elle peut être contournée par les opposants, notamment dans les services de soins palliatifs (SP). Une étude a été menée pour savoir si soignants étaient opposés ou non à l’évolution de la loi : de fait la majorité des soignants est favorable à une évolution, surtout parmi le personnel infirmier, moins parmi les médecins.
Concernant le projet actuel, il est contrarié par la notion de temporalité qui n’est pas ‘traitable’, l’absence d’accorder un rôle actif au malade, ce qui est problématique par rapport aux DA.
Wulfran Collignon fait un récit vivant et enthousiaste des conditions qui ont permis un travail commun approfondi d’échanges et de réflexion dans le cadre de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Il insiste sur l’engagement de tous et de chacun (1 seule défection pour raisons professionnelles) : 184 conventionnels ont participé du début à la fin, y compris en dehors des séances au CESE. Il souligne l’intérêt de la mise en place de groupes de travail de composition variable, ce qui a facilité la circulation des idées entre tous. Le rapport et les conclusions sont vraiment consensuels.
Olivier Falorni rappelle les conclusions de la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti dont il avait demandé qu’elle soit mise en place :
- Accès insuffisant aux SP et répartition inégale sur le territoire
- Méconnaissance des droits des patients, par exemple les DA et la personne de confiance (PC)
- Telle qu’elle avait été présentée la SPCD pouvait apparaître une solution pour une aide active à mourir mais, dans les faits ce n’est pas le cas. De plus, elle n’est pas codifiée, donc non quantifiable.
En tout état de cause : les SP ne sont pas LA solution, il doit y avoir liberté de choix.
Il annonce que les auditions par la Commission seront diffusées sur la chaîne de l’Assemblée Nationale
Après ces présentations, la parole est donnée à la salle pour des questions. Je n’ai pas tout noté et résume ici ce qui ressort de la série de questions-réponses, il n’y a pas eu de débat à proprement parler :
Le rôle des Directives anticipées a été évoqué plusieurs fois, notamment pour la possibilité de les prendre en compte dans les cas de maladie neurodégénérative entrainant une perte du discernement.
Quand et comment démarrer la démarche de demande d’euthanasie ? Cela devrait être une séance d’information par le médecin, prise en charge par l’assurance maladie. Aux Pays-Bas, par exemple, on peut rencontrer des difficultés dans le cas de polypathologie du grand âge et d’une perte du discernement. Autre problème : la diminution du nombre de médecins et les déserts médicaux.
J’ai posé la question de l’arrêt de l’hydratation dans le protocole de la SPCD car J Reignier avait précisé qu’il y avait arrêt de tous les soins et que nutrition et hydratation sont considérés comme des soins. C’est lui qui a répondu en soulignant de prime abord (et il l’a répété à plusieurs occasions) que la SPCD est mise en œuvre pour des patients qui vont mourir à brève échéance (sans autre précision). Il a affirmé que maintenir nutrition et hydratation peut être source de confusion pour le personnel soignant puisqu’on n’arrête donc pas tous les soins. Il a indiqué qu’on observait que soutenir la nutrition était source d’inconfort pour le patient, sans préciser cela que cela signifiait, puis ajouté que c’était pareil pour l’hydratation… et que, à brève échéance, on ne meurt pas d’insuffisance rénale. N’ayant pu échanger plus avec lui je lui ai demandé par mail des références de publications sur le sujet.
Après quoi Olivier Falorni a ajouté qu’il restait la question du temps car il y a des SPCD qui durent.
J’ai regretté de ne pas avoir posé la question de la remise en cause du protocole actuel de la SPCD afin qu’elle soit réellement indolore et vraiment rapide. Mais il n’y a eu de place que pour une question par personne.
Des questions ont abordé les risques de dérives et des abus, notamment pour les EHPAD qui pourraient chercher à éliminer des pensionnaires pour augmenter la rentabilité. Une personne se souciait de pouvoir éviter d’aller en EHPA en étant en bonne santé (?). Je ne prétends pas à l’exhaustivité car il y a eu des interventions plus confuses que j’ai eu du mal à comprendre.
Une personne s’étant référée à une phrase de Robert Badinter où il affirmait que la vie humaine est sacrée nul ne pouvait enlever la vie à autrui (je ne cite pas je ne suis pas certaine de la référence exacte), Olivier Falorni a répondu avec vigueur en indiquant ce que Robert Badinter lui avait dit récemment dans un échange particulier, en l’autorisant à le faire savoir : il faut distinguer la peine de mort et l’aide active à mourir, qu’étant un homme il avait évolué, notamment sur ce dernier point et que, s’il avait été parlementaire au moment où a été discuté le texte de la proposition de loi déposée par Olivier Falorni, il l’aurait voté.
Pour terminer, les deux députés ont insisté sur l’importance d’encadrer par la loi, mais que cela n’empêchait pas des personnes de contourner la loi mais alors, c’est le rôle de la justice.
Sur le délai annoncé de deux ans pour arriver à l’adoption d’un texte, Olivier Falorni a répété que ce n’était pas entendable et qu’il n’en était pas question pour lui, même avec deux navettes parlement-sénat.
Yves de Locht a été très applaudi pour sa conclusion : « Un état qui autorise l’aide active à mourir gagne en humanité»