Débattre implique une définition claire des mots

La « fin de vie » est probablement le domaine où les mots sont les plus galvaudés. Hasard ou volonté délibérée de fausser le débat ?
Il nous semble important que « Le Choix » précise les principales définitions en ayant recours, si besoin, au dictionnaire, et que notre association choisisse les mots qui lui semblent les plus vrais, les moins ambigus parmi ceux qui sont couramment employés, les plus impartiaux aussi. Enfin les mots qui ont le plus de chance d’être choisis pour la rédaction de la future loi.

Commençons par les plus utilisés et les plus galvaudés

Euthanasie

Étymologiquement, ce mot est sans ambiguïté : « mort douce, mort sans souffrance » (Petit Robert, édit. 2018). Il exclut tout acte de violence. Mais ses détracteurs ont profité de la consonance d’une syllabe pour faire un amalgame grossier avec le mot « nazi, » faisant fi de la différence d’orthographe. Les nazis, que l’on sache, n’ont jamais été adeptes de la non-violence et du respect de l’autre, on le saurait. 

Conséquence :  le mot « euthanasie »  garde une réputation trouble dans l’esprit populaire. Faut-il le garder ? Certaines associations ont fait ce choix.

Comme le mot « euthanasie » a peu de chance d’être employé dans la rédaction d’une future loi (Pas plus que le mot « avortement » n’a été utilisé dans le texte de loi sur l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG)), Le Choix préfère lui substituer l’appellation d’Aide Médicale à Mourir (AMM), ou éventuellement d’Interruption Volontaire de Vie (IVV) , ou l’Aide Médicale Active à Mourir.

Tuer

Combien de fois a-t-on entendu employer au cours des débats le mot « tuer » pour évoquer l’Aide Médicale à Mourir ? Là encore le dictionnaire précise : « Tuer : faire mourir quelqu’un de mort violente » (Petit Robert). Et les synonymes sont éloquents : abattre, assassiner, occire, exécuter… 

Avec l’Aide Médicale à Mourir, nous sommes dans les sentiments inverses : la compassion, la lutte contre la souffrance, la complicité relationnelle. Qu’y a-t-il de commun entre le fait de « tuer » et la démarche altruiste qui répond à une demande clairement exprimée d’en finir avec une vie devenue insupportable ? Dorénavant, ce  mot « tuer » doit être exclu de tout débat sur la fin de vie.

Acharnement Thérapeutique ou Obstination déraisonnable

On parle d’acharnement thérapeutique lorsque les traitements infligés aux malades sont poursuivis alors qu’ils sont inutiles et disproportionnés. Cette  attitude fut longtemps soutenue par la médecine, la justice et les religions au nom du sacro-saint respect de la vie avec l’idée que « tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. » En 1995, le Code de déontologie médicale a pris position contre ces excès. L’acharnement thérapeutique est aujourd’hui condamné par la loi depuis la loi Kouchner 2002, confirmée par la loi Léonetti de 2005.

La tendance actuelle est de remplacer l’expression « Acharnement thérapeutique » par celle d’« Obstination déraisonnable. »  Est-ce un progrès ? Pas sûr, « Obstination déraisonnable »  paraît plus floue, moins médicale. 

Ce qui freine l’application de cette loi pourtant évidente est le maintien par le législateur de la loi sur la non-assistance à personne en danger. Cette ambiguïté du législateur met le thérapeute en porte-à-faux.  

Directives anticipées, ou Testament de vie, ou Dernières volontés ?

Aucune formule n’est parfaite pour traduire la nécessité pour chaque citoyen d’exprimer par écrit ce qu’il souhaite pour sa fin de vie. « Directives anticipées » est l’expression officielle, mais sa terminologie  imprécise a du mal à passer dans le langage populaire. « Testament de vie » est une formule plus explicite, le mot « testament » rappelant que l’écrit est révocable à tout moment, mais il évoque habituellement un acte post-mortem et non pré-mortem. Restent les « Dernières volontés pour ma fin de vie », expression peu utilisée car moins concise, et pourtant plus proche de la vérité. 

La loi Leonetti de 2005 rendait les Directives anticipées purement consultatives. La loi de 2016 les a rendues incitatives, à la condition que la demande entre dans le cadre de la loi. Une façon évidente de restreindre sa portée. Cela ne doit pas nous empêcher d’exprimer clairement ce que nous voulons (lien avec le documents Les Directives anticipées).

Personne de confiance.

C’est la personne que vous choisissez pour vous accompagner dans votre parcours médical et surtout celle surtout qui s’exprimera en votre nom si vous n’êtes plus en mesure de vous exprimer. Ce choix n’est pas obligatoire, il peut changer dans le temps, mais il est essentiel pour transmettre aux médecins vos souhaits concernant votre fin de vie.

Soins palliatifs

Soins palliatifs veut dire : « Soins donnés à des malades incurables, à des personnes en fin de vie. » (Petit Robert). « Palliatifs » s’oppose à « curatifs. » Mais le plus important n’est-ce pas le mot « soins » qui signifie « s’occuper du bien-être de quelqu’un. »  (Petit Robert). N’est-ce pas la responsabilité du médecin que d’assurer des soins quel que soit l’état du malade, et ce jusqu’à sa mort. Mort comprise. 

Aider Médicalement à Mourir, c’est-à-dire aider à partir sans souffrance, relève des soins que tout médecin doit assurer à son patient. Cela relève de sa responsabilité, mieux de son éthique. 

Il  existe dans notre pays une forte opposition des « palliativistes »  à toute idée d’aide médicale à mourir, contrairement à la Belgique où les soins palliatifs, largement accessibles à la population, sont parfaitement complémentaires de cet accompagnement médical du malade jusqu’à la mort.

Suicide assisté ou autodélivrance assistée ?

Le petit Robert définit  ainsi le mot « suicide » : « Action de causer volontairement sa propre mort pour échapper à une situation psychologiquement intolérable. » Or, dans certaines situations, la personne souhaite en finir avec la vie sans être dans une situation psychologiquement intolérable. D’où l’ambiguïté de ce mot. 

Même si l’expression « Suicide assisté » est passée dans le langage courant, le terme “Auto-délivrance assistée”  serait plus proche de la vérité. 

Chaque année en France, un grand nombre de nos concitoyens ( notamment quelque 3000 personnes âgées de plus de 65 an) se suicident, souvent de façon atroce (pendaison, coup de fusil, saut dans le vide ou sous un train), traumatisant leurs proches parfois pour des générations. Un dixième seulement  des suicides « doux » par ingestion de médicaments, aboutissent . 

 En Suisse tout citoyen helvétique peut légalement demander à bénéficier d’un suicide assisté dans certaines circonstances et moyennant une cotisation annuelle modeste. Des citoyens non suisses peuvent aussi être accueillis par des associations dont les « prestations » sont très coûteuses, et par là, très discriminantes. Les personnes qui assistent  les candidats  ne sont pas des médecins, mais leur équipe en compte toujours  au moins un.

Sédation terminale

La loi Claeys-Léonetti  a introduit en 2016 la notion de sédation terminale, dite sédation profonde et continue jusqu’au décès. Elle consiste en l’administration de morphiniques et de sédatifs à dose suffisante pour plonger le malade dans un coma, et ce jusqu’à la mort. 

Cette loi qui aurait pu se rapprocher d’une Aide Médicale à Mourir, ne nous satisfait pas pour plusieurs raisons :

– Ses indications sont extrêmement restrictives ce qui en limite considérablement la portée.

– En limitant le nombre de médicaments disponibles ainsi que les doses administrées, la loi actuelle prolonge inutilement l’agonie, pendant une période imprévisible, pouvant aller de plusieurs jours à plusieurs semaines.

– Enfin le fait d’imposer la restriction hydrique sous prétexte d’accélérer l’évolution est une absurdité médicale. Certes la déshydratation entraîne une insuffisance rénale terminale, mais après un délai imprévisible, de plusieurs jours à plusieurs semaines, un délai totalement inutile. Cette position fait partie du protocole de l’HAS (haute autorité de santé) texte largement inspiré par la Société française d’accompagnement et des soins palliatifs dont on connaît les influences religieuses. Vouloir dessécher un corps engendre des souffrances, difficiles à évaluer pour le malade, indiscutables pour la famille. Pour réduire le temps de l’agonie, il suffit de majorer la sédation terminale pour mettre au patient de s’endormir en douceur et rapidement. 

Une nouvelle loi respectant la liberté du citoyen et luttant contre toute souffrance est devenue une exigence de la société.   

Le serment d’Hippocrate

Combien de fois a-t-on entendu les opposants à toute nouvelle loi, brandir ce texte, prononcé par les jeunes praticiens devant leurs pairs, pour justifier l’interdiction faite aux  médecins d’aider leurs malades à mourir. 

Aujourd’hui Hippocrate pourrait accuser les rédacteurs du serment actuel de faux et usage de faux, car le texte a été maintes fois remanié et la version actuelle est assez éloignée du texte d’origine. Finie l’idée de placer « mes maîtres au rang de mes parents », fini  l’engagement de ne pas réaliser « certains gestes chirurgicaux et des avortements, fini… » Le texte adopté en 1996 par le Conseil de l’ordre n’a plus rien à voir avec l’original. Il est plus précis sur la lutte contre la souffrance (oubliant toutefois que la pratique médicale ne doit jamais en rajouter). Il manque enfin dans ce serment d’autres engagements importants, comme, par exemple, celui de ne pas faire fortune sur la souffrance des autres.

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