Fin de vie : Pourquoi trois associations ?
C’est une question que l’on nous pose souvent à propos des trois associations qui, en France, se sont donné pour but de faire changer la loi sur la fin de vie : l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) créée en 1980 ; « Ultime Liberté », créée en 2009 et, depuis 2018, « Le Choix-Citoyens pour une mort choisie ». Pourquoi se diviser quand il faudrait au contraire s’unir contre une opposition farouche et bien organisée. ?
Ces associations ont des objectifs communs : obtenir une loi permettant au citoyen d’exercer sa dernière liberté : choisir sa mort soit par une Aide Médicale à Mourir soit par le droit au Suicide Assisté. Toutes trois reconnaissent aux Soins palliatifs leur place, et déplorent que seulement un quart de la population y a accès. Mais toutes n’analysent pas les soins palliatifs de la même façon.
Il existe des divergences entre ces associations tant sur leur philosophie, que sur les moyens utilisés pour atteindre l’objectif et sur leur organisation interne.
L’ADMD est l’association la plus ancienne, créée en 1980.
C’est la plus connue, la plus puissante financièrement et en nombre d’adhérents. C’est la seule qui rémunère des permanents. Depuis dix ans elle a été présidée par Jean-Luc Romero, bien introduit auprès des médias et du monde politique. Depuis octobre 2021, Jonathan Denis est le nouveau président de l’association.
Nombre de militants ont quitté l’ADMD au cours des dernières années pour diverses raisons : organisation trop hiérarchique, difficulté d’infléchir la position officielle, ostracisme vis-à-vis des soignants ayant entraîné le départ de nombreux médecins ; enfin un côté timoré dans l’action, ce qui l’a empêchée d’être présente lors de plusieurs procès médiatisés.
Elle a suscité la création en son sein de plusieurs mouvements dissidents dont le collectif Pour une mort sereine, né à l’occasion de l’Assemblée extraordinaire de septembre 2015 à Annecy. Certaines modifications de statuts proposées ont été considérées comme inacceptables par de nombreux adhérents. (Voir site Pour une mort sereine).
Les deux autres associations, Ultime Liberté et Le Choix, se sont constituées avec une majorité de dissidents de l’ADMD.
Ultime Liberté a été créée en 2009 par le docteur Jean Guillot et l’ancienne présidente Claude Hury (qui fut secrétaire générale de l’ADMD), remplacée à la présidence lors de l’AG d’octobre 2021 par Josyane Abtroun et Patrice Bernardo.
Ultime Liberté affiche sa volonté d’obtenir pour toute personne majeure et capable la reconnaissance juridique de :
- La liberté de disposer de sa personne, de son corps, et de sa vie, et donc de se donner la mort
- La liberté de choisir le moment, le lieu et les modalités de sa mort reconnue par une loi incluant le suicide assisté ou l’euthanasie volontaire lorsque l’intéressé se trouve dans un état où il ne peut plus communiquer et qu’il a écrit ses directives anticipées
- La facilité d’accès aux produits létaux dans des conditions de sécurité pour tous précisées dans le cadre d’une loi reconnaissant la liberté de la personne de se donner la mort.
Pour rappel des perquisitions avaient été effectuées auprès d’une centaine de ses militants, cette vaste opération n’avait pas fait la une des médias et n’avait pas soulevé beaucoup d’émotion. Certaines personnes perquisitionnées ont ensuite été mises en examen.
Alors pourquoi créer « Le Choix-Citoyens pour une mort choisie » ?
Un peu d’histoire.
Initialement l’association a été créée pour soutenir deux pétitions, celles de Nathalie Debernardi et de Marie Godard, réunies en 2018 pour totaliser à ce jour plus de 500.000 signatures. Néanmoins, une fois ce chiffre atteint, le CESE (la troisième instance de l’État) n’a pas jugé bon de prendre à son compte la teneur de leur pétition pour la transmettre au gouvernement, estimant les avoir déjà auditionnées auparavant. Autrement dit, une pétition importante, réussie, mais sans portée au niveau gouvernemental.
L’association s’est rapidement développée mais les statuts initiaux rigides, créés dans l’urgence, ont peu à peu suscité un malaise profond, et les adhérents ne voulaient pas voir se reproduire les travers rencontrés dans d’autres associations
Un fonctionnement démocratique. C’est l’un de nos objectifs : des coprésidences, des coresponsables, le plus grand nombre possible de participants, un travail collectif, des représentations régionales ayant une autonomie administrative et financière et une clarté parfaite de la trésorerie.
Pourquoi le Choix ?
En plus de notre point commun avec les autres associations sur la nécessité d’obtenir une loi sur l’Aide Active à mourir, nous revendiquons un certain nombre de points originaux :
- Philosophique tout d’abord. Nous estimons que l’objectif principal de la future loi n’est pas tant un problème de dignité mais de liberté. La dignité peut être revendiquée par des philosophies très différentes, voire opposées. Pour nous l’essentiel est la liberté de choisir sa fin de vie. C’est une affaire personnelle, où les souhaits des uns ne doivent pas s’imposer aux souhaits des autres.
Nous exigeons que la future loi sur l’Aide médicale à mourir respecte les points suivants :
- Un choix ouvert entre l’Aide médicale à mourir (présence d’un médecin pour le geste létal) et le suicide assisté (le malade étant maître du geste).
- Nous refusons la notion de stade « avancé » quand il s’agit d’une maladie grave et incurable, les malades doivent avoir le droit de demander l’aide à mourir lorsqu’ils le décident.
- Nous récusons l’exigence de douleurs incontrôlables pour avoir droit à l’Aide active à mourir.
- Nous estimons que l’avis de deux médecins dans la décision collégiale de l’Aide médicale à mourir est un maximum. Nous souhaitons que l’avis de la personne de confiance soit pris en compte
- Tout en soutenant le développement des soins palliatifs nous en réclamons un changement radical d’orientation. Nous estimons que la Société Française d’accompagnement et de soins palliatifs(SFAP) a des positions sectaires qui entravent considérablement le choix des citoyens. Pour nous Aide active à mourir et soins palliatifs sont complémentaires et font partie d’une même entité. Nous insistons aussi sur plusieurs orientations que devraient prendre les soins palliatifs :
- La formation obligatoire des soignants, médecins et infirmier(e)s aux soins palliatifs, car il est de l’éthique des médecins d’accompagner leurs malades jusqu’à leur mort et non de s’en décharger sur des unités spécialisées.
- Nous donnons la préférence aux unités mobiles sur les services fermés qui ne nous semblent pas toujours l’idéal.
- Nous réclamons l’augmentation importante de lits destinés aux soins palliatifs au sein même des services de médecine existants.
- Nous demandons également une refonte de la loi sur la sédation profonde et continue jusqu’au décès.
Là encore fidèle à notre philosophie de respecter le choix de chacun, nous respectons le choix de ceux qui hésitent à demander une aide médicale à mourir mais ne souhaitent pas vivre une agonie prolongée et douloureuse. Cela sous-entend un élargissement des indications de la sédation profonde et continue, ainsi qu’une réforme radicale de la méthodologie proposée par la Haute autorité de santé (HAS). Nous refusons le principe proposé aujourd’hui de la déshydratation du corps, méthode barbare et inutile, et souhaitons que les malades bénéficient de la perfusion de doses importantes de morphinique et de sédatifs avec l’objectif d’obtenir une agonie brève et humaine.
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L’association Le Choix-Citoyens pour une mort choisie n’entend pas seulement manifester son originalité par son seul fonctionnement démocratique, ou par ses positions originales, mais aussi par ses actions. Elle souhaite intervenir à tous les niveaux : auprès des hommes politiques, mais aussi des soignants dont la participation nous semble essentielle
Contrairement à d’autres associations, Le Choix ne manifeste aucun ostracisme vis-à-vis des médecins. Bien au contraire l’association est convaincue qu’ils auront de toute façon un rôle important à jouer. Dès à présent, Le Choix a décidé de préparer l’aménagement de la future loi en mobilisant des médecins au niveau national. Un grand projet original que nous avons à cœur de mener à bien.
Enfin nous souhaitons développer des actions communes avec les autres associations qui le souhaiteront, telle que l’Appel que nous avons co-signé en mars 2020 avec Ultime Liberté et Pour une mort Sereine.