Douze points développés en une vingtaine de pages. La Congrégation pour la doctrine de la foi a publié, mardi 22 septembre, un document dense sur la fin de vie. Intitulé « Le bon Samaritain, sur le soin à apporter aux personnes en phase critique et terminale de la vie », le texte ne change pas la doctrine mais précise les positions sur l’euthanasie et le suicide assisté exprimées par l’Église catholique depuis 1980. Précisions rendues nécessaires par les débats récents sur ces pratiques, allant dans certains pays jusqu’à leur légalisation.
La Congrégation se prononce très clairement, et pour la première fois en ces termes, contre l’acharnement thérapeutique. L’exclusion de tout acharnement relève même, à ses yeux, d’une « obligation morale ». « Dans l’imminence d’une mort inévitable, il est donc licite, en science et en conscience, de prendre la décision de renoncer à des traitements qui ne feraient qu’entraîner une prolongation précaire et douloureuse de la vie », indique la Congrégation.
Si le texte est, par définition, de portée générale, ses auteurs font, sans jamais les citer explicitement, allusion à des débats récents, notamment ceux survenus en Belgique ou en France. La Congrégation confirme par exemple que les hôpitaux s’affichant comme « catholiques » ne peuvent se prévaloir de ce titre s’ils pratiquent l’euthanasie ou le suicide assisté. Le Saint-Siège a récemment interdit à l’organisation qui gère les œuvres sanitaires des Frères de la charité de Belgique de se prévaloir du titre d’hôpitaux « catholiques ».
Un paragraphe complet est consacré à la situation des personnes en état végétatif et de conscience minimale, comme l’était Vincent Lambert, mort en juillet 2019 à Reims après dix années de bataille judiciaire. « Il est toujours totalement trompeur de penser que l’état végétatif et l’état de conscience minimale, chez les sujets qui respirent de façon autonome, sont le signe que le patient a cessé d’être une personne humaine avec toute la dignité qui lui est propre », affirme le texte.
Ces patients, ajoutent les auteurs, ont droit « à l’alimentation et à l’hydratation », que la Congrégation considère comme des « soins de base ». Cependant, elle admet que « dans certains cas (la nutrition et l’hydratation artificielles) peuvent devenir disproportionnées », notamment lorsqu’elles engendrent des « souffrances inacceptables pour le patient ».
En entrant autant dans les détails, la Congrégation esquisse un équilibre entre interdiction de l’euthanasie et condamnation de l’acharnement thérapeutique. Mais elle ne s’arrête pas à la recherche de cette ligne de crête, en tranchant explicitement des questions sur la conduite à tenir dans les pays où euthanasie et suicide assisté sont autorisés.
C’est le cas du point très délicat de l’accompagnement spirituel des personnes ayant fait le choix d’abréger leur vie. Sur ce point, la doctrine est claire, affirme l’Église catholique : ceux qui ont fait un tel choix ne peuvent recevoir le sacrement de réconciliation, et donc les derniers sacrements. Il s’agit là, selon la Congrégation pour la doctrine de la foi, d’« une personne qui, au-delà de ses dispositions subjectives, a fait le choix d’un acte gravement immoral et y persévère librement ». « Il pourra recevoir ces sacrements lorsque sa volonté de prendre des mesures concrètes permettra au ministre (au confesseur, NDLR) de conclure que le pénitent a changé sa décision. » Et donc de renoncer à toute euthanasie ou suicide assisté.
Si la Congrégation encourage une écoute spirituelle, elle estime cependant qu’il n’est « pas acceptable de la part de ceux qui assistent spirituellement ces malades de faire un quelconque geste extérieur qui puisse être interprété comme une approbation de l’euthanasie, par exemple rester présent au moment de sa réalisation. » Là encore, une allusion à certains pays comme la Belgique, où certains prêtres ont mis au point des cérémonies d’adieu, au moment de la réalisation de l’euthanasie. « Une telle présence, tranche la Congrégation, ne peut être interprétée que comme une complicité. »
Source :
« La Croix » Loup Besmond de Senneville – 22.09.2020