« Nous considérons qu’il n’y a pas de droit à la mort, ni sur le plan éthique ni sur le plan juridique » et l’euthanasie ne devrait jamais être considérée comme un service public, affirme le Comité espagnol de la Bioéthique. Cet organisme consultatif relève des ministères de la santé et des sciences. Dans un rapport approuvé le 30 septembre dernier, le Comité préconise de mettre plutôt l’accent sur les soins palliatifs, et d’élargir les possibilités « sédation palliative », temporaire ou définitive, pour les cas de « souffrance existentielle réfractaire », où les traitements disponibles seraient insuffisants. L’objectif étant de « soulager la souffrance ».
Dévalorisation de la vie humaine
Le rapport estime que légaliser l’euthanasie serait « entamer un chemin de dévalorisation de la protection de la vie humaine dont les frontières sont très difficiles à prévoir ». Ce ne serait « pas un signe de progrès », mais plutôt, explique Federico de Montalvo, président du comité de bioéthique, « un pas en arrière dans la civilisation », notamment dans le contexte actuel où « la valeur de la vie humaine est souvent conditionnée par des critères d’utilité sociale, d’intérêt économique, de responsabilités familiales et de charges ou dépenses publiques ».
Le document met également en garde contre le « risque de pente glissante », à la fois chez les patients qui pourraient se laisser convaincre que c’est leur seule solution, et pour l’ensemble de la société, tentée de réduire ainsi les coûts de santé. « Répondre par l’euthanasie à la ‘dette’ contractée auprès de nos aînés (…) ne semble pas être la véritable voie vers laquelle nous appelle une éthique de soins, de responsabilité, de réciprocité et de solidarité intergénérationnelle ».
Loi inconstitutionnelle
Dès le lendemain de la publication du rapport du Comité de Bioéthique, 160 experts juridiques ont averti publiquement le gouvernement qu’une loi dépénalisant l’euthanasie en Espagne serait « inconstitutionnelle ». Ce manifeste, signé par 82 professeurs, 74 professeurs titulaires et six membres de diverses académies juridiques, réclame le retrait immédiat du projet de loi proposé par le Parti Socialiste en janvier dernier. Il explique que l’initiative « constitue une menace sérieuse pour la sécurité des personnes les plus âgées et les plus malades de la société ». L’euthanasie est « contraire à la dignité de la personne humaine et aux droits les plus fondamentaux qui lui sont inhérents, garantis par la Constitution et le droit international des droits de l’homme », explique le manifeste. Ce projet de loi est donc « contraire aux articles 10, 14, 15, 43.1, 49 et 50 de la Constitution espagnole, qui protègent la dignité de toute personne humaine et ses droits inaliénables à l’égalité et à la non-discrimination, à la préservation de la vie elle-même et à la protection de la santé même lorsqu’elle peut être réduite, et surtout lorsqu’il s’agit de handicaps physiques, sensoriels et psychologiques ou de citoyens dans leur vieillesse ».
« Ce qui s’est passé au cours des mois de la pandémie actuelle, peut-on également lire dans le manifeste, a rendu encore plus évident le devoir de consacrer le plus grand effort aux soins et à l’attention des personnes âgées et gravement malades, et de veiller sur leur vie sans aucune restriction », insistent les experts, ajoutant qu’ « on ne peut pas laisser cette loi aller de l’avant, en donnant l’impression que toute la société est d’accord ».
Sources :
El Pais, María Sosa Troya 09/10/2020 – ABC, Laura Daniele 09/10/2020