André Ledoux
Gérontologue et président du conseil d’administration de l’Observatoire Vieillissement et Société
C’est un pur truisme de dire que la pandémie a porté un dur coup aux aînés. Est-il nécessaire de revenir sur ce qui s’est odieusement passé dans les CHSLD et dans les résidences pour personnes âgées ? Les aînés, les « vieux », ont souvent été malmenés, voire ostracisés, avec peu de raisons justifiables. Qu’ont-ils de moins dans notre société, sinon cette faible considération qu’on leur porte parfois ? Comme ceux des autres générations, ils ont dû, eux aussi, vivre normalement en composant avec les mesures sanitaires. Rien de moins.
Souvent privés de l’estime de plusieurs, ils arrivent à faire fi, sans doute en raison de leur résilience et de leur conscience, de certaines attitudes parfois désobligeantes. Il serait déplacé et disgracieux de prétendre, de façon éhontée, que les aînés vivent aux crochets de la société, sans reconnaître vraiment leur contribution humaine, sociale et économique.
D’après les informations gouvernementales canadiennes, les personnes de 50 ans et plus paient davantage d’impôts que les personnes plus jeunes, sans oublier les nombreuses taxes. Leur consommation en biens et services s’élèverait à 20 milliards de dollars par année. Près du tiers des personnes de plus de 70 ans apportent un soutien pécuniaire à leurs petits-enfants. De plus, par leur fréquentation d’espaces publics (centres commerciaux, restaurants, etc.), sans omettre leurs « escapades » et voyages, elles constituent un moteur important de la vie économique. A-t-on besoin d’être encore plus explicite ?
Certains prétendent en oubliant qu’ils auront eux aussi un jour cet âge vénérable que les aînés coûtent cher au système de santé. Il faudrait y voir de plus près. Qu’ont-ils à voir, ainsi, avec le coût astronomique de la technologie médicale et la hausse vertigineuse des coûts des médicaments, si profitable à l’industrie pharmaceutique et grugeant le budget du gouvernement ? Sans parler de la rémunération des médecins. Comment ces jeunes détracteurs pensent-ils qu’on puisse prolonger la vie (et particulièrement la leur le moment venu) sans prévoir des mécanismes de recherche ou de soins, qui leur serviront un jour à eux aussi ?
Et que dire de l’engagement social des aînés, de leur potentiel humain ? Croire que les personnes âgées sont rivées à la maison constitue une ineptie, une grave erreur d’appréciation de leurs compétences et de leur expérience. En effet, la moitié des personnes de 55 ans et plus font partie d’une association au Québec. À elle seule, la FADOQ compte près de 550 000 membres ; l’Association des retraités de l’enseignement du Québec, 57 000 membres ; et l’Association québécoise de la défense des droits des retraités, environ 40 000 membres. Le mouvement associatif est une force qui dépasse la simple couleur des cheveux ou les mains tavelées.
Les aînés font aussi beaucoup de bénévolat. Plusieurs demeurent présents dans les services à la population, que ce soit dans les établissements de santé, les bibliothèques publiques ou les associations caritatives. Au Québec, les chiffres sont plutôt éloquents : près de 2,5 millions de personnes (dont un bon nombre de personnes âgées) consacrent plus de 400 000 heures au bénévolat, ce qui représente (selon un ratio hypothétique de 10 $/l’heure) la rondelette somme de 4 millions de dollars annuellement.
Les transferts intergénérationnels sont aussi une marque distinctive des personnes aînées, notamment en ce qui a trait au transfert des connaissances que l’on peut observer dans plusieurs domaines, notamment par l’aide apportée à la famille et les conseils judicieux prodigués aux proches. Les transferts financiers ne sont pas non plus à dédaigner, par des legs ou des héritages.
Au cours des deux dernières années, les « vieux » ont souffert d’âgisme, de discrimination marquée en fonction de leur âge. Le temps est venu de les écouter en leur laissant la parole, individuellement ou à travers les divers mouvements associatifs. Ils ne sont pas un poids pour la société ; bien au contraire, ils sont une richesse qui mérite d’être reconnue.
Source :
« Le Devoir » – 02.03.22
Commentaire d’Yvon Bureau (membre du Comité d’honneur du Choix) :
« Je suis VIEux. 77 fois
Quand je demande à un de mes petits-fils, quel âge j’ai : sa réponse est toujours la même : Beaucoup!
Gratitude, monsieur Ledoux, pour cet écrit.
En bref, continuons de rouspéter à chaque fois que les gens utilisent l’expression «NOS aînés».
À nous, les VIEux, agissons pour que nous vivions éclairés et libres ET que nous terminions notre vie, éclairés et libres. Pour que nous soyions au centre et au coeur des informations et des décisions nous concernant au plus haut point. Augmentons magistralement notre SÉRÉNITÉ en réglant par écrit nos DIRECTIVES de fin de vie. Ces directives sont des actes de grand amour de soi, des proches et des soignants ainsi que DES ACTES de haut civisme.
Aussi augmentons toutes nos santés en vivant la solidarité et notre ressenti profond de notre utilité. »
Je viens d’entendre ce jour 9 mars 2022, il y a quelques minutes, qu’en raison de la situation actuelle la loi sur l’AIDE MEDICALE A MOURIR ne serait encore pas inscrite à l’ordre du jour. ECOEURANT et LACHE !
Depuis des décennies, l’on entend et lit que le sujet n’est pas d’actualité… Pourtant femmes et hommes continuent de mourir, parfois mal, très mal. Lorsque la loi Veil a été votée, toutes les femmes ne se sont pas précipitées pour avorter, mais elles en ont eu la possibilité sans recourir à des « faiseuses d’ange » ou partir à l’étranger pour les plus chanceuses. Il est grand temps que le pays des droits de l’homme légifère pour éviter les suicides violents de personnes en détresse ou – pour les plus nantis et mieux informés – ne partent à l’étranger bénéficier d’une mort douce et sereine. Rappelons-nous la devise de la France : Liberté, Egalité, Fraternité !