30 septembre Réactions au texte du Dr Patrick Mongeard :
Courrier des lecteurs publié sur Le Quotidien du Médecin :
N’étant pas « professionnel/le de la santé »…je ne peux malheureusement réagir à ce texte directement sur le journal.
1. J’avoue enrager quand je lis ce qui est dit sur les directives anticipées et le rôle de la personne de confiance…dont le poids à toutes les deux est minime actuellement vis-à-vis du corps médical.
2. J’avoue être écœurée quand je lis ce qui est écrit sur les aides à mourir en Belgique…je ne suis pas médecin mais ai assisté à nombre de « départs choisis » et je sais le respect que le médecin a de son patient, l’émotion ressentie par le médecin et l’engagement que cela représente ! Tout comme je me souviens des remerciements des personnes aidées à mourir sereinement par ces mêmes médecins.
3. Un médecin peut être opposé à donner l’aide médicale à mourir, je peux le comprendre et le respecte … mais relayer de fausses informations NON !
Nathalie Andrews – coprésidente du Choix
Vers un droit à donner la mort ?
Membre du bureau du groupe éthique des hôpitaux de mon département des Hautes-Pyrénées, il est de mon devoir de pousser à la réflexion afin de réagir au futur projet de loi sur l’euthanasie. Mieux vaut tard que jamais. Le « droit à mourir dans la dignité » nous dit-on ? Méfions-nous, au regard de l’évolution des mentalités et des règles de moralité, que ce droit à mourir ne devienne, tôt ou tard, un « droit à donner la mort ». Le plus étrange, dans ce futur débat, c’est qu’aucune information, à ce jour, ne soit donnée sur les lois Claeys-Leonetti. Mon expérience du terrain, loin des sphères administratives et ministérielles me permet d’affirmer la méconnaissance quasi générale, pour un large public, des DIRECTIVES ANTICIPEES permettant, à tous ceux qui le souhaitent, de mourir dans une vraie dignité. Qui plus est, chacun peut, quand il le désire, les modifier. Il y a aussi la possibilité de désigner, si besoin, la personne dite « de confiance ».
Globalement, si les personnes qui nous gouvernent mettaient autant de ferveur et de zèle à informer les patients sur ces lois Claeys-Leonetti, comme elles le font pour les vaccins Pfizer, il est clair que bon nombre de gens se poseraient alors la question de la pertinence d’une future loi sur l’euthanasie.
Pour avoir personnellement assisté en direct et avec d’autres confrères médicaux et paramédicaux à un acte d’euthanasie visionné depuis la Belgique, j’avoue que « le mode opératoire » (j’allais écrire « exécution ») réalisé dans un temps record de quelques secondes par les deux médecins présents, est insoutenable et ne ressemble en rien à « un droit à mourir dans la dignité ». Quelques-uns d’entre nous, blêmes, ont quitté la salle, certains en vomissant et la plupart en affirmant « jamais ça de la part d’un médecin normalement constitué ».
J’avoue ici avoir moi-même aidé les personnes en fin de vie qui l’avaient décidé, à mourir doucement et calmement dans le strict respect des lois en vigueur dans notre pays. C’est tout à fait possible mais cela prend du temps, de l’énergie, et une bonne dose d’humanité. C’est la moindre des choses et un devoir moral quand on exerce notre métier. À défaut, cela pourrait ressembler à de la médecine vétérinaire ( et je pèse mes mots).
Il semblerait, fort heureusement, que les règles soient différentes en Suisse. Le plus inquiétant est que ce dossier serait d’ores et déjà soumis à l’avis des « fameux » cabinets de Conseil afin que nos responsables du ministère le fassent valider par le non moins fameux Conseil Constitutionnel : « Vous avez dit conflit d’intérêts ???.»
Médecin je suis, médecin je resterai, fier du serment d’Hippocrate, quoiqu’il m’en coûte, y compris celui du droit de désobéir si ma conscience me l’ordonne. À bon entendeur …
Dr Patrick Mongeard, Médecin Spécialiste MPR, Arrens-Marsous
Voici la réaction du Dr belge Yves de Locht – membre du comité d’honneur du Choix – à la suite du texte paru ce matin (courrier des lecteurs) dans Le Quotidien du Médecin :
Très étonné, souvent stupéfait et même parfois écœuré en lisant les propos du docteur Patrick Mongeard, médecin spécialiste MPR.
Mon confrère prétend avoir assisté et visionné depuis la Belgique à un acte d’euthanasie: je lui demande de m’envoyer « la vidéo de cette exécution… » comme il le prétend.
Je souhaite l’inviter à une euthanasie pratiquée en Belgique.
Reprenant une de ses phrases: » jamais ça de la part d’un médecin normalement constitué….. », je me permets de lui répondre en quelques lignes rapides.
Si le docteur Mongeard a le courage de me lire, aura-t-il l’amabilité de me dire si je suis normalement constitué?
Après une euthanasie , je me pose encore souvent la question : ai-je bien fait?
Cette question revient insidieusement se glisser dans mon esprit après chaque
euthanasie.
Une fois que je suis loin de la chambre du malade qui vient de nous quitter, quand je me retrouve seul avec mes pensées et mes questions ( mais sans aucune envie de vomir ), je sais que je n’ai fait que répondre à la demande d’une femme ou d’un homme en très grande souffrance qui n’aspirait plus, qu’à une seule chose, mettre fin à son calvaire.
Donner la mort ne sera jamais un acte médical tout-à-fait comme un autre , mais j’assume parfaitement ce que je fais et pourquoi d’ailleurs devrais-je en avoir honte?
Médecin, oserais-je dire à ces nombreux patients français atteints de maladies très graves sans aucun espoir de traitement ou de guérison:
Revenez l’année prochaine, vous n’avez pas encore assez souffert et vous pouvez encore vivre quelques années dans cet état là!
J’ajouterai qu’ils sont de plus en plus nombreux à venir nous voir, de très loin souvent, et parfois même en ambulance.
Ces patients me disent souvent « docteur que suis-je devenu, j’existe encore mais je ne vis plus, je suis grabataire etc…
Médecin ,mon patrimoine éthique et mon authentique fraternité m’engage à répondre à leur demande.
Ils quittent mon cabinet soulagés et au moment de l’euthanasie :ils me disent merci.
Je me sentirai plus humain, j’aurai respecté, honoré et accompagné mon patient jusqu’au bout.
Les visages apaisés, de ceux qui partent, les regards, tristes mais reconnaissants, des proches soulagés que ce départ ait pu se faire dans les meilleures conditions, je n’en ai absolument pas honte.
Bien au contraire, ces sourires, ces remerciements sont pour moi la preuve que oui, j’ai bien fait.
Bien à vous.
Dr Yves de Locht – Bruxelles (membre du comité d’honneur du Choix)
Voici une autre réaction au texte du Dr Mongeard et à celui du Dr de Locht…cette fois-ci venant du Québec !
Chère Madame Andrews,
Je ne peux que souscrire entièrement aux propos du Dr de Locht, empreints de cette humanité que l’on aimerait tant retrouver chez certains confrères qui semble incapables de se mettre à la place des patients souffrants (l’empathie) et de les écouter avec leur coeur (la compassion).
Il n’est pas vrai que la médecine guérit tout, c’est un sophisme de le répéter.
Pas plus qu’il n’est vrai que la médication et les soins palliatifs ont réponse à tout, en particulier la souffrance psychologique et existentielle.
Et pour avoir donné le soin de l’aide médicale à mourir (AMM) à une centaine de patients depuis la mise en vigueur de la loi au Québec (décembre 2015) et au Canada (juin 2016) sur le modèle de la loi belge, je ne peux que confirmer les dires du Dr de Locht :
« Les visages apaisés, de ceux qui partent, les regards, tristes mais reconnaissants, des proches soulagés que ce départ ait pu se faire dans les meilleures conditions, je n’en ai absolument pas honte. Bien au contraire, ces sourires, ces remerciements sont pour moi la preuve que oui, j’ai bien fait. »
C’est la même expérience qui se répète à chaque fois : le soulagement et la reconnaissance totale du patient avant l’injection, la reconnaissance des proches en dépit de la tristesse de la perte.
Il ne faut jamais perdre de vue qu’il s’agit pour les patients d’un long processus, réfléchi, pesé et soupesé, discuté avec les proches. Et juste avant le début du soin, la loi nous oblige à redemander au patient si c’est bien son désir. Et vous devriez, Dr Mongeard, ne serait-ce qu’une fois, constater le soulagement, la gratitude, la reconnaissance qui apparaissent dans le regard du patient lorsqu’il confirme sa décision.
De comparer ce soin et ce geste ultime de compassion à une exécution est une insulte et une injure non seulement pour les médecins qui offrent cet ultime soin, mais une négation paternaliste irrévérencieuse, arrogante et surtout à l’opposé de la réalité: personne n’a jamais demandé à être exécuté, mais tous ceux qui ont bénéficié de l’aide médicale à mourir l’ont fait après un long processus de réflexion, volontaire, éclairé, en toute connaissance de cause.
La parallèle des discussions des années 70 et 80 sur la légitimité ou non de l’IVG devrait apparaitre clairement à tous les opposants. Que les dogmes religieux de certains les empêchent de regarder cette question est en soi légitime, mais nul ne peut imposer ses croyances à qui que ce soit.
J’ajoute que je n’ai jamais vu des proches « vomir » devant ces situations alors qu’ils sont touchés de près…Pleurer, certes, mais vomir ???
Et la même chose s’applique aux soignants qui nous accompagnent parfois (infirmier/ère, travailleur social).
L’outrance du propos (des soignants qui vomissent en regardant une video ???…) diminue la portée (la véracité ?) du reste du message.
Personne n’oblige un médecin ou un soignant (IPS – infirmière praticienne spécialisé au Canada hors-Québec) à prodiguer ce soin ultime moral, légal, éthique, compassionnel. Mais reconnaissez au moins la légitimité de procéder à ceux/celles qui accompagnent leurs patients de le faire d’une façon noble et humaniste.
Et surtout reconnaissez que cela n’enlève absolument rien à tous les praticiens qui continuent de donner des soins de qualité pour guérir ou soulager leurs patients de tous les écueils de santé qui peuvent se produire dans une vie, ce qui est notre raison de vivre ou tout au moins de pratiquer cette magnifique profession: l’aide médicale à mourir n’en est que le prolongement ultime.
Et je termine en citant le verbatim de la conjointe d’un patient (AMM à domicile) :
Merci encore de nous avoir supportés et de nous avoir aidé à émerger du cafouillis que nous avons vécu durant presque 3 mois après la demande d’aide médicale à mourir de Daniel. (Après vous avoir rencontré) nous avons pu avoir par la suite 4 semaines où on a pu vivre avec Daniel, notre famille et nos proches, enfin de la sérénité. (…)
Nous vous en serons éternellement reconnaissant, et vous garderez dans notre coeur une place privilégiée. Merci à la vie de vous avoir mis sur notre route.
Daniel a été malchanceux depuis presque le début de sa vie, il a combattu pour que cette vie soit quand même extraordinaire, mais les dernières semaines, et particulièrement la dernière journée ont enfin réparé ce mauvais karma.
Daniel est maintenant en paix, et nous aussi.
Et un extrait d’une lettre d’une dame, lettre qui me fut donnée à titre posthume quelques minutes après son décès (AMM à domicile), mais qu’elle avait elle-même écrite:
« Je tiens à vous remercier du fond du coeur pour m’avoir permis de mourir dans la dignité, mon souhait le plus cher. (…) Vous m’avez entendue, supportée et suivie dans ma démarche. Et votre chaleur, votre écoute et votre grande disponibilité ont grandement facilité un passage qui reste malgré tout anxiogène et douloureux. »
Georges L’Espérance, Neurochirurgien Président de l’AQDMD
(membre du comité d’honneur du Choix)
30 septembre