La Convention citoyenne sur la Fin de vie a conclu que le cadre actuel d’accompagnement de fin de vie devait évoluer et s’est prononcée massivement pour deux choses : le développement des soins palliatifs ET l’ouverture de l’aide à active à mourir (à 75%).

L’expression de cette volonté n’est pas une réelle surprise pour ceux qui luttent depuis longtemps pour que ces droits soient enfin reconnus en France comme ils le sont dans une bonne partie de l’Europe, tant les sondages convergent en ce sens. Mais qu’elle le soit de façon si explicite, par 184 citoyens tirés au sort, qui se sont informés, qui ont auditionné une soixantaine d’experts et débattu pendant 27 jours, la rend désormais (espérons-le !) incontournable. D’autant qu’on ne pourra pas dire que les experts auditionnés aient pu orienter et fausser l’exercice : ils étaient en grande majorité des partisans du statu quo. Et malgré nos demandes répétées, Le Choix n’a pas été auditionné et la Convention n’a rencontré aucun médecin français clairement partisan de l’aide active à mourir (AAM).

Les participants à la CCFV
Les participants à la CCFV

Les arguments de contournement trop souvent exprimés par nos gouvernants et parlementaires ne seront donc tout simplement plus acceptables : « le pays n’est pas prêt », « ce n’est pas le bon moment », « il ne faut pas heurter les consciences ni cliver les Français qui ont tant besoin d‘être rassemblés », « c’est un sujet si difficile », etc… 

Remise du rapport de la CCFV au Président Macron
Remise du rapport de la CCFV au Président Macron

Le rapport final que la Convention citoyenne a remis au gouvernement et présenté à l’Elysée le 3 avril est copieux. Car il s’est attaché à rendre compte scrupuleusement de toutes les positions qui se sont exprimées, y compris les positions minoritaires, comme celles des conventionnels fermement opposés à l’aide active à mourir (23,2%) ou, à l’autre extrême, celles des conventionnels partisans d’une AAM sans aucune condition (14,7%). 

Contrepartie de sa richesse et du sérieux de la réflexion, le rapport peut paraitre un peu difficile à lire, car les citoyens ont été loin dans leurs délibérations : ils ont formulé jusqu’à 67 propositions et ont dessiné 19 « parcours d’accompagnement et de soins global », selon que prévale le suicide assisté ou l’euthanasie et selon les conditionnalités retenues.

Pour aller à l'essentiel, quels sont les points forts à retenir concernant l'AAM ?

La Convention a fait émerger une position majoritaire : la nécessité de mettre en place à la fois le suicide assisté et l’euthanasie dans la mesure où le suicide assisté seul ou l’euthanasie seule ne peuvent répondre à l’ensemble des situations rencontrées.

Pour les membres de la convention c’est la volonté du patient qui doit en priorité être prise en considération, même si elle diverge de celle du médecin. La demande peut être exprimée directement par le patient, ou s’il n’est plus en état de s’exprimer, elle peut l’être par la personne de confiance.

Concernant les conditions d’accès à l’AAM, les membres de la convention ont argumenté de façon approfondie toutes les options envisageables en fonction des critères pris en compte : incurabilité, pronostic vital engagé, souffrances physiques réfractaires, souffrances liées aux maladies psychiatriques, souffrances psychiques et existentielles. Les critères d’incurabilité et de souffrances réfractaires sont jugées prioritaires, mais la Convention ne fait pas du pronostic vital engagé une condition décisive d’accès à l’AAM.

Les débats à la CCFV
Les débats à la CCFV

La lecture du rapport de la Convention appelle néanmoins à rester vigilants dans les suites qui seront données à ces propositions citoyennes : celle des modalités concrètes de mise en œuvre de l’AAM. Car, soucieuse de prévenir des dérives potentielles, la Convention en vient à définir des mécanismes de contrôle non seulement a posteriori mais également à priori qui jalonneraient chaque étape du parcours de fin de vie. Notamment, la procédure d’évaluation du discernement et de prise en compte de la demande d’Aide active à mourir s’avère particulières lourde et complexe (pages 84 à 86 du rapport). En particulier, on peut s’étonner de la proposition visant à soumettre la validation de la réalisation de l’acte à une procédure collégiale et pluridisciplinaire composée uniquement de professionnels (médecins, psychologues assistante sociale …) et de laquelle la personne de confiance du malade semble exclue. Si l’objectif de sécuriser les personnes et les soignants est tout à fait justifié, les modalités esquissées dans le rapport peuvent rapidement se transformer en autant d’obstacles à l’accès à l’AAM. Et il ne faudrait pas que les frilosités de la classe politique associées aux oppositions répétées des institutions médicales (CCNE, Ordre des médecins, SPAF) finissent par refermer le chemin que la Convention a clairement ouvert pour la création d’un nouveau droit.

Débats à la CCFV
Débats à la CCFV

Les doutes du président de la République dont la presse s’est faite encore abondamment l’écho, et sa volonté de « trouver un modèle français pour la fin de vie » (nouvelle expression de notre orgueil national qui nous fait toujours prétendre faire mieux que nos voisins qui ont plus de 20 ans d’expérience ?) de même que l’opposition à l’AAM du Ministre de la Santé François Braun (lui-même médecin), ne rassurent pas.

En conclusion, avec ce rapport les décideurs disposent d’un travail très riche, d’orientations clairement exprimées par une Convention légitime. A eux de s’en saisir pour que le projet de loi annoncé par Emmanuel Macron d’ici à la fin de l’été soit à la hauteur de l’enjeu.

Une loi, oui, au Choix nous l’appelons de nos vœux. Mais une qui réponde bien aux différentes situations de fin de vie. Et une loi applicable.