Par Nathalie Andrews

Mesdames, Messieurs bonjour,

Créée à l’automne 2021, la Commission médicale du Choix est un projet essentiel pour notre association, tant pour aider des personnes malades que pour travailler à la future formation des soignants qui accepteront de pratiquer l’aide médicale à mourir. Actuellement, une trentaine de personnes, médecins, infirmiers, psychologues et autres bénévoles… la constituent, certains d’entre nous ont suivi la Formation EOL en Belgique.

La commission est constituée de deux groupes, l’un restreint, l’autre élargi, qui se réunissent régulièrement.

Y sont discutées, entre autres, les propositions de loi, les futures formations qui seront proposées aux soignants dès que la loi sera d’application et dont le Dr Marc Portier vous parlera cet après-midi, des cas précis y sont aussi parfois présentés. Les soignants actifs aujourd’hui au sein de cette commission sont issus pour la majorité d’entre eux des 200 signataires du soutien apporté au docteur Bernard Senet il y a quelques années. D’ores et déjà, nous savons que certains s’engageront une fois la loi votée en France.

Aujourd’hui, le rôle de la commission est important, mais nous sommes conscients, que dès le vote de la loi, celui-ci s’intensifiera. Alors, son objectif sera que ses membres puissent intervenir à différents niveaux :

-Servir de conseillers

-Devenir experts pour permettre l’application de la loi

-Répondre à la demande des malades qui souhaitent une aide active à mourir

Nos médecins interviennent aussi parfois auprès de confrères ou d’hôpitaux afin qu’une sédation profonde et continue soit réalisée pour des personnes qui arrivent au terme de leur maladie et n’en peuvent plus.

Je m’inscris en faux, et ne suis pas la seule, contre ceux qui disent que les « pro-euthanasie » sont opposés aux soins palliatifs, ce que nous souhaitons c’est que le choix de la personne soit respecté et que ceux qui opteront pour une sédation terminale puissent aussi mourir sans souffrir et rapidement. Bien évidemment, les services de soins palliatifs doivent se développer, mais n’oublions pas qu’en France depuis des décennies, chaque gouvernement a participé à la suppression de lits hospitaliers.

Chaque semaine Le Choix reçoit des demandes, soit environ 300 par an. Celles-ci émanent de métropole évidemment, mais aussi d’Outremer, parfois même d’autres pays tels les USA et l’Italie…

Nous sommes donc plusieurs au sein de l’association à gérer des dossiers, bien évidemment des membres de la commission médicale, mais aussi des responsables en région. D’ailleurs, le Dr François Guillemot vous parlera du collectif du Nord.

Pour le moment, je gère directement une dizaine de dossiers, et parfois c’est un médecin belge ou une association suisse qui me transfère des demandes.

Certains dossiers sont pris en charge directement par l’un ou l’autre – soignant ou pas soignant – et généralement menés à bien.

Évidemment, toutes les demandes n’aboutiront pas, soit parce qu’elles ne sont pas recevables en Suisse ou en Belgique, soit parce que la personne va se donner du temps, rassurée que sa demande ait été acceptée, surtout si sa pathologie est encore supportable, ou que l’entourage proche peine à accepter l’idée d’être « abandonné », parfois aussi parce qu’elle décédera avant la date du voyage libérateur.

Nous constatons régulièrement que certaines personnes malades ne pensent à leur mort que très tard, oserai-je dire trop tardivement, avant d’envisager une aide à mourir et la demander…Dans notre société, la condition de mortels semble difficile à accepter pour certains. Pourtant, il est évident qu’aucune demande ne peut se traiter dans l’urgence !

La semaine dernière, une compatriote dont l’aide était prévue ces jours-ci à Bruxelles m’a appelée en pleurs, se pensant dans l’impossibilité de faire le voyage tant la souffrance était forte. : « Je souffre le martyr, la souffrance est trop grande, je n’en peux plus, je veux mourir vite et cesser de souffrir. J’ai loupé mon projet de dignité et vais demander une sédation ». Hospitalisée aux urgences dans sa région, la sédation lui a été refusée et elle a entendu des propos surprenants de la part d’un soignant … Je pense que le Dr de Locht vous en parlera cet après-midi. Après quelques jours, elle a pu rentrer chez elle, puis faire le voyage de 800kms en ambulance jusqu’à Bruxelles pour bénéficier de l’aide désirée.

Suivant la pathologie et le département de résidence de la personne, sans oublier sa capacité à se déplacer, monter un dossier pour l’un ou l’autre pays lui sera proposé. Toutes les explications sont données au fur et à mesure et ce cheminement nous incite toujours à mener une vraie réflexion, indispensable à un bon accompagnement, tant pour la personne concernée que pour son entourage proche.

La capacité d’écoute est essentielle, or très souvent ces femmes et ces hommes n’ont pas vraiment été écoutés dans les hôpitaux ou au sein de leur famille, or la personne centrale est bien celle qui souffre ! Nous accompagnons sans porter de jugement. Une confiance réciproque va s’installer au fil du temps. Nous n’oublions pas l’histoire, le visage de chaque personne accompagnée soit sur une partie de son chemin, soit jusqu’à son dernier souffle. Partager l’ultime parcours de la vie d’une femme ou d’un homme est une expérience qui ne peut laisser indifférent et chaque histoire est unique. Aux côtés de la personne qui va mourir, l’on voit des proches pleurer, mais le principal intéressé a plutôt le sourire et remercie souvent celui ou celle qui va l’aider.

Il nous arrive donc d’être présents le jour de l’acte que ce soit en Suisse ou en Belgique. En effet, certains malades parce qu’ils sont seuls, ou parce que nous les avons suivis pendant des mois, souhaitent notre présence aussi le jour de leur grand départ.

A l’avenir, nous prévoyons des séances d’intervision réservées aux accompagnants, qu’ils soient ou non soignants. Ces séances permettront d’évoquer des cas vécus qui ont pu leur poser un problème, soit au cours de la procédure, soit pour lesquels les personnes qui se sont investies ont besoin de s’exprimer. En ce qui me concerne, plus de 20 ans dans le monde associatif me confortent dans l’idée que pouvoir échanger sur nos expériences et nos questionnements, est aussi indispensable qu’enrichissant pour nous permettre de continuer à être utiles. Sur le site du Choix un espace réservé aux médecins sera ouvert ..

Ceux qui restent ne sont pas oubliés, le contact perdure souvent avec une épouse, un fils…des mois, voire des années après que leur proche est mort. La création d’une vraie « cellule de soutien » à ces personnes est à envisager.

« Souvenons-nous que la commission médicale, au-delà des compétences de chacun et de la qualité des consultations, c’est aussi une relation d’humain à humain « 

Cette année, un « Guide 2 en 1 » a été réalisé, Denis Labayle vous en parlera dans quelques minutes. La première partie vise à faciliter une démarche personnelle, et la seconde entend aider au dialogue avec un proche qui demande une aide à mourir.

Tout ceci ne fait que confirmer l’utilité et l’importance du travail de notre commission et donc son indispensable développement.

Nous espérons qu’avec la future loi chaque personne se trouvant dans un état incurable, que ce soit à la suite d’un accident ou d’une maladie, qui fera la demande d’une aide médicale à mourir pourra en bénéficier sans attendre d’être à un stade avancé.

L’espoir fait vivre …mais l’attente fait mourir. Il est plus que temps que des morts sereines, sans avoir à s’expatrier, deviennent possibles dans notre pays dont la devise est, ne l’oublions pas : Liberté, Égalité, Fraternité !

Merci de votre écoute !