Le Choix – Citoyens pour une mort choisie
54 rue Jean Baptiste PIGALLE
MVAC boîte N° 36
75009 PARIS
Paris le 14 septembre 2020
Monsieur le Président,
Le 9 septembre 2020, Madame Abelin-Norell est décédée en Suisse avec l’aide de l’association Dignitas. Vous ne connaissez pas cette femme. Et pourtant elle vous a écrit de Sarlat le 21 mai 2020 pour vous annoncer son projet de se rendre en Suisse afin de mettre fin à ses jours, la France lui ayant refusé l’aide qu’elle demandait.
Cette neuro-pédiatre, âgée de 84 ans, n’était ni dépressive ni dans un état de souffrances physiques extrêmes. Elle était atteinte d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) qui la rendait progressivement aveugle. Une souffrance psychologique terrible, elle qui adorait la lecture. Son témoignage émouvant a été mis sur le site de notre association « Le Choix, Citoyens pour une mort choisie ». Quand on prend le temps de l’écouter, on apprend beaucoup de cette femme qui explique sereinement et dignement les raisons de sa démarche.
Monsieur Alain Cocq, atteint d’une maladie orpheline, incurable et très douloureuse, vous a écrit au mois d’août une lettre émouvante dans laquelle il exprime sa détresse et vous demande le droit de mourir dans la légalité.
En juin dernier, une centenaire, madame Hélène Wuillemin, lasse de trop de souffrances liées à son polyhandicap, a entamé une grève de la faim pour réclamer le droit de mourir dignement.
Sans oublier les nombreuses personnes âgées, décédées dans les EHPAD suite à l’infection au Covid 19, dans des conditions qui n’ont pas toujours été humainement dignes et respectueuses de leur volonté.
Vous n’êtes pas sans savoir que nombre de Français se rendent chaque année en Suisse ou en Belgique, chercher dans ces pays l’aide que notre société française leur refuse.
C’est une évidence, la loi actuelle, dite Loi Claeys-Leonetti, ne répond pas à toutes les détresses humaines. Elle laisse seuls les malades assumer avec leurs proches les souffrances physiques et psychologiques, face à des maladies incurables à évolution lente. Nombre de citoyens assistent impuissants à une dégradation lente et irréversible de leur autonomie physique et mentale qui altère profondément leur qualité de vie. Les dispositifs légaux et médicaux d’aide demeurent impuissants ou insuffisants face à leurs souffrances morales. Notre législation actuelle rompt avec l’esprit de fraternité qui est pourtant l’une des valeurs de notre République.
De plus, par ses exigences extrêmes qui en réduisent la portée, la loi actuelle crée une situation de profonde inégalité entre les citoyens, entre ceux qui, par leur éducation, leurs réseaux personnels et leurs ressources économiques, peuvent trouver une solution à l’étranger, et les autres qui en sont dépourvus.
Vous le savez, tous les sondages d’opinion depuis vingt ans le confirment : plus de 85% des Françaises et des Français réclament une nouvelle loi sur la fin de vie. Qu’attendent les hommes politiques pour répondre à cette légitime demande ? Est-ce la peur de la réaction d’une minorité religieuse intolérante ? Nous sommes, faut-il le rappeler, dans une république laïque.
Chaque Président de la République laisse une trace sociétale qui marque l’histoire. On rattache à la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, la loi sur l’interruption volontaire de grossesse. Nos enfants retiendront du premier septennat de François Mitterrand la loi sur la suppression de la peine de mort. De François Hollande, la loi sur le mariage pour tous. Et vous, Monsieur le Président, quelle loi marquante laisserez-vous à l’histoire ? Dans le projet de loi sur la bioéthique, vous avez proposé un changement sociétal notable avec la PMA, mais qui ne touche qu’un faible nombre de personnes. Vous avez oublié une loi sur la fin de vie qui concerne tout le monde, sans exception.
Nous souhaitons que la France respecte, par une nouvelle loi, la dernière liberté que peuvent exercer les citoyens. Une loi semblable à celle votée par les Hollandais et les Belges depuis une vingtaine d’années, et plus récemment par le parlement Luxembourgeois. Votée par les Canadiens depuis six ans, votée par nombre d’États Américains, ou comparable au projet de loi voté récemment par le gouvernement portugais. Pourquoi le pays des droits de l’homme est-il si en retard pour offrir à ses citoyens cette ultime liberté ?
Avec l’espoir que vous accorderez toute votre attention à notre démarche, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de notre respectueuse considération.
Pour l’Association «Le Choix, Citoyens pour une mort choisie»
Les membres du collège décisionnel :
Nathalie Andrews, docteur Denis Labayle (Coprésidents)
Christian Gachet Annie Wallet Jean Charles Bangratz