Jeudi 28 avril, le parquet de Nanterre venait ouvrir une enquête sur le groupe privé Orpea, gestionnaire de nombreux Ehpad, et soupçonné de maltraitance institutionnelle sur ses occupants ainsi que de détournement de fonds publics.
Cette procédure fait suite à un signalement du gouvernement après une enquête administrative diligentée par l’Etat et qui a révélé des « dysfonctionnements graves » dans la gestion des Ehpad du groupe, sous le feu des critiques depuis la parution du livre-enquête de Victor Castanet, Les Fossoyeurs.
Depuis cette publication, l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France aurait reçu plus de trois fois plus de réclamations concernant la prise en charge des personnes âgées que sur la même période l’année dernière, selon un communiqué publié le 29 mars 2022.
Les visites de contrôle au sein des établissements sont encadrées par les articles L.1421-1 et suivants du Code de la santé publique (CSP), ainsi que par les dispositions règlementaires du Code de l’action sociale est des familles (CASF).
Or, une modification récente du cadre règlementaire du fait du ministère des Solidarités et de la Santé, révélée par le Canard Enchainé, risque bien de compliquer la tache des différents enquêteurs.
Droit à l’intimité
La difficulté juridique rencontrée par les inspecteurs tient au fait que l’Ehpad constitue à la fois un établissement privé mais aussi, en même temps, le domicile des pensionnaires au sens juridique du terme.
De ce fait, les pensionnaires disposent d’un droit à la protection de leur domicile ainsi que de leur intimité.
Pour ces raisons, le CSP prévoit que « dans les locaux à usage d’habitation », les contrôles ne peuvent être effectués que entre 6 heures et 21 heures, et après autorisation par l’autorité judiciaire dans les conditions prévues à l’article L. 1421-2-1 lorsque l’occupant s’oppose à la visite.
Et c’est là un point susceptible de compliquer la tâche des différents inspecteurs : l’occupant est en droit de s’opposer à toute visite au sein de sa chambre.
De plus, l’arrêté pris le 31 mars 2022 impose désormais un certain formalisme pour recueillir le consentement des personnes âgées, indiquant expressément que le pensionnaire « est libre de s’opposer à l’accès aux locaux, lieux, installations » qui sont « à l’usage de mon habitation ». Un décret pris afin de garantir le droit au respect à une vie privée et familiale, conformément à l’article 8 de la CEDH (Convention Européenne des Droits de l’Homme).
Un consentement impossible pour les majeurs sous tutelle ?
Si le recueil du consentement peut se heurter à de nombreuses difficultés pour des pensionnaires hostiles à l’idée d’une inspection, il risque de devenir impossible pour les (nombreux) patients placés sous une mesure de tutelle !
Théoriquement, toute inspection sera rendue impossible (ou du moins, sera considérablement retardée) en l’absence de l’accord préalable du tuteur. Un laps de temps qui prive l’inspection de l’effet de surprise nécessaire pour s’assurer de la véracité des faits recueillis.
D’après le Canard Enchainé et les juristes consultés, le décret va compliquer la tâche des inspecteurs alors même que le gouvernement annonce dans le même temps un renforcement des contrôles.
Source :
« JIM+ » – Charles Haroche – 30.04.22