Alors que le débat sur la fin de vie a été relancé par le gouvernement, Marie-Hélène Lalande-Huard témoigne des conditions dans lesquelles elle risque de mourir, et de son refus de partir en subissant la dégradation de son corps.
Marie-Hélène Lalande-Huard dispose de toute la documentation concernant le suicide assisté à l’étranger –
« Je me préparais une retraite agréable, soupire l’ancienne pharmacienne de Petit-Couronne, aujourd’hui âgée de 68 ans et résidant à Bois-Guillaume (Seine-Maritime). Mais il y a six ans, un cancer du sein a bouleversé ma vie. Il a été traité mais, un an plus tard, sont apparues des métastases osseuses, et encore de nouvelles au niveau du cerveau et de la moelle épinière, une autre année après. Depuis août 2021, la chimiothérapie n’était efficace que quelques mois. Elle a été stoppée à présent, n’apportant que des effets secondaires sans aucun bénéfice. Mon oncologue m’a annoncé que je n’avais plus que quelques mois à vivre. J’imagine que c’est entre trois et six mois. »
« Là, au bout, ce sera la sédation profonde et continue »
Après l’acceptation de cette mort annoncée, Marie-Hélène a entamé une réflexion sur les conditions dans lesquelles elle finirait sa vie, et le constat est désolant : « Les métastases osseuses vont grandir, entraînant des douleurs intenses, des fractures des os, éventuellement une paralysie si la moelle est touchée. Je sais que je bénéficierai d’un protocole antidouleurs une fois hospitalisée en soins palliatifs, mais seulement jusqu’au moment où il ne sera plus efficace. Là, au bout, ce sera la sédation profonde et continue, avec arrêt de l’alimentation et de l’hydratation. C’est-à-dire mourir de faim et de soif pendant x jours ou semaines, tout en étant en sédation. Et cela m’interpelle et même me fait peur. Je connais quelqu’un qui a passé six mois dans le coma et qui en est sorti en racontant ce qu’il ressentait et percevait. Pourquoi en serait-il autrement en sédation profonde ? »
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« J’en veux beaucoup à l’État français »
Marie-Hélène pense également à sa famille, son mari Alain et ses deux enfants : « Cette dégradation physique immonde est traumatisante pour la famille ; me voir partir ainsi leur demandera beaucoup de courage, mais je ne veux pas leur imposer cela. » Elle a alors pris une décision lourde : constituer un dossier de suicide assisté en Suisse et en Belgique, pays où l’euthanasie active est légale.
« J’en veux beaucoup à l’État français, précise-t-elle. Je lui reproche, après le vote de la loi Claeys-Leonetti (en 2016, NDLR), qui a fait avancer les choses, de s’être arrêté au milieu du gué. Cette loi était nécessaire, mais pas suffisante. Arrêter l’alimentation et l’hydratation, c’est bel et bien tuer, mais tuer dans des conditions dégradantes contrairement à une injection létale. Je veux une politique claire et honnête, une loi qui ne se réfugie pas derrière de faux-semblants. Je fais le parallèle avec l’IVG. Avant la loi Veil, les femmes avaient le choix entre se faire charcuter ou avorter à l’étranger. Pour la fin de vie, c’est pareil ; les malades ont le choix entre mourir dans des conditions immondes ou aller à l’étranger pour mourir dans la dignité. J’ai fait ce dernier choix, en accord avec mes proches. Il y aura la contrainte douloureuse pour moi de voyager une ou deux fois en Suisse ou Belgique pour faire valider mon dossier, puis celle d’imposer un dernier voyage à mon époux qui sera bien entendu très douloureux pour lui qui reviendra seul. Mais Alain est courageux ; si c’était l’inverse, je ne sais pas si j’aurais le même courage. »
« La loi évoluera, mais je ne le verrai pas »
Marie-Hélène Lalande-Huard a entamé son dernier combat, celui d’une militante pour la fin de vie dans la dignité. « Je veux dire aux politiques d’écouter les souhaits des patients, insiste-t-elle. Ce sont eux les premiers concernés. Je suis persuadée que la loi évoluera, mais je ne le verrai pas. »
Femme d’un ancien maire et conseiller général
Marie-Hélène Lalande-Huard n’est pas une inconnue dans le secteur de l’ancien canton de Saint-Georges-du-Vièvre. Loin de là. Son époux Alain y a effectué deux mandats de conseiller général (2001-2015), et a été maire du petit village de Saint-Christophe-sur-Condé de 2014 à 2020. Et si la semaine de Marie-Hélène se passait dans sa pharmacie, le week-end, elle assistait régulièrement son mari dans ses fonctions d’élus : « Je venais souvent, l’accompagnant notamment aux repas des anciens. C’était sympa et j’aimais bien. C’était l’occasion de belles rencontres », se souvient-elle.
« C’était toujours un plaisir de la voir, souligne Étienne Leroux, ancien président de la communauté de communes du Vièvre-Lieuvin. Marie-Hélène était très impliquée avec son mari, avait des avis intéressants, et nous avions de belles discussions lors de ces repas. Beaucoup de gens ont été peinés d’apprendre son état de santé. Et nous avons tous une pensée pour elle et ses proches. »
Source :
« Paris-Normandie » – Rédaction – 08.10.22