Dans le cadre des débats sur la fin de vie et le droit à mourir dans la dignité, une délégation parlementaire s’est rendue auprès d’acteurs associatifs, hospitaliers et de représentants de familles touchées par la problématique, en France et en Suisse.
Pour le professeur Jean-Louis Touraine, « il faut légiférer sur la fin de vie, mais aussi sur la qualité des soins palliatifs ».
À l’initiative d’Olga Givernet, députée de l’Ain de la 3e circonscription, un déplacement parlementaire s’est tenu en France, au Centre hospitalier du pays de Gex (CHPG), et en Suisse, auprès de deux associations de droit à mourir dans la dignité, Dignitas et Exit ADMD Suisse Romande. En France, seule une sédation profonde est possible, il n’y a pas de suicide assisté.
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Dans le même temps, de futurs travaux parlementaires animeront les débats au sein du Parlement. Il est nécessaire de mener une réflexion importante autour de la fin de vie. En mars 2023, l’ouverture d’une convention citoyenne sur la thématique de la fin de vie donnera le coup d’envoi d’une approche souple et propice au dialogue. La concertation doit être soutenue avec toutes les parties intéressées et le respect des opinions sera évidemment garanti.
Sur ce territoire transfrontalier, avec la proximité de la Suisse, une centaine de Français franchissent la frontière chaque année pour pratiquer l’aide active au suicide assisté (le patient fait le dernier geste). Parallèlement, en Suisse, on note une hausse constante de l’aide à mourir : 187 cas par an en 2003 pour plus de 1 200 en 2020.
Consolider les bases de l’accompagnement
Vendredi 7 octobre, la délégation parlementaire, composée de députés de la Côte-d’Or, de l’Isère et de l’Ain, est allée à la rencontre des soignants, médecins et des familles, au centre hospitalier de Gex (CHPG).
Une première partie était consacrée à la visite du service des soins de suite en compagnie de la directrice de l’établissement Stéphanie Lagreze et du directeur du Centre hospitalier Annecy Genevois Vincent Delivet (le CHPG étant en direction commune avec le Change). « Il faut se mobiliser mais la situation est tendue », a rappelé Stéphanie Lagreze. Et d’expliquer les freins quotidiens que le CHPG peut rencontrer, comme l’attraction de la Suisse pour le personnel soignant ou l’absence d’hospitalisation à domicile. « Le personnel est sous tension. Si des mesures fortes ne sont pas prises face aux migrations vers la Suisse, le système va imploser. On va transformer les hôpitaux en hospices », a constaté le docteur Sansot, médecin responsable du service soins de suite.
« Si on engage une importante réflexion sur la fin de vie en France, il faut aussi consolider les bases de l’accompagnement, prendre des mesures, fixer des cadres, changer la réglementation face à ce départ professionnel vers la Suisse. Sur un territoire frontalier c’est pire que tout », a souligné Vincent Delivet.
« La mort doit être solidaire et non solitaire »
Lors de la table ronde, les protagonistes ont aussi évoqué les lacunes du système. « Nous devons mener une réflexion collective mais vers quoi ? », s’est interrogé le professeur Jean-Louis Touraine. « Neuf Français sur dix sont favorables à une évolution sociétale d’ampleur. La loi Claeys-Leonetti relative aux droits des malades et à la fin de vie doit être complétée, mais la fin de vie doit rester un choix. »
Pour Muriel Berger, cadre santé, « l’important c’est le reste de sa vie avant l’extrême fin de vie. On n’est pas toujours en capacité de le proposer dans de bonnes conditions, dans le respect du choix. » Qui a le droit de décider de la mort de quelqu’un ? Personne. La clause de conscience pour donner la mort ? Elle doit être prise en compte. « La question de la fin de vie est sensible et ne se résume pas à un ensemble de réflexions. Il faut légiférer sur la fin de vie mais aussi sur la qualité des soins palliatifs. La mort doit être solidaire et non solitaire. Il faut aussi le choix à chacun », a conclu Jean-Louis Touraine.
Suicide assisté : « Notre rôle est de rassurer les gens et de nous adapter à leur décision »
Installée dans ses nouveaux locaux à Genève depuis juillet 2021, l’association Exit Droit à mourir dans la dignité (ADMD Suisse Romande), a reçu la délégation parlementaire emmenée par Olga Givernet. L’occasion de faire le point sur les particularités suisses, quand en France le suicide assisté n’est pas autorisé et qu’il se limite à une sédation profonde.
« La personne fait le dernier geste »
Cette association s’occupe du suicide assisté pour les résidents suisses (contrairement à Dignitas à Genève** qui s’occupe aussi des étrangers). En 2021, 421 personnes ont été accompagnées par Exit en Suisse romande. L’association compte près de 35 accompagnateurs bénévoles et six salariés. « C’est du suicide assisté, la personne fait le dernier geste. On ne parle pas d’euthanasie », a expliqué Gabriela Jaunin, accompagnatrice et co-présidente d’ADMD. « La moyenne d’âge des personnes accompagnées est de 75 ans, avec plus de femmes que d’hommes », a-t-elle ajouté.
L’association ne cache pas non plus que tous les jours elle reçoit des appels de France qu’elle renvoie vers Dignitas.
Pour bénéficier de ce suicide assisté, les démarches ne sont pas anodines et très encadrées. Il faut être membre de l’association, avoir plus de 18 ans, être résident suisse, avoir une maladie incurable ou des polypathologies. « Nous répondons au Code pénal de la Confédération », a précisé Gabriela Jaunin. « Avant un “départ Exit”, comme je préfère dire, il faut fournir un dossier rempli, une lettre manuscrite, une ordonnance, être adhérent de l’association. Ensuite, une procédure de constatation est enclenchée pour le médecin légiste et la police. »
Les membres d’ADMD insistent : la personne décide de son jour et peut changer d’avis jusqu’au dernier moment. Le bénévole s’adapte et une tierce personne est présente pour constater qu’on ne la force pas. « Chaque cas est unique. Notre rôle : rassurer les gens qui savent que c’est possible et respecter le choix », a-t-elle conclu.
Source :
« Le Dauphiné Libéré » – Sabine Pellisson – 10.10.22
** Remarque du Choix :Dignitas n’est pas basée à Genève