BRÉSIL : Les tabous et les préjugés empêchent toujours l’accès à une fin de vie autodéterminée
Article par Luciana Dadalto* et Adriano Machado Facioli** (auteurs invités)
Au Brésil, les questions relatives à l’autodétermination de l’individu sur sa propre fin de vie et son corps sont encore considérées comme taboues. De plus, ces questions y sont également considérés comme une violation de la foi chrétienne.
Malheureusement, la vérité est que, bien que la Constitution fédérale stipule qu’il y a une séparation entre l’État et les religions, le préambule dit expressément que la promulgation du texte a eu lieu « sous la protection de Dieu ». Et cela en dit long sur la façon dont la dignité de mourir est perçue dans notre pays.
À l’heure actuelle, deux articles du Code pénal brésilien (datant de 1941) sont utilisés pour classer l’aide à mourir :
Euthanasie : 121. Tuer quelqu’un
Peine : emprisonnement, de six à vingt ans.
Réduction de peine : § 1 Si l’auteur de l’infraction est motivé par des motifs de valeur sociale ou morale pertinente, ou sous l’emprise d’une émotion violente, immédiatement après une provocation injuste de la victime, le juge peut réduire la peine d’un sixième à un tiers.
Suicide assisté : 122. Inciter ,encoruager quelqu’un à se suicider ou à s’automutiler, ou lui fournir une aide matérielle pour le faire [1]
Peine : emprisonnement, de six mois à deux ans
En plus de ces articles du Code pénal vieux de 80 ans, le droit à la vie, inscrit dans la Constitution, est compris par la majorité de la population – qui est chrétienne et conservatrice – comme le devoir de vivre jusqu’à ce que « Dieu » retire la personne de ce monde.
C’est pourquoi :
- L’obstination déraisonnable est pratique courante dans les hôpitaux, comprise par les médecins et les membres de la famille comme une forme de » soin ».
- Pour ceux qui préconisent les soins palliatifs (qui sont encore minoritaires), l’idée selon laquelle l’accès aux soins palliatifs garantit à lui seul une mort digne est encore dominante.
- Au cours des dernières décennies, quelques projets législatifs visant à légaliser l’aide à mourir ont été présentés, mais ont été rejetés ou « oubliés « dans la bureaucratie du Congrès national brésilien.
- La recherche de la reconnaissance du droit de mourir n’est pas encore parvenue (ou du moins, aucune affaire n’a été rendue publique) jusqu’au Tribunal fédéral, la plus haute juridiction du pays.
De plus, si l’on considère que la composition actuelle du Congrès national brésilien est probablement la plus conservatrice de toute l’histoire de la jeune démocratie brésilienne (qui a émergé en 1985, après plus de 20 ans d’une dictature militaire d’extrême droite), il n’y a pas à espérer une loi sur l’aide à mourir pour les années à venir.
Il est important de dire que dans plusieurs pays conservateurs à majorité chrétienne, en particulier en Amérique latine, la recherche d’un contrôle judiciaire devant les tribunaux s’est avérée être la stratégie la plus efficace pour l’aide à mourir. Nous l’avons vu dans les cas récents de la Péruvienne Ana Estrada et de l’Équatorienne Paola Roldán Espinosa. Cependant, à ce jour au Brésil, personne n’a porté une affaire devant la plus haute juridiction pour se battre pour le droit de mourir.
En tout état de cause, il n’y a aucune garantie (ou attente) que le Tribunal fédéral se prononcerait en faveur d’une demande d’euthanasie volontaire et/ou de suicide assisté. D’autant plus que la composition de cette institution est devenue plus conservatrice ces dernières années.
D’autre part, le nombre de recherches universitaires sur l’aide à mourir a augmenté, tout comme l’intérêt des médias brésiliens pour le sujet. De ce fait, « euthanasie » et « suicide assisté » sont des mots de plus en plus présents dans les discussions, même si la grande majorité des Brésiliens qui s’engagent dans ces discussions utilisent des arguments religieux pour exprimer leur opposition, toujours avec l’argument que « Dieu nous donne la vie et lui seul peut nous la prendre ».
Le nombre de Brésiliens qui s’adressent à des organisations suisses augmente également de manière exponentielle chaque année. Cependant, en plus de la barrière économique et des préjugés des professionnels de la santé brésiliens, ces personnes sont souvent confrontées à la barrière linguistique nécessaire pour faire avancer un dossier. Pour cette raison, ils recherchent souvent au Brésil des personnes qui étudient l’aide à mourir, demandent de l’aide et reçoivent un refus douloureux d’aide en raison de la peur de ces universitaires de faire l’objet d’enquêtes et, finalement, condamnés pour le crime d’« inciter, encourager ou aider au suicide ou à l’automutilation ».
Il s’agit du scénario brésilien – ou du « non-scénario » – en matière d’aide à mourir. Par conséquent, nous appelons tous ceux qui, dans le monde entier, croient en cette cause et se battent pour elle, à nous aider à mettre le Brésil sur la carte des discussions sur l’aide à mourir, ainsi qu’à placer l’aide à mourir sur la liste des sujets urgents dans notre pays.
* Luciana Dadalto est avocate, bioéthicienne, chercheuse sur les thèmes de l’autonomie et de la dignité en fin de vie, et administratrice du portail www.testamentovital.com.br
** Adriano Machado Facioli, psychologue, militant pour l’aide à mourir, administrateur d’un groupe Facebook brésilien sur l’euthanasie, professeur au Département de Recherche et de Communication Scientifique de l’Escola Superior de Ciências da Saúde à Brasília, Distrito Federal, Brésil.
[1] libellé selon la loi n° 13.968, de 2019
Traduction N.A pour le Choix – Extrait du Bulletin d’information 2024-3-3-f de DIGNITAS
L’aide médicale à mourir un tabou, un préjugé au Brésil?!!!!! CURIEUX ?!
Et la misère? les FAVELLAS? les assassinats…….