- Editorial
Le 8 avril 2021, les députés ont adopté à une très large majorité le premier article de la proposition de loi « donnant et garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie ». Mais ils ont dû en rester là. Ils votaient en effet à l’occasion d’une « niche parlementaire » qui leur donnait 24 heures pour se prononcer sur un texte pour lequel avaient été déposés plus de 3.000 amendements. Partisans et opposants de ce projet de loi peuvent tous crier victoire : les premiers parce qu’ils ont remporté une étape hautement symbolique, les seconds parce qu’ils ont réussi à maintenir un statu quo qui leur convient.
La loi eut-elle été adoptée, elle apportait en effet un changement de taille. L’article voté stipule qu’« une assistance médicalisée à mourir peut être demandée par toute personne capable et majeure » qui se trouve dans une phase « avancée ou terminale » d’une affection « grave et incurable », à l’origine d’une souffrance « physique ou psychique » ne pouvant pas être apaisée ou jugée insupportable par la personne concernée. Il ne s’agit plus seulement de « sédation profonde et continue jusqu’au décès », ce que certains nomment « l’euthanasie à la française », mais d’une aide active à mourir, ce que d’autres appellent « le droit de tuer. »
Pour aller plus loin, il faudrait que le gouvernement s’empare du texte et le mette à l’ordre du jour parlementaire. Cette éventualité a été écartée par le ministre de la santé, notamment parce que le moment ne s’y prête guère. Certains détracteurs de la proposition de loi vont jusqu’à parler d’indécence dans ce contexte d’épidémie : l’urgence est à sauver des vies.
Mais que le temps soit calme ou à la tempête, le clivage est profond, comme l’avait bien illustré en son temps l’avis du Comité consultatif national d’éthique sur le sujet, dégageant une majorité contre l’aide active à mourir, mais assorti d’une forte minorité en sa faveur. Depuis, les arguments des uns et des autres sont restés les mêmes. Par exemple, certains vont pointer les risques de dérives d’une loi permissive tandis que d’autres se lassent des promesses de soins palliatifs qui seraient un jour à même de répondre à toutes les situations de fin de vie.
Ils ont cependant un point commun : tous se revendiquent de la dignité humaine. Les uns insistent sur la protection des plus faibles, les autres sur la liberté individuelle. On conviendra qu’une niche de quelques heures pour en débattre est bien insuffisante pour s’accorder sur le sujet.
Source :
« UNIVADIS » Serge Cannasse – 28.04.21