Madame,
Le 7 avril dernier, sur BfmTV, vous étiez intervenante dans l’émission « Qui va vous convaincre ? » animée par Alain Marshall.
Votre sujet était : Fin de vie, loi Léonetti.
Lien vers le replay de l’émission (se caler à la position 41’07 min pour le début de son intervention) : https://www.bfmtv.com/replay-emissions/120-pourcent-news/tugdual-denis-rokhaya-diallo-louis-boyard-et-natacha-polony-qui-va-vous-convaincre-07-04_VN-202104070448.html
Vous alliez donc aborder un sujet qui touche des personnes terriblement éprouvées dans leur corps ; qu’avez-vous fait ? L’exposé d’une loi qui a toutes vos faveurs ! il vous a cruellement manqué l’essentiel : le regard sur l’humain.
Alors, mes lignes vous apportent mes réactions et mes sentiments.
Votre ton était péremptoire, pédant, suffisant, mais il n’empêche que votre connaissance de ce délicat sujet de la fin de vie a bien des limites. Vous êtes tellement loin de sa dure réalité ! Et vous avez souvent excellé de confusions et d’ignorances.
Vos propos et vos affirmations auraient pu me mettre *en colère ou me rendre triste mais non, ils m’ont fait frémir ! L’effroi, c’est ce que vous m’avez inspiré !
Vous parliez avec « votre cérébral » ! Vous parliez comme « une circulaire administrative », c’est-à-dire sans humanité ! Je me suis demandée où vous cachiez la vôtre ? Sans doute dans les replis de votre nombril ?
Vous semblez ne plus avoir grand chose à découvrir des souffrances des êtres humains dans les diverses fins de vie : vous avez tant de certitudes ! Et vous êtes tellement imbue de l’évidence de vos convictions !
Peut-être devriez-vous, quand même, descendre de votre siège de directrice au journal Marianne, enlever votre jolie veste de cuir et revêtir la blouse de l’aide-soignante. Comme elle le fait, vous auriez alors à « mettre pleinement vos mains dans la merde de l’altération et de la dégradation d’un corps humain » ; et vous pourriez comprendre ce que c’est : demander à « mourir dans la dignité de son corps et de son être ».
De même, je vous invite, non seulement à compter, mais à véritablement approcher, écouter, toucher, ceux que vous avez évoqués sans aucune empathie et que vous avez nommés « les cas infimes, rarissimes, voire ultra rarissimes ». Vous parliez de personnes ! Comme vous avez dû cogner de la souffrance sur d’autres souffrances !
Je vous invite également à faire un tour de France – cela vous prendra du temps – pour compter « ces cas » : les dix doigts de vos mains ne vous suffiront pas, hélas !
Si vous condescendiez à poser un regard sur eux, peut-être reviendrez-vous à plus de tenue, d’humilité et de respect dans vos mots, quoique ! il y a parfois des causes perdues !
Oui, vraiment ! Vous n’avez fait que disserter sur le sujet de la fin de vie !
Voyez-vous, à l’affection grave – que je n’ose pas croire incurable – que vos mots et vos pensées montrent de vous, je préfère l’affection grave et incurable de mon corps ! Lorsque vous avez asséné ces mots, je me suis entendue dire : oh, quelle horreur !
Vous, femme peut-être bien gâtée par la vie, qui n’hésitez pas à exprimer, sans aucune gêne, ces mots indécents qui ont dû blesser, écraser, piétiner tant de souffrances humaines dont vous ne connaissez pas la mesure !
Madame, vous ne savez donc pas mettre un peu de dignité dans votre vocabulaire ? Alors je vous le dis : pauvre Madame Polony, vous étiez piètre dans votre suffisance !
Le « cas rarissime » que je suis vous éveille à cette citation (qui n’est pas de moi) : « les malades et les handicapés se recrutent chez les valides ».
Car, dans la belle réalité de votre vie d’aujourd’hui, n’oubliez jamais ceci :
- Les brillances que votre santé vous permet de vivre pourraient faire place aux noirceurs de la maladie ou du handicap ;
- Votre superbe pourrait s’effondrer si la dure réalité de la fragilité du corps humain vous frappait ;
- Des malchances de la vie pourraient vous amener à tomber dans la désespérante décrépitude de votre beau corps.
Et alors,…
- Si ce corps, dont vous devez merveilleusement prendre soin, était déchiré par les douleurs et menacé par la déchéance, peut-être deviendriez-vous une autre Paulette Guinchard qui, après avoir prôné et défendu la loi Léonetti, est allée humblement demander l’apaisement de ses souffrances, en Suisse ;
- Si des souffrances physiques et psychiques venaient à s’emparer de vous, détruisaient votre corps au point que vous les jugeriez inapaisables, vous seriez peut-être bien heureuse de trouver un médecin belge qui vous accueillerait et vous apporterait le dernier soin que vous décriez tant ! A moins, bien sûr, que vous ne préféreriez goûter aux saveurs et aux profondeurs de la loi Léonetti !
A chacun son choix, je vous l’accorde !
Le choix ! Vous ne semblez guère l’accorder à ceux qui ne pensent pas comme vous ? Vous affirmez vos convictions et vous en avez le droit ; je les écoute et je les respecte puisque ce sont les vôtres ; mais je refuse que vous les imposiez péremptoirement aux autres et dans le profond mépris aux personnes souffrantes qui ne sont, pour vous, que « des cas »!
Vous pouvez rester convaincue de la suprématie de vos pensées ; vous pouvez laisser à la loi Léonetti toutes les vertus que vous lui prêtez, c’est votre liberté ; néanmoins, je ne vous concède pas le droit :
- De m’orienter vers les soins palliatifs si je veux choisir l’euthanasie ou le suicide assisté ;
- De ligoter mon corps dans des souffrances si je ne veux plus les vivre ;
- De choisir à ma place ;
- De confisquer ma vie ;
- D’entraver ma liberté si je veux choisir ma fin de vie.
Votre fine intelligence devrait comprendre cela, non ?
Aujourd’hui, vous devez être comblée de satisfactions puisque la PPL de Monsieur le Député FALORNI n’a pas été votée.
Et pourquoi ? Parce que quelques députés ont misérablement dévié leur droit pour jouer l’obstruction, bâillonner la parole de Monsieur FALORNI et de nos autres Députés de la République, mais aussi faire taire la voix de millions de citoyens.
Vous, Madame Polony, avez-vous cautionné ou dénoncé la méthode ?
Votre parole était publique sur BfmTV ; ma parole va également le devenir en communiquant, en premier lieu, cet écrit à Alain Marschall, et ensuite en le diffusant comme bon me semblera.
Veuillez recevoir, Madame, mes salutations.
Madame Micheline BRÉVAL.