La cause fondamentale est qu’il n’y a pas d’équivalent dans leur pays à la loi de dépénalisation de l’euthanasie, votée en Belgique le 28 mai 2002.
La loi Claeys-Leonetti, votée en février 2016, autorise la sédation profonde et continue jusqu’au décès pour les malades en phase terminale.
Concrètement, cette loi autorise « la sédation profonde et continue jusqu’au décès » dans les derniers jours ou les dernières heures de la vie.
Quand des Français viennent me consulter, parfois de très loin, couchés sur des brancards dans des ambulances, épuisés de douleur et m’implorant de mettre fin à une vie qui n’en est plus une, il ne me viendrait pas à l’esprit de les renvoyer, parce qu’ils ne sont pas en phase avancée ou terminale.
Jamais je n’oserais leur dire : « revenez l’année prochaine, vous ne souffrez pas encore assez. »
J’ai choisi de devenir médecin pour soulager les maux et les souffrances de mes semblables. Cette souffrance ne connaît pas de frontières, elle me bouleverse et me sollicite bien au-delà des questions d’appartenance, quelles qu’elles soient.
Je ne suis pas le seul médecin belge à les recevoir, à les écouter, à examiner leur dossier et à répondre éventuellement favorablement à leur demande. Mais nous ne sommes pas nombreux à le faire et cet engagement n’est pas sans difficultés.
Contrairement à ce que nous entendons dire, nous n’euthanasions pas tous ceux qui font la demande : docteur, je suis poursuivi par la police, pouvez-vous m’euthanasier demain ?
Nous devons évidemment respecter les conditions imposées par la loi belge. A cette fin, le médecin mène avec le patient plusieurs entretiens, espacés d’un délai raisonnable au regard de l’évolution de son état.
Le patient français devra faire des centaines de kilomètres pour venir voir deux ou trois médecins belges.
J’ai une grande admiration du courage dont ils font preuve.
Pourquoi tous ces efforts ?
Ils me répondent tous la même chose : notre demande de pouvoir bénéficier de la loi Claeys-Leonetti a été refusée. « Je ne suis pas assez près de la mort !!!! Et je ne veux pas mourir en subissant une déshydratation qui peut durer plusieurs jours. »
La France est un pays superbe . Malheureusement mes patients belges ne m’ont jamais demandé d’aller mourir en France. Même les plus âgés et les enfants autistes n’ont rien à craindre en Belgique. Ils pourront vivre sereinement.
Les Belges gardent la liberté de choisir leur fin de vie : mourir dans la dignité et sans souffrance.
Ne s’agit-il pas là du souhait de la plupart d’entre nous ?
Yves de Locht
Mai 2021