Que faut-il faire pour mourir dans la dignité ? La douleur, la colère et l’incompréhension de voir souffrir un être cher, motivent ces mots. La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, considérée comme une avancée fondamentale pour le droit du malade en fin de vie, est, à mon grand désarroi, toujours un vœu pieux.
Impuissante, j’ai accompagné les dernières semaines de ma maman, nonagénaire, à l’hôpital, en étant réellement désemparée par sa souffrance et sa volonté de partir.
Sans pathologie, à la suite d’une fausse route, elle éprouvait des difficultés respiratoires. Avec beaucoup d’espoirs, j’attendais une amélioration de son état. Je découvrais, lors de mes visites quotidiennes, la dégradation de sa condition physique. Refusant de s’alimenter, souffrant à chaque respiration, elle exprimait, ne parlant plus, par des mouvements de colère pour se faire comprendre, son souhait de mourir.
Elle a été, pendant trois semaines, alimentée et hydratée par perfusion, avec sédation. Les médecins ont été peu enclins à partager leur savoir sur l’évolution de son état de santé et sur les soins qu’ils lui prodiguaient.
Lors d’une visite, j’ai constaté que l’alimentation par perfusion était interrompue. Les jours suivants, ce fut l’arrêt de l’hydratation. Actes pour lesquels je n’ai jamais été consultée ou informée au préalable. Ses stigmates et réactions exprimaient clairement sa souffrance physique.
Jour après jour, je constatais les conséquences de toute absence d’hydratation et d’alimentation et l’évolution de son mal-être (plus d’une semaine). La dénutrition se concrétisait par un état insoutenable qui s’exprimait par des rictus de douleur.
Impuissante, j’ai vécu la « momification » de ma mère. Révoltée et ressentant un sentiment de culpabilité, j’ai imploré le personnel médical de mettre fin à ses souffrances physiques insoutenables, malgré les soins palliatifs.
Un médecin m’a expliqué que le jeûne total entraînait la sécrétion d’opioïdes cérébraux, qui avait un effet bénéfique en termes de confort et de bien-être. Mais ces effets bénéfiques n’étaient pas perceptibles.
Quel sens donner à la prolongation artificielle d’une vie rythmée par des douleurs physiques visibles ? L’équipe médicale s’est drapée derrière sa devise primum non nocere (premièrement ne pas nuire) et l’exercice de son métier, en respectant le serment d’Hippocrate.
En cette période de vœux, je souhaite, en 2022, une réelle avancée, en France, sur le respect de la volonté du malade et de ses proches pour sa fin de vie. Respect de toutes les dignités sous toutes ses formes.
Mieux vivre ses derniers instants de vie avec sa famille à ses côtés, quand c’est possible médicalement. Nos voisins belges et espagnols ont compris l’importance de partager et d’assister ces derniers moments si précieux. Le droit à l’euthanasie est appliqué en Espagne depuis juin 2021.
La mort restera toujours une épreuve, mais les proches ne doivent pas, en plus, culpabiliser sur leur impuissance à faire respecter les dernières volontés et sur la souffrance inutile vécue par l’être cher.
« Est-il indispensable de souffrir pour mourir ? »
Source :
« Ouest-France » – Josiane Kervarrec Le Calvé (courriel)- 02.02.22