Emmanuel Macron a annoncé le lancement prochain d’une « convention citoyenne » sur la fin de vie. Mais le sujet est sensible et divise la société française
Le débat sur la fin de vie, avec en toile de fond une éventuelle autorisation de l’euthanasie, est relancé : Emmanuel Macron devrait préciser mardi les contours de la convention citoyenne sur le sujet avant une éventuelle loi.
1 Qu’est-ce qui est autorisé aujourd’hui ?
Aujourd’hui, c’est la loi Claeys-Leonetti qui encadre la fin de vie des malades incurables en France. Adoptée en 2016, après une première version en 2005, elle interdit l’euthanasie et le suicide assisté, mais permet une « sédation profonde et continue jusqu’au décès » pour des malades en phase terminale et en très grande souffrance, dont le pronostic vital est engagé « à court terme ».
La loi prévoit l’arrêt des traitements en cas « d’obstination déraisonnable » (ou acharnement thérapeutique) : si le patient le souhaite, les traitements peuvent être « suspendus » lorsqu’ils « apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Si le patient ne peut exprimer sa volonté, la décision doit être prise par les médecins de façon « collégiale ».
En 2018, le Conseil d’Etat puis le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) avaient jugé que cette loi ne devait pas être modifiée. Tous deux ont cependant souligné qu’il fallait garantir un meilleur accès aux soins palliatifs.
L’euthanasie est autorisée dans plusieurs pays européens comme les Pays-Bas, la Belgique – dont Emmanuel Macron pourrait s’inspirer-, et plus récemment l’Espagne. De l’autre côté des Pyrénées, la loi est entrée en vigueur le 25 juin 2021. En un an, ce sont 180 personnes qui ont été aidées à mourir.
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2 Pourquoi un changement ?
Pendant la campagne présentielle, le chef de l’Etat avait annoncé sa volonté d’instaurer une « convention citoyenne » pour « avancer » sur le sujet « de manière apaisée ».
En avril 2021, l’Assemblée nationale en avait déjà débattu après une proposition de loi du député Olivier Falorni.
Son examen n’avait pas abouti à cause de milliers d’amendements destinés à faire obstruction, mais 240 députés avaient approuvé le principe d’une « assistance médicalisée active à mourir ».
Jeudi, Emmanuel Macron a confirmé le lancement prochain d’une « convention citoyenne » sur la fin de vie, estimant qu’« il nous faut bouger pour plus d’humanité ». Il devrait en détailler mardi la méthode.
Signe que le débat agite la société, le CCNE a mis sur pied en juin 2021 un groupe de travail pour y réfléchir à nouveau. C’est aussi mardi qu’il doit rendre son avis.
3 Un débat très sensible ?
En rouvrant ce dossier qui divise pro et anti-euthanasie, le risque est de réactiver une source de tensions dans la société.
Si la fin de vie met d’accord la gauche et une partie du centre, elle suscite de vives réticences à droite.
Très concernée par le dossier, la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) se dit favorable à l’idée d’une convention. Mais pour sa présidente, Claire Fourcade, une éventuelle évolution de la loi ne devra pas engager les soignants. « Donner la mort n’est pas un soin, cela ne peut être la responsabilité des acteurs du soin palliatif », soutient-elle à l’AFP.
Une dizaine de sociétés savantes de professions impliquées dans la fin de vie se sont inquiétées des conséquences éthiques et déontologiques qu’une évolution législative pourrait avoir sur leurs métiers.
« Aujourd’hui, si on fait une sédation, on vous endort et on ne va jamais vous réveiller, donc on est dans une forme d’hypocrisie », oppose Jean-Luc Romero-Michel, ancien président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).
4 Bientôt une nouvelle loi ?
Le 2 septembre, à l’occasion de la remise de la Grand-Croix de la Légion d’honneur à la chanteuse et comédienne Line Renaud, Emmanuel Macron, a affirmé : « Le droit à mourir dans la dignité est un combat qui vous ressemble et qui nous oblige ». « C’est le moment de le faire… Nous le ferons ».
Peu après, « il a été très clair et m’a dit que la loi, ce serait en 2023 », confie le militant associatif et adjoint à la mairie de Paris Jean-Luc Romero-Michel à l’AFP. Selon lui, les conditions sont réunies car le chef de l’Etat dispose d’« une énorme majorité » pour voter un tel texte.
Source :
« Sud-Ouest » – AFP – 10.09.22