Avec la consultation citoyenne annoncée pour une loi sur la fin de vie en France, il est venu le temps de se mobiliser et en cherchant une association, je tombe sur Le Choix, et je vois cette possibilité offerte de vous témoigner une expérience personnelle.
Je vais donc vous relater l’histoire de ma maman.
Maman ne le sait pas à ce moment-là, mais sa vie basculera le 25 mars 2016 : papa (son mari) vient de mourir brutalement à l’hôpital, arrivé la veille, mis en chambre dans la nuit, en 30 min il est parti, on ne saura jamais ce qui s’est passé, le mercredi il allait bien, le jeudi , à 13h30, les pompiers viennent le chercher ; mort 08h le vendredi.
Et là 3 mois passent et on se rend compte que maman va mal, elle est âgée de 70 ans mais n’a plus d’idée de rien, on se dit dépression, deuil pathologique et finalement le diagnostic tombe fin 2017 : une démence fronto temporale, deux de ses sœurs sont décédées de SLA, la grand-mère avait été diagnostiqué avec une démence en 1991, vous l’aurez compris, un gène est porteur d’une mutation, maman est confirmée : elle porte le gène. Au mieux elle n’aura que des légers troubles de DFT, au pire DFT et SLA.
Deux ans plus tard : incontinence fécale, urine, elle peut rester la journée entière dans son lit, pas comprendre que le soleil brille et qu’elle peut se lever, les aides à domicile et services de soins infirmiers à domicile ne connaissent pas cette maladie, le refus qui va avec, et toute sa dignité qui s’effondre.
Un séjour en unité cognitive et comportementale confirme qu’un placement en Ehpad en unité fermée est à demander, elle ne rentrera jamais à son domicile : après ses 6 semaines à l’UCC, elle rentrera fin avril dans un Ehpad dans lequel elle décèdera 3 ans plus tard.
Très vite elle perd l’usage de la parole, la mobilisation, elle sera en fauteuil roulant, puis quelques mois plus tard … La mutation génétique ne lui laissera aucune chance, une fois la maladie installée, vous l’aurez compris elle a SLA et DFT. (Dégénérescence fronto-temporale)
Le 02 mai elle ne peut plus déglutir, 12 jours de perfusion, puis décision du médecin de tout arrêter : sans concertation, sans soins palliatifs, sans rien : juste on arrête tout et on attend, c’est la loi.
Elle aura tenu jusqu’au 24 mai : je vous laisse imaginer son état de souffrance, je ne parle même pas de la nôtre nous ses enfants : elle ne parlait plus mais nous suppliait avec les yeux, nous montrait sa douleur, son effroi, elle ouvrait la bouche et nous montrait l’intérieur : c’était sec, pâteux, odorant, horrible, elle refusait les soins de bouche.
Elle ne dormait pas ni la nuit, ni le jour.
L’équipe ne savait plus quoi faire, souffrait avec elle, on a eu l’occasion d’en échanger, les infirmières me conseillaient d’harceler le médecin généraliste pour qu’elle appelle les soins palliatifs , j’ai fait cela et un jour le médecin m’a appelée, m’affirmant qu’elle les avait appelés et qu’ils avaient confirmé que la méthode était bonne : patch de morphine et un anxio en intra veineuse.
Puis ils ont augmenté, tant et si bien qu’effectivement à partir du samedi elle dormait beaucoup.
Son état s’est fortement dégradé, elle gémissait pendant la mobilisation de la toilette : les soignants lui faisaient une injection de morphine en plus 30 min avant la toilette.
J’ai hurlé en disant au médecin : vous avez arrêté la sédation, (elle avait ses directives anticipées pour ne pas vivre l’acharnement, donc j’ai compris et acquiescée) mais on sait où l’on va (vers la mort) alors aidez là ! et bien non on m’a répondu qu’en Franche Comté, on n’avait pas le droit, il y aurait des directives de l’ARS (Agence régionale de santé) pour interdire tout traitement en Ehpad, il y aurait eu de l’abus…
Mais là, n’était-ce pas abuser : de laisser une personne face à cela ? Seule ?
Je conclurai en disant qu’avec une mutation génétique comme celle-ci : aujourd’hui quand vous vous savez porteur ou porteuse, la condamnation est avérée , tant que vous n’êtes pas malade, tout va bien mais une fois que la maladie s’installe, le temps où les troubles cognitifs sont majeurs peut aller très vite alors pour témoigner j’ajouterai à toutes les têtes pensantes : pensez-vous vraiment que nous avons envie de vivre une vie de DFT ou de SLA, ne pensez-vous pas que l’on pourrait nous donner le choix de mourir avant certains stades ?
Merci pour votre attention, et pensées à toutes les familles porteuses de la mutation C9orf72 et toutes ces autres mutations, pensées à vous tous malades de Charcot et/ou de démence fronto temporale, la vie en Ehpad pour vous n’est pas adaptée.
Nouki
Septembre 2022