Partir pour le choix de sa mort : les enfants de Ann Lund témoignent.
Assis sur le canapé d’un appartement au cœur de Paris, les trois enfants de Ann Lund, Keith, Jennifer et Steve, témoignent de l’histoire de leur mère. La veille, le dimanche 2 mars, ils y ont organisé une cérémonie pour y célébrer sa vie. Devant 36 proches d’Ann, Keith s’est exprimé : “Avant son départ, je lui ai dit que tous ses amis et membres de la famille, au courant, ont compris son choix de vouloir bénéficier d’une euthanasie. ça l’a apaisé, de partir se sachant comprise.”. Cette femme de 97 ans a fait le choix de sa mort le 13 février 2025 par euthanasie en Belgique.
Depuis sa chute dans son appartement parisien, le 15 décembre 2024, Ann Lund, atteinte d’arthrose, souffrait de douleurs que même les médicaments morphiniques ne soulageaient plus. “Tous ses muscles s’étaient saisis (…) comme du béton” précise Jennifer, “c’est douloureux pour les proches à voir parce qu’on se sent totalement inutile.” Son séjour dans le service Gérontologie de l’Hôpital Broca ne lui a pas permis de retrouver sa mobilité. Sans explication sur les causes de ces douleurs insupportables ni perspective d’autonomie, il lui a été proposé une hospitalisation longue durée.
“Maman était quelqu’un d’extraordinaire, (…) une personne solaire” explique Jennifer, nostalgique, à “97 ans, elle a réussi cet exploit incroyable d’être chez elle (…). Elle faisait ses repas et encore des gâteaux”. Garder jusqu’au bout son autonomie était primordial d’Ann Lund. L’ainé Steve ajoute : “elle voulait partir dans son esprit dès qu’elle s’est rendu compte, mais son corps continuait à se battre pour vivre…”
Adhérente depuis 2005 dans une association défendant l’Aide médicale à la mort (AMM), Ann a préparé sa fin de vie : réitération de ses directives anticipées le 30 janvier 2024 et ouverture d’un dossier auprès du médecin belge Yves de Locht en avril.
En France, trois associations (ADMD, Ultime Liberté et Le Choix) militent en faveur de l’AMM et le suicide assisté. La loi Claeys-Leonetti de 2005 sur la fin de vie est une loi trop restrictive pour Annie Dedourge, membre actif de Le Choix. Le Dr Yves de Locht, proche de Le Choix, affirme que le dossier de Mme Lund est recevable en Belgique.
Le 14 janvier 2025, Ann informe son fils de sa volonté de partir. Après contact avec Yves de Locht, et Nathalie Andrews, coprésidente de Le Choix, Ann Lund et ses enfants partent à la Cité Sérine à Bruxelles le 6 février à 9h. “C’est un choix très courageux” conclut Steve, alors que la fratrie acquiesce : “La décision finale n’est pas facile à prendre. Il y a eu quelques petits doutes (…) mais on lui a toujours dit c’est toi qui décide”.
Avec ces enfants, le 13 février, Ann arrive à l’Hôpital UZ Brussel. Dans sa chambre, le poster avec vue sur mer accueille la famille pour partager ses derniers instants. Après avoir réaffirmé son souhait, l’euthanasie a lieu en présence de Dr Yves de Locht et d’un autre médecin. “Elle est partie en quelques secondes. Elle avait juste l’air endormie, paisiblement” se rappelle Keith.
“C’est une curieuse expérience” annonce Jennifer, “très éprouvante” ajoute Keith, mais “pouvoir la soulager des douleurs devant lesquelles on était totalement impuissant, c’est apaisant pour nous aussi” disent-ils.
En 2024, plus de 250 Français ont choisi de partir en Suisse ou en Belgique en dépit des 92% de Français favorables à l’AMM selon une enquête Ifop de 2024. Le projet de loi sur la fin de vie sera porté à l’Assemblée nationale à partir du 19 mai 2025 selon France Info.