Le 15 mai 2025, nous avons envoyé aux députés le mail suivant,mettant en avant un témoignage et répondant à une question que se posent beaucoup de députés indécis.
LOI FIN DE VIE : EXERÇONS NOTRE EMPATHIE – UN TÉMOIGNAGE ET LA RÉPONSE À UNE QUESTION IMPORTANTE !
Témoignage

Madame la Députée, Monsieur le Député
Avant de prendre une position ferme sur la question de l’aide à mourir, il convient de faire l’effort de se mettre à la place de personnes réelles qui ont réclamé une telle aide.
C’est ce que j’ai fait pour ma mère, Ann Lund.
Ma mère aimait la vie, la famille, les amitiés, les voyages, les arts. Elle s’intéressait aux autres et à tout ce qui se passait dans le monde. Elle découpait des articles pour les autres en fonction de leurs propres passions. Elle incarnait l’empathie. Le résultat était qu’elle a conservé beaucoup d’amis jusqu’à la fin de sa vie, dont plusieurs avaient l’âge d’être ses enfants ou ses petits-enfants.
Sa chanson emblématique était « I will survive », et elle a survécu après un cancer du colon à l’âge de 82 ans, plusieurs occlusions intestinales par la suite, et des problèmes cardiaques. Elle avait un seuil élevé de tolérance aux douleurs et restait stoïque face à son arthrose, ses cystites récurrentes et son incontinence.
Elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour rester autonome. Tant qu’elle a pu, elle s’est forcée à monter les 6 étages pour atteindre son appartement. Quand, à l’âge de 95 ans, la montée est devenue impossible elle a fait venir le kiné chez elle et pratiquait elle-même des exercices tous les jours. A l’âge de 96 ans elle faisait encore à manger et sa toilette elle-même.
Elle est restée indépendante jusqu’à la fin 2024, quand elle a fait une chute et s’est retrouvée à l’hôpital recroquevillée, sans pouvoir déplier ses jambes, avec des douleurs invalidantes allant de ses hanches jusqu’aux doigts de pied à cause de son arthrose, douleurs que les antalgiques, y compris les morphiniques n’arrivaient pas à calmer. Ses douleurs les plus insupportables arrivaient quand les aides-soignants la bougeaient pour changer ses couches et la laver, pourtant une dose supplémentaire de morphine lui était injectée avant ces manipulations.
Ma mère espérait pouvoir récupérer son autonomie, mais après un mois d’hospitalisation, et des tentatives de kiné infructueuse, le médecin de service a annoncé qu’elle ne récupérerait pas son autonomie ni pour ses déplacements, ni pour sa toilette intime, et qu’il était impossible d’expliquer pourquoi ses douleurs ne diminuaient pas. La seule perspective qui lui était offerte était une hospitalisations longue durée, perspective qui n’était pas acceptable pour elle.
Ma mère ne supportait pas de devoir vivre en état de dépendance totale avec des souffrances inapaisables. Elle a exprimé son souhait de bénéficier d’une aide à mourir à plusieurs reprises à l’hôpital Broca, mais comme ce n’y était pas autorisé, elle a demandé de bénéficier d’une euthanasie en Belgique, et je l’ai organisée parce que c’était son souhait affirmé et je le respectais.
Ma sœur, mon frère et moi avions parlé ouvertement de fin de vie depuis des décennies avec notre mère. En 2024, elle avait actualisé ses directives anticipées, avec plus de précisions, et elle est devenue patiente d’Yves de Locht, médecin généraliste à Bruxelles, auprès de qui elle a fait une demande écrite d’euthanasie sans préciser la date à laquelle elle voulait en bénéficier. Sa requête de concrétiser n’était donc pas une surprise pour nous. Et la vingtaine d’amis et de membres de sa famille qui connaissait sa décision à l’avance, comprenait sa décision et pensait tous qu’elle était cohérente avec sa personnalité.
J’ai personnellement accompagné ma mère en ambulance de l’hôpital à Paris jusqu’à un très bon établissement privé de soin à Bruxelles, où elle a séjourné pendant une semaine, pendant laquelle ma sœur, mon frère et moi l’avons accompagnée. Elle y a réitéré sa demande auprès du Dr de Locht et y a rencontré un psychiatre qui a acté qu’elle avait le discernement nécessaire pour prendre sa décision.
Le 13 février 2025, elle a été transférée à l’hôpital UZ Bruxelles. Nous les enfants, avons pu échanger intimement avec notre mère pendant une heure avant l’acte pendant laquelle elle était clairement à l’aise avec sa décision. Elle a réaffirmé sa demande auprès du Dr de Locht et un médecin de l’hôpital qui avait pris connaissance de son dossier, une dernière fois avant l’injection létale. Notre mère, à l’âge de 97 ans, est décédée très rapidement, sans souffrance, et avait l’air tranquillement endormie.
Ce fut évidemment une véritable épreuve que de l’accompagner jusqu’à la mort mais finalement j’ai été soulagé du fait que l’euthanasie mette fin à ses souffrances selon son souhait, et j’ai fort apprécié l’humanité des médecins belges qui ont participé.
Veuillez agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député, l’expression de ma respectueuse considération.
Keith Lund
Membre du Conseil d’Administration Le Choix
Coreprésentant régional Bouches-du-Rhône et Vaucluse
Réaction du Docteur Yves de Locht
« Votre témoignage est parfait, il décrit très bien tous les efforts faits par votre maman pour continuer à vivre malgré cette chute. Je vous félicite aussi pour votre accompagnement auprès de votre maman.
Vous avez accepté son choix.
Vous avez aussi fait preuve d’une grande compréhension et d’une grande humanité.

Les pays qui acceptent la liberté du choix de chacun de sa fin de vie font, comme vous, preuve de plus d’humanisme.
Malheureusement les opposants ne comprennent pas que c’est la personne en grande souffrance qui doit pouvoir décider de sa fin de vie et pas les médecins. »
RÉPONSES À UNE QUESTION IMPORTANTE
Combien de médecins sont prêts à aider à mourir ?
Contredisant ce qui a été longtemps affirmé, le président du Conseil de l’Ordre, François Arnault, a reconnu, lors de son audition le 2 avril devant la Commission parlementaire des affaires sociales qu’au moins un tiers des médecins était disposé à répondre à la demande de leurs patients atteints d’affections graves et incurables, souhaitant pour leur fin de vie une aide médicale à mourir. Il s’appuie pour cela sur une enquête réalisée récemment auprès de 3500 médecins. Le chiffre d’un tiers annoncé est très certainement sous-estimé puisque les médecins sondés sont tous membres élus du Conseil de l’Ordre, un organisme qui a toujours manifesté son opposition à toute aide active à mourir.
Le Dr François Arnault constate qu’il s’agit d’une très forte évolution, et prédit que ce pourcentage continuera à augmenter. « Il nous est apparu à l’Ordre des Médecins, dit-il, qu’il était impossible que les médecins ne soient pas à l’écoute de cette demande forte de la société. »
Avec cette déclaration, nous sommes loin des affirmations de la Société française des soins palliatifs (SFAP) qui prétendaient que la quasi-totalité des médecins étaient opposée à l’aide active à mourir.
Le Conseil de l’Ordre reconnait également qu’il existe bien des « situations difficiles où les malades sont confrontés à des souffrances insupportables et inapaisables ». Une reconnaissance tardive d’une réalité encore niée par certains soignants des soins palliatifs qui prétendent pouvoir soulager toutes les souffrances. Une situation pourtant bien réelle, reconnue par l’Académie nationale de médecine, par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), par le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Une réalité qui explique que nombre de français pourtant issues de régions déjà dotées en soins palliatifs vont chercher en Belgique ou en Suisse ce que la France leur refuse.
Si nous faisons l’effort de nous mettre à la place de patients atteints d’affection grave et incurable et qui endurent de telles souffrances, nous devrions comprendre qu’il convient de répondre à leur demande lorsqu’ils réclament une aide active à mourir. Refuser de les entendre est contraire à aux exigences républicaines de solidarité et de fraternité.
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Vous pouvez écouter l’intervention du Docteur Arnault ici :
Ne l’oubliez pas Mesdames et Messieurs les élu(e)s : les malades, vos électrices et électeurs, comptent sur vous
Nathalie Andrews & Annie Wallet
Co-présidentes