Il y a un mois, le gouvernement Trudeau a choisi de ne pas permettre l’aide à mourir anticipée, ce que demandent certaines personnes souffrant de maladies dégénératives. Pour protester contre cette décision, Yves Monette entamera une grève de la faim. « Et attention, je ne chokerai (*) pas », prévient-il d’emblée.
Ce Montréalais a 62 ans, mais il ne s’en souvient pas. Il n’est pratiquement plus capable de lire, d’écrire et de compter. Il vit avec un trouble neurocognitif depuis quelques années, qui a des similitudes avec l’Alzheimer. « Mon cerveau se détruit », confie Yves Monette avec émotion. Il ajoute que sa mère était d’ailleurs atteinte de la maladie d’Alzheimer.
L’aide à mourir, il la prendrait « immédiatement » s’il le pouvait.
Sauf qu’en mars dernier, dans sa plus récente version du projet de loi sur l’aide médicale à mourir, le gouvernement Trudeau a décidé de ne pas permettre tout de suite les demandes d’aide à mourir anticipées.
Pour protester contre cette décision politique, Yves Monette a décidé de faire la grève de la faim dès le début de la semaine. Il espère ainsi attirer l’attention des médias et des politiciens sur l’importance de donner l’accès à l’aide à mourir anticipée. « Peut-être que je suis né pour faire avancer cette cause, aider les prochains malades. »
« S’il faut que je meure pour que l’aide à mourir arrive plus vite pour les personnes comme moi, ça vaut la peine », estime M. Monette, en ajoutant qu’il veut exercer « de la pression sur M. Trudeau ». « Je n’ai pas peur de mourir. »
Dans la cuisine de son appartement situé du Plateau Mont-Royal, l’ancien expert en arts martiaux parle vite, les idées s’entremêlent, les souvenirs sont imprécis. Il n’a pas trop la notion du temps, mais il lui semble que sa santé s’est vraiment détériorée dans les derniers mois. Au point d’être certain d’une chose : il veut mourir.
« Rendu où j’en suis, je veux une piqûre et dormir pour toujours. »
– Yves Monette
« Je vais laisser mon orgueil de côté… Je vais vous montrer quelque chose », dit M. Monette, pendant l’entrevue. Il sort un paquet de culottes contre l’incontinence. « Je porte des couches », lâche-t-il, incapable de retenir ses larmes.
L’ancien agent correctionnel ne sait plus comment attacher ses lacets. Allumer et éteindre les lumières. Ne lui parlez pas de faire fonctionner le micro-ondes ! Des fois, ça revient pour un court laps de temps, mais si peu. Une ergothérapeute vient chez lui pour l’aider à avoir une certaine qualité de vie. Elle lui a entre autres donné des fiches sur lesquelles, avec quelques mots et des images, elle lui explique les étapes à suivre pour prendre une douche. « J’oublie qu’il faut enlever ses vêtements avant d’aller sous l’eau. »
« Je suis comme un enfant de 4 ans… Aimeriez-vous vivre comme ça ? »
– Yves Monette
Il énumère ce qu’il ne pourra plus jamais faire. Travailler. Avoir une « blonde », alors qu’il confie avoir tant aimé les femmes. Même faire une marche, ça devient compliqué, parce qu’il peut se perdre. Apprécie-t-il quand même un peu la vie ? « Pantoute. Si j’avais un pistolet, j’en aurais fini, de cette vie. »
« Je veux que les gens qui sont comme moi aient droit de mourir dans la dignité. Qu’ils ne soient pas obligés de payer 45 000 $ pour recevoir l’aide à mourir en Suisse ou de se suicider. » Le militant pour l’accès à l’aide à mourir anticipée implore donc les gouvernements de changer les lois. Et pour tenter de se faire entendre, il a choisi le jeûne de la protestation.
(*) ne pas changer d’avis
Source :
« La Presse » – Véronique Lauzon – 11.04.21