Après que le service de soins palliatifs ambulatoire où il était suivi lui ait donné cette réponse, Pierre C. désespéré se mit à chercher une solution hors de France.
Atteint d’une neurofibromatose dégénérative depuis plusieurs années, en invalidité depuis 2017, sa maladie incurable a lentement réduit son horizon de vie. Il a dû renoncer au mariage, à fonder une famille .Ne voulant pas entrainer la femme qu’il aimait dans cette mort lente qu’allait devenir sa vie, il a interrompu leur relation et vit en célibataire par obligation.
Il voit son état se dégrader de plus en plus vite, année après année. A 45 ans il est en invalidité depuis quatre ans, son univers se rétrécit inexorablement, et il comprend qu’il va diminuer de plus en plus pour se réduire à l’espace d’un lit médicalisé. Des soins réguliers lui enlèvent la douleur physique, mais rien ne le délivre des regrets, du déchirement de ces renoncements multiples, des sentiments de révolte, de l’angoisse de l’enfermement et du spectre de la dépendance totale. Il sait qu’il va devenir grabataire, dépendant d’aides extérieures pour tous les actes de la vie quotidienne, y compris les plus intimes.
La communication n’est plus possible que par mail ou sms, il n’entend plus rien, prend conscience aussi que sa parole se déforme de plus en plus. Il constate tous les jours qu’il a de plus en plus de mal à être compris. IL doit maintenant être accompagné pour des démarches importantes. Lorsque nous le rencontrons, pour lui permettre d’avoir une communication avec l’association suisse, il se déplace très lentement appuyé sur des béquilles pour venir nous ouvrir sa porte. Un logiciel installé sur son téléphone, transcrit nos paroles. Sa vue commence également à se dégrader, bientôt il ne pourra plus conduire sa voiture malgré les équipements spécifiques dont elle est dotée.
Il sent que le temps lui est compté, il redoute de perdre également sa lucidité, sa capacité d’exprimer son refus d’une fin médicalisée, d’une agonie interminable… prisonnier d’un corps qui a vidé sa vie de tout sens. Couper le fil de « cette vie » quand il en est encore capable devient l’unique projet qui lui donne un peu de sérénité.
Ses derniers jours en Suisse vont lui apporter un moment inespéré de bonheur, celle avec qui il aurait dû partager la vie, accepte de l’accompagner et lui tenir la main pour ce dernier voyage vers la liberté.
Voici le dernier message que Pierre nous a envoyé : « Adieu N., je suis à plat mais vivement mercredi, encore merci ! »
C’était un homme fort attachant et lorsqu’il a fait appel au Choix dans l’espoir de trouver une solution, nous avons pu l’orienter vers la Suisse, puisque la France n’accorde toujours pas cette liberté de choisir aux personnes malades sans espoir de guérison, les forçant à s’exiler pour ceux qui en ont la possibilité.
Liberté, Egalité, Fraternité ??
Annie Wallet 12.9.2021