Récit
Le ministre du renouveau démocratique, chargé de la convention citoyenne sur la fin de vie, s’est rendu jeudi 29 septembre à l’hôpital de la Citadelle de Liège. Il y a rencontré des soignants pratiquant l’aide active à mourir.
Le choix d’un déplacement politique n’est jamais anodin. Alors que le comité de gouvernance de la convention citoyenne sur la fin de vie était annoncé à Paris, Olivier Véran, lui, arrivait à Liège, dans la consultation « fin de vie » du docteur François Damas, au centre hospitalier de la Citadelle à Liège.
Ce médecin était au centre du documentaire Les Mots de la fin, diffusé sur Arte en juillet, qui montrait son quotidien de spécialiste de l’euthanasie, entre rendez-vous avec des patients et réunions interdisciplinaires. Avec insistance, patients français et praticiens belges soulignaient les insuffisances de la loi française, dans ce film au générique duquel est créditée l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) belge.
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C’est donc ce cadre qu’Olivier Véran, ministre du « renouveau démocratique » chargé de suivre la convention citoyenne, a choisi pour son premier déplacement sur le thème de la fin de vie. Dans une salle au 5e étage de l’hôpital, l’ancien ministre de la santé s’est entretenu pendant une heure avec un panel de professionnels, dont le docteur Damas, qui ont tous assuré une promotion sans réserve du système belge, qui autorise depuis vingt ans l’aide active à mourir.
« La loi belge est magnifique »
D’emblée, la directrice de l’établissement, Sylvianne Portugaels, s’est déclarée « fière de ces consultations sur la fin de vie ». L’enthousiasme des participants est à l’avenant. « Bien préparée, une euthanasie est un moment de grande tendresse, extraordinairement humain et fraternel », soutient le docteur Léon Constant, médecin généraliste. « La loi belge est magnifique, car elle garantit que tout patient va être entendu et accompagné », renchérit une infirmière.
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Le nombre d’euthanasies pratiquées en Belgique est à relativiser, assure la tablée : 2 600 par an, soit 3 % des décès. « Vous avez quand même multiplié par dix en vingt ans », remarque Olivier Véran. Le ministre français pose de nombreuses questions et reçoit autant de réponses rassurantes. Les euthanasies pédiatriques ? Il n’y en a eu que quatre depuis que la loi le permet. Les difficultés avec les familles ? « L’euthanasie ne change rien au deuil. » L’état de l’opinion ? « Il n’y a plus que des minorités qui agitent la menace d’une dérive. »
Olivier Véran, le neurologue, s’interroge sur les produits utilisés ou sur certains exemples de cas difficiles, parfois inspirés de son ancienne vie professionnelle. Olivier Véran, le ministre, s’étrangle un peu quand ses hôtes lui expliquent que certains imams acceptent que des musulmans soient euthanasiés, à condition que le médecin récite la première sourate du Coran au moment de l’acte.
Un système « hyper cadré »
Sur le fond, il ne donnera pas son avis, rejetant même à voix haute l’idée que « certains pays soient en avance sur d’autres ». « Je n’exprime pas d’opinion. Je dois être le garant de la neutralité du débat », confie le ministre à l’issue de la réunion. On devine tout de même sans mal quelques réserves – notamment sur l’absence de réunions pluridisciplinaires pour statuer sur un cas –, mais surtout son impression globalement positive.
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« Avec vingt ans de recul, il y a des questions qu’ils ne se posent plus. L’acceptation de la société et des soignants est très forte », observe-t-il, saluant un système « hyper cadré » qui donne tort à « ceux qui craignent une continuité entre euthanasie et eugénisme ». Il se montre également séduit par l’estimation du docteur Damas selon laquelle, sur dix patients se posant la question de l’euthanasie, un seul va réellement au bout. « Le fait de savoir que c’est une possibilité est déjà anxiolytique », conclut Olivier Véran.
Pour autant, celui qui est avant tout chargé du bon déroulement de la convention citoyenne ne veut pas d’un débat plié d’avance. « En somme, une question qui cadre les autres est : y a-t-il des situations qui justifient l’aide active à mourir ? » Un point de départ selon lui moins allant que certains membres de la majorité pour qui l’évolution de la loi serait déjà actée, ne restant à discuter que les modalités de son encadrement.
Source :
« La Croix » – Gauthier Vaillant – 29.09.22