Françoise souffrait de sclérose en plaques. En Belgique, son pays, la loi lui offrait la possibilité d’avoir recours à l’euthanasie, en cas de souffrances trop fortes que rien ne venait plus soulager. Didier, son mari, l’a accompagnée dans ce chemin intime. Il raconte.
Didier Drouven a accompagné son épouse dans son parcours vers l’euthanasie.
« Elle ne voulait pas mourir, elle ne voulait pas me quitter mais elle ne pouvait plus vivre, prisonnière de son corps et de ses douleurs. » En quelques mots, Didier Drouven résume les raisons qui ont conduit son épouse, Françoise, à avoir recours à l’euthanasie. En Belgique, où ils résident, l’aide active à mourir est légale.
Il raconte ce long cheminement, dans un livre, Le Passage (aux éditions Kiwi). Françoise souffre de sclérose en plaques depuis la fin des années 1990. La maladie peut prendre des formes très différentes selon les patients. Chez Françoise, à partir des années 2000, elle évoluera vers le pire, jusqu’à « partir en vrille ».
En 2011, elle s’équipe d’une canne pour ses déplacements, qu’elle doit remplacer par un fauteuil roulant cinq ans plus tard. Cette année-là, elle est déclarée inapte au travail. Elle a 50 ans. Un choc psychologique pour cette intellectuelle, qui travaillait à la Commission européenne. Mais sans commune mesure avec les douleurs qui l’assaillent, quotidiennement, et à un rythme de plus en plus fréquent.
Des douleurs permanentes
Elle se rend à la maison communale (l’équivalent de la mairie), accompagnée de deux amis, pour signer un papier dans lequel elle refuse tout acharnement thérapeutique. Elle ne renonce cependant pas pour autant à se faire soigner.
Pendant des années, elle multiplie les rendez-vous chez les spécialistes de Bruxelles – neurologues, rhumatologues, la rééducation « avec courage » à l’hôpital, souligne son mari. Elle essaie tous les traitements. Certains fonctionnent, d’autre pas. Avec des effets secondaires.
Se savoir immobile dans la souffrance lui était insupportable
Pendant le premier confinement, la maladie accélère. Les crises s’enchaînent sans rien pour les soulager que de l’ibuprofène. À la fin du confinement, un médecin de la clinique de douleurs lui prescrit des opioïdes très puissants. Mais les doses doivent être augmentées sans cesse pour contenir les assauts de la maladie.
Son seul horizon, c’est son lit. « Elle ne savait plus bouger. Ses douleurs étaient permanentes », explique Didier. « Elle avait déjà pensé à l’euthanasie, et nous en avions déjà parlé auparavant. Elle ne souhaitait pas finir dans la douleur. Se savoir immobile dans la souffrance lui était insupportable », raconte son époux. Il choisit de l’accompagner dans ce chemin. « Je lui ai dit : je ne peux pas t’imposer la douleur, juste pour que tu restes », confie-t-il.
Un moment apaisé
Ensemble, ils prennent rendez-vous à l’hôpital. Didier, comme toujours, l’accompagne dans les rendez-vous médicaux. Cette fois, Françoise passe trois jours à l’hôpital, où elle est vue par trois médecins différents.
« L’objectif est d’avoir trois diagnostics pluriels pour évaluer le niveau de détresse et de souffrances et savoir si la demande d’euthanasie est justifiée », précise Didier. Pour Françoise, ce sera le cas. Elle doit alors coucher cette décision par écrit pour enclencher la procédure.
« Quand elle a appris que sa demande était acceptée, elle a pleuré. Des larmes de soulagement. Elle m’a dit : Je peux partir sans souffrir. » À partir de ce moment-là, commence un délai de trente jours. « L’arme est prête, posée, mais le malade a le choix : il prend vraiment conscience de ce que cela implique et décide soit de ne pas y avoir recours, soit, si la douleur est trop forte, de partir dans la dignité. »
Elle est partie dans mes bras
Françoise ne déviera pas de sa décision. Avec Didier, ils mettront ce mois à profit pour préparer les funérailles qu’elle souhaite – un cercueil en osier, des musiques qui lui ressemblent et la consigne pour les invités d’être en blanc.
« Le plus difficile, pour moi, ça a été de quitter la maison. De dire adieu à notre univers commun. À l’hôpital, l’euthanasie en elle-même était un moment paisible. Elle est partie dans mes bras. » Un ultime acte d’amour.
(*) Le Passage. Choisir de mourir dignement, Didier Drouven, Kiwi Éditions.
Fin de vie : l’organisation de la convention citoyenne se précise
Le Conseil économique social et environnemental présente ce jeudi son comité de gouvernance, chargé de piloter la convention citoyenne sur la fin de vie. Il livrera les premiers contours méthodologiques, les modalités de tirage au sort des citoyens et le calendrier des prochaines étapes.
Emmanuel Macron a annoncé, le 13 septembre, sa volonté de rouvrir le débat sur la fin de vie en France, à l’issue de la présentation d’un nouvel avis du Comité consultatif national d’éthique sur le sujet. La convention citoyenne doit démarrer en octobre.
Côté politique, elle est sous la supervision d’Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement. Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée en charge de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, est en charge du lien avec les professionnels de santé, les usagers et les sociétés savantes. Le président de la République a, lui, reçu mardi les évêques de France qui lui ont fait part de leur « inquiétude » sur une évolution de la loi.
Source:
« Le Dauphiné Libéré » – Elodie Bécu – 29.09.22