« Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ». La convention citoyenne sur la fin de vie chargée de répondre à cette question, s’est ouverte, ce 9 décembre, au Conseil économique, social et environnemental (Cese).
Les 173 citoyens tirés au sort s’engagent dans trois mois de débats, au terme desquels (en mars donc) ils rendront au gouvernement leur avis sur un éventuel changement de loi. Dès ce week-end, ils se verront présenter le cadre légal actuel, la loi Leonetti-Claeys de 2016, par l’un de ces auteurs, l’ancien député Alain Claeys, les enjeux législatifs, par la présidente de l’Assemblée nationale (Yaël Braun-Pivet) et les contributions du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie. Ils auditionneront aussi des experts issus de pays ayant légiféré sur l’euthanasie (quand le médecin injecte le produit légal) ou le suicide assisté (quand la personne prend d’elle-même le produit prescrit médicalement). Puis, ils se retrouveront au cours de neuf séances de trois jours jusqu’au 19 mars.
« Soyez libres »
« Soyez libres de vous émanciper des idées reçues, de dire vos doutes, vos désaccords », a déclaré Élisabeth Borne en ouverture. « Ce n’est pas une mission facile qui vous est confiée », a admis la Première ministre, plaidant pour « une réflexion en nuances et en responsabilité », qui aborde de nombreux sujets, comme l’accès aux soins palliatifs, les exigences éthiques ou encore l’accompagnement dans le deuil.
« La décision médicale est évidemment centrale, mais elle n’est qu’un aspect du débat. La fin de vie, c’est aussi un enjeu d’humanité, une exigence d’anticipation, d’accompagnement, une éthique du soin. Alors, dans vos échanges, tentez d’embrasser sans cesse les questions dans leur globalité et leur singularité, à vous imaginer dans la position de l’autre », a-t-elle enjoint.
La réflexion ne part pas de rien. Les citoyens pourront notamment s’appuyer sur l’avis 139 du CCNE rendu le 13 octobre, qui dessine les contours d’une aide active à mourir éthique. Constatant que la sédation profonde et continue de la loi de 2016 ne répond qu’aux situations où le pronostic vital est engagé à très court terme, le CCNE propose qu’une assistance au suicide – donner les moyens à une personne de se suicider – soit ouverte aux personnes majeures, atteintes de maladies graves et incurables provoquant des souffrances physiques ou psychiques réfractaires, dont le pronostic vital est engagé à moyen terme. La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) a en outre réitéré son invitation d’accueillir en immersion les citoyens de la convention pour leur faire partager « l’expérience incontournable des soignants ».
Des conclusions au sort imprévisible
Quel sort sera réservé aux conclusions de la convention ? « Débattre, ce n’est jamais pour rien mais c’est le président de la République qui décidera », avait prévenu fin novembre Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée aux professions de santé, devant l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis). « Tout est ouvert », assure aujourd’hui Claire Thoury, qui pilote l’organisation de la convention au sein du Cese. « Ce ne sont pas les citoyens (…) qui vont faire la loi », a-t-elle insisté, promettant toutefois que ces recommandations serviraient de « pierre angulaire » aux débats sur le sujet. « Je n’imagine pas qu’il n’y ait pas de suite donnée aux travaux de la convention », a glissé le président du Cese, Thierry Beaudet, au « JDD ».
Mais pour l’heure, les desseins d’Emmanuel Macron, qui s’est montré un temps favorable à l’euthanasie comme grande réforme sociétale de son second quinquennat, avant de faire machine arrière devant les divisions très profondes de la société, sont insondables.
Le président devrait en outre s’inspirer des autres travaux qu’il a lancés, ici et là. Agnès Firmin le Bodo et Olivier Véran (porte-parole du gouvernement et chargé du Renouveau démocratique), consultent à tout va, y compris en Espagne, Italie, Belgique, Suisse. Une mission parlementaire est chargée d’évaluer la loi Leonetti-Claeys ; la nomination à sa tête d’Olivier Falorni, partisan affiché d’une légalisation de l’euthanasie, n’a d’ailleurs pas manqué de susciter une polémique que la présence, à ses côtés, de la députée oncogériatre, diplômée en soins palliatifs, la Dr Laurence Cristol, n’a pas pu apaiser.
La Cour des comptes prépare un rapport sur les soins palliatifs ; et dans les territoires, les Espaces de réflexion éthique régionaux (Erer) organisent une quarantaine de réunions, conviant des professionnels de santé, des lycéens, des patients, ou encore le grand public. Sans oublier la mission confiée à Erik Orsenna. L’écrivain doit établir un glossaire « des mots de la fin de vie », pour trouver un terme moins chargé. Ou au moins, lever le voile sur des incompréhensions et confusions communes. Une mission d’acculturation qui pourrait être au moins le premier résultat de la Convention, si elle n’aboutit pas sur le plan politique.
Source :
« Le Quotidien du Médecin » – Coline Garré – 09.12.22