Monsieur,
Ce n’est pas que j’ai beaucoup de temps, mais je tiens quand même à réagir à vos propos recueillis par Patrice Moyon dans « Ouest-France » si je ne me trompe.
Vous commencez par parler de crises hospitalières successives. J’aime qu’on parle franc. Ne pensez-vous pas qu’au lieu de parler de crises, on devrait parler du démembrement du système actuel de Santé en France, auquel on assiste petit à petit depuis des décennies ? Ce cher système français qui serait d’après vous regardé avec intérêt par les pays européens et les Américains du nord et du sud. Entre nous, s’ils étaient au courant de nos problèmes pour le financer ce système, je ne sais pas s’ils seraient aussi attirés que ça. Bref. En attendant s’ils nous regardent avec intérêt, nous, français, sommes nombreux à reluquer et envier la politique en matière de fin de vie, menée courageusement par de plus en plus de nos pays voisins, et dans certains Etats américains. Comment on doit respirer… Comment on doit se sentir bien dans son pays, quand on sait qu’on a pourra toujours obtenir une aide médicale pour bien mourir, si on a une ou plusieurs pathologies nous causant des douleurs inapaisables devenant insupportables ! C’est important de bien respirer pour la santé, n’est-ce pas Docteur ?
Restons en France. Des bons Soins Palliatifs partout ? En rêve, oui, mais impossible je le crains. Et quand vous dites que les malades en soins palliatifs ne demandent pas la mort, encore faudrait-il qu’ils soient en mesure de pouvoir le faire. Quand on est complètement drogué par des traitements antalgiques lourds, anti dépressifs costauds aussi, que peut-on demander ? Pas grand-chose. « Tu peux baver mais on ne t’entend plus, tu te tais. » En gros j’imagine que parfois cela doit ressembler à ça. Aussi, en plus, si comme vous le dites, un patient garde toujours sa dignité jusqu’au bout, à la question d’un soignant (souvent pressé) qui lui demanderait en entrant dans sa chambre Comment ça va Monsieur Dupont ? Le patient répondra tant qu’il le pourra, par un ça va… Une manière digne d’entrer en conversation dans la vraie vie. Mais là, c’est bon comme ça, les secondes allouées au passage du ou de la soignant(e) étant trop comptées, si ça va c’est parfait, on note ! Mais derrière ce que vous appelez LA DIGNITE, monsieur Leonetti, il y a parfois de grandes souffrances. En France on ne veut pas tout entendre j’ai l’impression.
L’angoisse de la mort est une réalité… Non. Pas quand on ne supporte plus ses propres souffrances. Là, il arrive un moment où on n’attend plus que la Faucheuse. Et d’ailleurs tous ceux qui suivront votre corbillard seront d’accord et se le chuchoteront : c’est une grande délivrance pour elle – ou pour lui -, et passeront facilement au temps qu’il fait. En revanche, l’angoisse de continuer à trop souffrir, l’angoisse de très mal finir sa vie, cela existe bien. L’angoisse de mal mourir. A moins d’être maso ou sadique si on trouve normal que les autres puissent être torturés dans leur vie, dans leur corps, sans leur apporter l’aide indolore à mourir s’ils la demandent expressément à leur médecin.
Un médecin Monsieur LEONETTI??? Quelle honte !!! Quelle horreur !!!
Voici un courrier que j’ai adressé à Emmanuel Macron peu après sa première élection. J’ai reçu une réponse polie de son directeur de cabinet m’informant que mon courrier avait été transmis à la Ministre de la santé de l’époque…J’avais antérieurement adressédes courriers similaire à Monsieur Leonetti
《Monsieur le Président de la République,
J’ai placé beaucoup d’espoir dans votre élection. Je suis heureux que la France ait un président jeune (l’âge de ma fille!) et courageux. J’espère beaucoup que vous réussirez dans la tâche difficile que les français vous ont confiée. Toutefois je suis très déçu lorsque j’entends les propos de votre Ministre de la santé Agnès Buzin qui s’exprime sur la fin de vie et qui semble laisser peu d’espoir sur une réelle évolution de la loi actuelle Clays-Leonetti. Pour que vous compreniez mieux la raison de ma déception je vous propose de vous mettre pendant quelques instants dans la terrible situation à laquelle j’ai dû faire face il y a une dizaine d’années.
Imaginez que l’être qui vous est le plus cher au monde, votre épouse, souffre depuis des années d’une longue maladie, un cancer par exemple. Elle se bat, vous vous battez avec elle, opérations douloureuses successives, radiothérapies, chimiothérapies… Vous y croyez, elle va se sortir de là et puis rechute après rechute l’espoir s’amenuise jusqu’à disparaître. Vous avez posé la question à l’oncologue : combien de temps reste-t-il ? : une semaine, un mois quelques mois…Il ne sait pas mais la fin approche, irrémédiable, et la souffrance est là depuis longtemps mais elle s’accroît. La tumeur est proche de nerfs très sensibles, la douleur neuropathique intense ne peut être soulagée et votre femme souffre de plus en plus, qu’elle soit assise, couchée ou debout, quelque soit la position. Elle ne peut presque plus marcher et vous savez que son état ne peut maintenant que continuer d’empirer, devenir insoutenable.
Dès le début de sa maladie votre femme vous a fait part de son souhait, si un jour la vie ne veut plus d’elle, de pouvoir partir doucement, tendrement en vous serrant la main lorsque qu’il n’y aura plus d’espoir et que sa vie sera devenue une souffrance insoutenable. Elle ne veut pas entrer dans un centre de soins palliatifs car l’idée de rentrer dans une telle structure en confiant sa fin à d’autres et en sachant qu’elle ne pourra plus rien maîtriser lui est insupportable !
Alors en l’état de la législation française actuelle, que ferez-vous face à cette femme que vous aimez plus que tout et qui vous supplie les yeux dans les yeux de l’aider à vous quitter, à quitter ce monde sereinement, calmement ? Quel choix ferez-vous Monsieur le Président ?
Vous pourrez détourner le regard, vous dire que vous ne pouvez pas l’aider comme elle le souhaite mais le remord vous rongera le restant de votre vie. Vous pourrez essayer de l’emmener à l’étranger dans un pays où ce choix est possible mais c’est très compliqué et encore faut-il que vous en ayez les moyens financiers et qu’elle puisse supporter le voyage. Vous pourrez rechercher la complicité d’un médecin français mais encore faut-il en connaître un dans vos relations qui ait suffisamment d’humanité et de courage pour l’aider car il risque gros en l’état de la législation actuelle… Enfin, si aucune de ces solutions ne vous semble possible et si vous avez beaucoup d’amour et de courage, vous pourrez alors l’aider seul à mourir. Il vous faudra trouver un moyen non violent, vous serez totalement seul à assumer cette décision et la justice pourra vous condamner pour l’avoir aidé…
Voilà le terrible choix devant lequel je me suis trouvé il y a une dizaine d’années. Je vous souhaite de ne jamais vous retrouver dans pareille situation mais qu’auriez-vous fait à ma place Monsieur le Président ?
J’espère de tout cœur que vous serez le Président de la République qui permettra enfin l’élaboration d’une loi autorisant, en complément des soins palliatifs, la possibilité, pour les malades en fin de vie qui le souhaitent, de bénéficier d’une aide active à mourir. La loi actuelle n’apporte aucune solution à la terrible situation exposée ci-dessus. Elle ne propose que la solution de sédation profonde aux personnes qui se retrouvent agonisants à quelques jours de leur mort dite naturelle alors que c’est justement ce que certains citoyens refusent. Ils veulent pouvoir partir avant d’en arriver à ce terme qu’ils jugent inacceptable. De quel droit leur refuse-t-on cette ultime liberté qu’il n’est bien sûr pas question d’imposer à quiconque ? Avec la loi actuelle il ne reste toujours que l’exil ou la clandestinité pour qu’ils puissent partir comme ils le souhaitent. Une grande majorité d’entre eux n’a d’ailleurs d’autre issue que de mourir dans des conditions qu’ils refusent. C’est pourquoi il faut laisser la possibilité à chaque française et à chaque français qui se retrouve en fin de vie de pouvoir choisir librement les modalités de sa mort.
Voilà Monsieur le Président le message que je souhaitais vous adresser. J’espère qu’il passera le filtre de vos services et que vous pourrez le lire vous-même car je suis certain que vous comprendrez ce que j’ai vécu.
Veuillez agréer, Monsieur le président de la République, l’expression de ma respectueuse considération.》