Historique de l’Aide Médicale à Mourir au Québec et au Canada
Par Nathalie Andrews
En 2005, la députée Francine Lalonde dépose un projet de loi, ce sera le point de départ d’un combat entrepris par notre amie commune Hélène Bolduc, infirmière de formation et militante humaniste, qui a participé à la rédaction de ce texte.
Deux ans après l’AQDMD est fondée et Hélène Bolduc en sera la première présidente. L’association deviendra vite un acteur majeur via des actions sur l’AMM.
En 2009, une commission parlementaire transpartisane est créée au Québec. Elle mènera une commission générale sur les questions de fin de vie, les soins palliatifs, l’AMM et le suicide assisté. Les auditions publiques tenues entre 2010 et 2011démontreront que les Québécois étaient prêts pour ce type de débat. En 2010, Mme Bolduc présente avec succès un mémoire devant la commission parlementaire. La plupart des experts opposants changent leur fusil d’épaule. Cette évolution est également due à des témoignages de malades.
En 2011, l’AQDMD soutient Mme Ginette Leblanc, atteinte de SLA depuis plusieurs années. Sachant ce qu’il l’attendait, elle espérait trouver une solution. Le suicide assisté étant formellement interdit au Canada à ce moment, elle mourra deux ans plus tard sans avoir pu mener à bien son combat. Ces cas ont tous eu un poids tant au Québec que dans le reste du Canada
En 2012, le rapport de cette commission parlementaire est déposé. les parlementaires québécois sont favorables à l’instauration d’une loi concernant les soins de fin de vie incluant l’aide médicale à mourir.
En 2014, le Québec adopte le projet de loi n°52 qui devient la loi 2 Cette nouvelle loi permet à une personne qui répond aux critères d’éligibilité d’obtenir l’aide médicale à mourir (AMM).
Pour l’association québécoise, le combat doit donc continuer pour que les personnes qui ont des souffrances insupportables, des maladies incurables, qui sont « aptes » à s’informer et à choisir ou non un traitement en connaissance de cause, puissent avoir accès à l’aide médicale à mourir – même s’ils ne sont pas en fin de vie. Mais … le code criminel, qui relève du fédéral, devra être modifié.
En 2015, survient la cause fort connue « Carter vs Canada ». L’AQDMD est partie prenante. Certains articles du Code criminel (en particulier l’article 241) sont invalidés unanimement par la Cour suprême du Canada et reconnaît le droit d’obtenir une aide médicale à mourir (AMM) sous certaines conditions. La Cour suprême donne 12 mois au parlement fédéral pour modifier le code criminel !
En 2016, le projet de loi C-14 apporte une modification au Code criminel du Canada ainsi que des modifications connexes à d’autres lois : l’aide médicale à mourir est ainsi soumise aux Communes et l’AQDMD présente un mémoire à cette occasion. Le comité mixte spécial (Communes/Sénat) sur l’aide médicale à mourir (AMM) dépose son rapport au Sénat et à la chambre des communes du Canada. La loi est adoptée en juin 2016. Le Canada devient l’un des rares pays à autoriser l’aide médicale à mourir lorsque certaines conditions strictes sont rencontrées.
En 2019, un sondage révèle que « 3 Québécois sur 4 croient que les personnes atteintes d’Alzheimer devraient pouvoir demander l’aide médicale à mourir avant de perdre leurs facultés » ! La même année, Mme Nicole Gladu et M. Jean Truchon déposent une poursuite en Cour supérieure du Québec alléguant l’inconstitutionnalité des critères temporels de « mort naturelle raisonnablement prévisible » dans le Code criminel (article 241) et celui de « fin de vie » dans la loi 2 du Québec. L’AQDMD est partie prenante dans ce procès Parce que « leur mort n’était pas imminente » ces deux défendeurs, qui souffraient de maladies dégénératives incurables depuis quelques années, s’étaient en effet vus refuser l’AMM. Je me souviens dans quel état étaient ces deux personnes…
Une juge de la Cour supérieure du Québec confirmera en septembre 2019 que les deux régimes législatifs …fédéral et provincial, fixant ceux qui ont accès à l’AMM sont trop restrictifs et discriminatoires. Six mois sont accordés aux deux régimes pour modifier leurs lois afin qu’elles deviennent conformes à la Charte des droits et libertés du Canada.
L’année suivante, le Québec n’ira pas en appel de cette décision, ne modifiera pas sa loi, mais indique qu’en date du 11 février 2020, le critère de « fin de vie » n’est plus opérationnel et devient donc caduque comme critère d’admissibilité à l’AMM.
Pas d’appel non plus pour le fédéral, qui décide de modifier le Code criminel et soumet aux Communes le projet de loi C-7. L’AQDMD soumet un mémoire et sera témoin devant un comité des Communes ainsi qu’un comité sénatorial.
En mars 2021, le projet de loi C-7 est adopté au fédéral et abolit enfin le critère de « mort naturelle raisonnablement prévisible » afin d’avoir droit à l’aide médicale à mourir. Celle-ci devient ainsi accessible aux personnes dont la maladie est incurable mais dont la mort naturelle n’est pas prévue prochainement.
La même année, une Commission spéciale sur l’évolution de la Loi 2 est créée au Québec. L’AQDMD fournit un mémoire et est conviée à participer aux auditions devant la Commission. Elle défend notamment l’élargissement des demandes anticipées (DMA) d’aide médicale à mourir aux personnes touchées par une maladie neurodégénérative cognitive, et l’ouverture de l’AMM aux personnes touchées uniquement par un trouble de santé mentale sous réserve de critères cliniques à définir par des experts de ces conditions.
En juin 2023, le projet de loi 11 est adopté par le Gouvernement du Québec et entrent en vigueur :
Retrait du critère de fin de vie
Interdiction du trouble mental autre qu’un trouble neurocognitif, comme seule maladie pour laquelle une personne fait une demande d’AMM
En vigueur fin 2023 :
L’obligation des maisons de SP d’offrir l’AMM
La possibilité aux infirmières praticiennes spécialisées (IPS) d’administrer la SPC et l’AMM
Suivent en mars 2024 :
Les dispositions concernant le handicap (déficience physique grave entrainant des incapacités significatives et persistantes)
Entrée vigueur avant le 7 juin 2025 :
Les dispositions relatives au régime applicable aux demandes anticipées d’AMM
Pour aller plus loin :
L’AIDE MÉDICALE À MOURIR AU CANADA ET AU QUÉBEC, par Georges L’Espérance – mars 2025