Paris le 16 mars 2021
Objet : Lettre à Monsieur le docteur Olivier Véran, ministre de la santé
Monsieur le ministre, La lutte contre l’épidémie est votre priorité et je le comprends, toutefois la pandémie due au Covid 19 a remis en première ligne la question du « bien mourir ».
L’humanisation de notre fin de vie est le seul sujet qui concerne tous les citoyens, y compris les femmes et les hommes politiques.
Plus de 90 % de la population réclame une nouvelle loi, plus humaine, plus adaptée aux souhaits de chacun. La loi Léonetti- Claeys de 2016, venue modifier la loi de 2005, reste terriblement restrictive quant aux indications de la sédation terminale. De plus celle-ci impose une méthodologie humainement et éthiquement discutable. En tant que médecin, vous savez comme moi que la suppression de l’hydratation a pour objectif de créer une insuffisance rénale qui n’a rien de naturelle. L’agonie lente qui en résulte créée des souffrances supplémentaires difficiles à apprécier pour le malade, certaines pour les familles.
Mon frère vient de décéder en janvier 2021 d’une hémorragie cérébrale et son agonie a duré un mois avec le protocole proposé par la Haute Autorité de Santé. Je ne souhaite une telle fin ni pour vous ni pour moi.
Si certains, au nom de leur convictions philosophiques ou religieuses, souhaitent une mort progressive, il est légitime qu’on y réponde, mais une loi républicaine doit respecter aussi les souhaits de ceux qui, confrontés à une affection grave et incurable, réclament des conditions de fin de vie plus humaines en ayant recours à des médicaments anesthésiques mettant rapidement fin à leurs souffrances. Il s’agit là du respect des dernières volontés de chacun.
Des pays (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg) ont adopté depuis longtemps une telle législation sans tomber dans la « barbarie » annoncée. La France est aujourd’hui entourée de pays qui ont tous évolué sur ce sujet (y compris ceux qui sont de tradition catholique), soit par un vote parlementaire (Portugal, Espagne), soit par une décision des Cours constitutionnelles (Allemagne, Italie, Autriche).
Le nouveau plan de soins palliatifs que vous proposez ne satisfera pas la diversité des demandes. De plus sa réalisation est aléatoire compte tenu de la crise actuelle de la démographie médicale et de la réduction drastique des lits d’hospitalisation.
Vous le savez, à l’Assemblée Nationale, il n’y aura pas de consensus sur ce sujet. Votre avis sera essentiel. J’aimerais que, dans l’avenir, votre nom soit attaché à une loi courageuse sur l’Aide Médicale à Mourir, une loi répondant enfin aux principes de liberté, d’égalité et surtout de fraternité de notre République. Le temps est venu pour les hommes politiques de prendre leurs responsabilités.
Je suis à votre disposition pour en discuter, l’enjeu en vaut la peine.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma très haute considération.
Docteur Denis Labayle Ancien chef de service du Centre hospitalier Sud-Francilien
Coprésident de l’Association « Le Choix-Citoyens pour une mort choisie »
Auteur de Pitié pour les hommes (Stock)