TRIBUNE – C’est dans le cadre d’une niche parlementaire d’une journée dont bénéficie le groupe Liberté et Territoires que les représentants du peuple votent aujourd’hui pour une énième nouvelle loi sur la fin de vie. Le peuple n’est pas très sûr des modalités qu’elle devrait revêtir, mais à 95% ils souhaitent que sous certaines conditions, l’euthanasie et le suicide assisté soient possibles. Si la démocratie n’est pas un vain mot en France, le 8 avril devrait accoucher d’une nouvelle loi. Mais on doit se demander quel sera le contenu de cette loi.
Est-ce une loi qui tiendra compte des avancées réelles qui ont eu lieu par exemple au Canada ?
La proposition d’Olivier Falorni prévoit que la demande d’euthanasie ou d’un suicide assisté soit traitée par une collégialité de trois médecins qui l’accepteront ou la refuseront. Est-ce la bonne formule ? Les médecins seraient-ils des spécialistes formés à déterminer si une personne est apte à mourir ? Ne serait-il pas plus humain et plus logique qu’une telle demande soit reçue par un seul médecin et la personne de confiance du demandeur ? La personne adulte et responsable qui fait une telle demande ne doit pas être tributaire d’un tribunal de fin de vie. Tenir compte de cette formule où la décision serait prise par le trio : patient, médecin, personne de confiance, demanderait une modification succincte de l’article 2 de cette proposition.
Par ailleurs, nous ne pouvons oublier l’éventualité de la maladie d’Alzheimer, une perspective qui serait moins effrayante si avant la perte totale d’autonomie les critères pour une euthanasie étaient fixés entre la personne concernée, son médecin et sa personne de confiance. Cela éviterait des suicides hasardeux et prématurés de patients craignant de ne plus pouvoir réagir une fois tombés dans la démence. Quelques précisions dans l’article 3 permettraient cette avancée..
On ne peut pas tout demander le 8 avril ; on ne peut pas changer la pesanteur des élites françaises en une journée, mais ne fermons pas les yeux puisque le temps semble-t-il est venu de les ouvrir, comme nous l’a montré l’ancienne secrétaire d’état aux personnes âgées, Paulette Guinchard, décédée récemment, obligée de recourir au suicide assisté en Suisse .
Comment ne pas entrevoir ce que les adversaires acharnés depuis 50 ans de toute évolution appelleront la pente glissante ? En effet peut-on dans l’absolu établir des critères solides pour que la société accepte de permettre à quelqu’un de mourir ? Le vrai problème n’est pas lié à la personne qui veut mourir qui a, comme le dit l’article 4 de la déclaration des droits de l’homme, toutes les libertés, sauf celle de nuire à autrui. Ce n’est pas elle qui souffrira de sa disparition, mais ses proches. Un critère déterminant de la décision de mourir est donc la responsabilité affective que l’on peut avoir envers les personnes qui nous entourent. Ce critère ne peut être évalué que par le trio que constituent la personne concernée, le médecin qui la connaît et sa personne de confiance.
Et puis, un jour, comme y réfléchissent les Pays-Bas depuis longtemps, pourquoi devoir justifier que l’on veut mourir quand on a dépassé les 70 ou 80 ans ?
Ce sont des réflexions encore un peu novatrices, mais le 8 avril la France doit au moins éviter d’avoir 20 ans de retard sur les pays qui lui ressemblent et prendre le départ du « aider à mourir » moins hypocrite que le « laisser mourir » actuel.
Philippe Chazot, ex vice-président de l’association Ultime Liberté
Source :
« France-Soir » 08.04.21