Ma grand-mère a mis 5 mois à mourir, environ 89 ans de travail et d’indépendance, fière de rester debout malgré les difficultés de la vie : couturière, mari maçon, blessé gravement dans les tranchées de Verdun, puis tombé d’un échafaudage : 1 an couché sur une planche, rien à manger pendant la guerre de 39/40 ou si peu à Paris… et il a retravaillé jusqu’à ce qu’il ne le puisse plus. Elle aussi a travaillé très vieille, il n’y avait pas de retraite en ce temps-là, elle a dû accepter de se faire aider par ma mère. Mon grand père est mort en douceur d’un arrêt du cœur en dormant, passé 85 ans. Elle était partie dans une résidence retraite où elle avait un studio, très contente de pouvoir rester autonome, toujours debout.
Un jour elle s’est couchée pour ne plus se relever, paralysée par l’arthrose dixit les médecins…elle ne pouvait pas bouger du tout… elle refusait de manger : on la gavait de force avec une cuiller qui lui blessait les gencives (elle ne portait plus son appareil dentaire) mais elle absorbait très peu : elle serrait les lèvres de toutes ses forces pour ne pas avaler quoi que ce soit, sauf un peu d’eau, elle avait soif.
Communiste athée, elle réclamait chaque jour la même mort que celle qu’elle avait donné à ses chats et chiens autrefois avec le vétérinaire… plus humain que nos médecins… sans succès.
Ils l’ont laissé maigrir de 40kg (elle était passée de 80 kg à 40kg, elle était grande, elle n’avait plus que la peau et les os) ils ont laissé son corps pourrir (nombreux escarres) alors qu’elle était consciente jusqu’au bout…
Ils l’ont laissée souffrir le martyr avant de mourir, est-ce raisonnable ? Est-ce compassionnel ?
Non bien évidemment, l’horreur.
J.S. 2021